Vousrecherchez les derniers avis de décÚs de la commune de La Tour-du-Pin - Département IsÚre dans le journal Le Dauphiné Libéré sur le site Libra Memoria. Retrouvez sur les avis de décÚs le jour de leur parution papier, et déposez gratuitement des condoléances en ligne.

Azille Challenge Jean-Pierre-Ensenat organisĂ© par le PĂ©tanque-club Collecte de sang estivale Bages "Le long chemin de Joachin" Ă  la bibliothĂšque Une belle soirĂ©e avec les Chansonneurs Bram Mercredi Ă  suivre le rugby au Stade des PyrĂ©nĂ©es Carcassonne 144 400 € de travaux dans les Ă©coles cet Ă©tĂ© Disparition de Bernard PĂ©rĂ©-Lahaille, le plus Carcassonnais des Palois Figurants dans un tĂ©lĂ©film, ça vous tente ? SĂ©curitĂ© routiĂšre les autoritĂ©s “mobilisĂ©es“ Castelnaudary 4 L Trophy A NOTER A NOTER CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR Cyclo-club Football supĂ©rieur, le COC passe le tour devant des Arzenais accrocheurs Handball L'arbre Ă  palabres de la FĂȘte du cassoulet La Ronde Le RCNM sur le gazon de Bram Musique latine ce soir avec le "Latin'Oc" Ofnis "Nous ne savons pas si l'engin avance !" Coursan La nostalgie des vendanges Ă  l'acienne » reste vive Point Virgule du mardi 23 aoĂ»t 2011 EspĂ©raza Cyclos de l'AMVCE Finie la trĂȘve estivale pour les dirigeants du RC Coes qui ont tenu leur premiĂšre rĂ©union LĂ©zignan-CorbiĂšres CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR Du ballon rond au vide-greniers Du son insolite Ă  Camplong DĂ©gustations Ă  domicile Festival international du jeu Ă  Villerouge-TermenĂšs L'ombre des collĂ©giens de l'Aude va planer sur l'aĂ©rodrome La sculpture grandeur nature s'Ă©panouit Ă  l'air libre sur le sentier de Mayronnes NOTEZ-BIEN NOTEZ-BIEN Vin, olive, truffe c'est le trio gourmand des Ă©poux Josserand Limoux A l'auditorium du musĂ©e du piano AU COMPTE- GOUTTES AU COMPTE- GOUTTES AU COMPTE- GOUTTES Agression de Cavirac l'arme reste introuvable C'est la reprise au club de badminton CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR Feu de voiture Feu de voiture Foot tirs au but et match Il cultive une plante qui peut remplacer le sucre L'Ɠil surpris L'Ɠil surpris Le XV de France fait du XIII Relaxation Relaxation Rugby Ă  XV Ă©quipe dirigeante renforcĂ©e SoirĂ©e contes Son dĂ©fi ? Cent jours pour trouver l'Ă©panouissement Son dĂ©fi ? Cent jours pour trouver l'Ă©panouissement Un acteur du "Français" se met Ă  table Un policier de Guernica À l'auditorium du musĂ©e du piano Narbonne Agression du Cristal les provocations du prĂ©venu au tribunal Coup de filet dans un camp de gens du voyage En fuite, les 4 cambrioleurs se blessent dans un accident Un conducteur agressĂ© aprĂšs un accrochage en voiture Port-la-Nouvelle AUTOUR DE LA VILLE CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR California en concert ! De l’ecstasy sur la plage L'ESN fait match nul mais perd aux prolongations L'amicale des anciens de l'ESN Rugby en deuil La soirĂ©e catch a fait le plein! Une belle soirĂ©e grillades et sardinade de l'USP Tuchan ConfĂ©rence sur les CorbiĂšres d'aujourd'hui ConfĂ©rence sur les CorbiĂšres d'aujourd'hui DĂ©cĂšs de Colette Souillard Aveyron De gros mangeurs de melons, du rock et des airs d’accordĂ©on La chasse aux trĂ©sors passionne le dĂ©partement SĂ©ance dĂ©couverte au stade d’eau vive À Peyre et La Barque, des voix s’élĂšvent pour dĂ©noncer l’état estival du Tarn et du Cernon Rodez Economie vapeur d’eau et date limite de vente Vols de gazole et caisses dĂ©valisĂ©es dans plusieurs magasins de matĂ©riel agricole Gard AprĂšs une chute de 50 m, un Spiripontain succombe Ă  ses blessures L'aven oĂč poussent des racines AlĂšs Alexandra Lamy parle de son amour du pĂ©lardon Conteneurs en feu et tags injurieux dans le quartier de Rochebelle Un distributeur de billets arrachĂ© de la façade d’une banque Aramon Eric Pellestor a repris le tabac-presse Le Parchemin Ă  Manduel Remoulins Des renforts bienvenus Ă  la gendarmerie Bagnols-sur-CĂšze Cavillargues Le perroquet fugueur dĂ©sormais muet Ce matin, le grand dĂ©but des vendanges La DH dans les starting-blocks Mercredis camarguais Ă  la manade du Joncas Nora, la gazelle spiripontaine toujours Ă  fond en demi-fond Pierre Rabhi au monastĂšre de Solan SPÉCIAL VENDANGES 2011 Taureaux et repas Ă  la manade du Joncas Écouter les chauves-souris GĂ©nolhac AmĂ©nagement de la traversĂ©e du village par la RD 906 Spectaculaire succĂšs pour l'exposition Vialas en peinture NĂźmes Au retour de Madrid, les JMJ sont "transcendĂ©s" Des dizaines de manifestants devant le centre de rĂ©tention administrative Le chanteur RoĂ© compose avec son bel antre nĂźmois The Offspring du lourd pour clore le Festival Vaste incendie sur un terrain route de Montpellier Vol NĂźmes-Rome un passager bien dĂ©cidĂ© Ă  porter plainte contre la compagnie Prima Orsan Une Ă©quipe orsannaise sera Ă©galement sur les pentes du Mont-Blanc Le stade reprend du service Pont-Saint-Esprit La boxe française en dĂ©monstration pour la clĂŽture des marchĂ©s nocturnes La compagnie du Criquet improvise Ă  la demande du public Les artistes en herbe du centre de loisirs ont Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©s Les bambous devenus Ɠuvres d'art sont entrĂ©s au prieurĂ© Tous ensemble, pour une ville propre et sans incivilitĂ©s Redessan FĂȘte votive journĂ©e du 23/08 Romain Bruschet, JĂ©rome Martin, portent trĂšs haut les couleurs du village finale de la devise d'Or Tavel Deux peintres exposent leurs Ɠuvres Ă  la chapelle Saint-FerrĂ©ol UzĂšs A travers la ville Appel participation au forum des associations Le Parefeuille Virginie Ollagnier prsĂ©sent ''Rouge argile'' Théùtre deux comĂ©dies dĂ©lirantes d'Anton Tchekhov et EugĂšne Ionesco Vauvert L'Elan vauverdois prĂ©pare activement sa FoulĂ©e des halles De l'ambiance au repas de quartier rue Terraude La fĂ© di biou en hĂ©ritage pour les Brunel VĂ©zĂ©nobres La commune renouvelle sa confiance Ă  la sociĂ©tĂ© GRDF Les lundis soir, dĂ©couverte de la garrigue autour du village HĂ©rault 370 camions contrĂŽlĂ©s sur l'A9 Le forum antique de Murviel Les plages de Portiragnes et de SĂ©rignan interdites Ă  la baignade Listel veut quitter SĂšte pour Aigues-Mortes Adissan Conseil municipal Les Brescoudos arrivent le 29 aoĂ»t Reprise des activitĂ©s du foyer rural d'Adissan Agde Un dispositif pour Ă©viter l'occupation sauvage du territoire Assas Le Rugby club Prades-Pic Saint-Loup porteur d'un projet sportif dynamique BĂ©ziers Accident mortel la jeune conductrice aveuglĂ©e par le soleil placĂ©e sous contrĂŽle judiciaire La lutte anti-corrida grimpe au sommet du Mont-Blanc Nohan est nĂ© dans le camion des pompiers Victime d’un malaise cardiaque, un Aveyronnais se noie FontĂšs Le challenge cycliste Joseph-Pascal clĂŽture le trophĂ©e dĂ©partemental cadets Lattes Des animations pĂ©dagogiques au musĂ©e archĂ©ologique Joli triptyque hippique pour un spectacle Ă©questre de haut vol Magalas BientĂŽt l'exposition Mains et MatiĂšre Ă  l'Office du Tourisme Ce soir concert Ă  l'Ă©glise. Quatre nouvelles classes au collĂšge les Arbourys pour la rentrĂ©e Montpellier Bain de soleil et bain de foule pour le MHR DĂ©but des championnats de France de tir Ă  l’arc dans le parc Montcalm EmmaĂŒs fait sa grande braderie de rentrĂ©e Il s’exhibe devant le Jardin des plantes en fin d’aprĂšs-midi Ivre, l'agent de sĂ©curitĂ© de 120 kg agresse des confrĂšres et des passants La mairie va cĂ©der l’ancien hĂŽtel de ville aux enchĂšres Les ouvriers du tramway triment sous un soleil de plomb MĂ©morial de papier pour policiers dĂ©cĂ©dĂ©s Pour fuir la police, il jette son scooter Ă  terre, le passager avec Rugby Trinh-Duc est papa SoupçonnĂ©e d’avoir dĂ©pensĂ© 45 000 € qu’elle n’avait pas Olonzac Actes de vandalisme rĂ©pĂ©tĂ©s la mairie a dĂ©posĂ© plainte contre X Concours photo aux Celliers Richard Le Liboux expose aux cimaises des Celliers d'Onairac Palavas-les-Flots A ne pas manquer ce mardi 23 aoĂ»t DĂ©couverte du rugby de l'athlĂ©tisme et de l'aviron Le casino a reçu les pilotes et les mĂ©canos qui ont participĂ© au meeting aĂ©rien Les hippies ont donnĂ© bien du souci Ă  Gilbert Roquefot PĂ©rols Anne CĂ©cile et Emmanuel Fontaine aux championnats de France de 100 km PĂ©zenas Les enfants sont rois au centre de loisirs de Castelsec Sept domaines viticoles pour faire un tour du monde Pinet Le ballet ininterrompu des tracteurs et machines Ă  vendanger a dĂ©butĂ© SĂšte Joutes le sixiĂšme sacre d’Evangelisti Le vainqueur de la Saint-Louis se fait verbaliser dans la nuit LozĂšre 170 hectares brĂ»lĂ©s le feu est circonscrit, mais reste sous Ă©troite surveillance 220 pompiers mobilisĂ©s pour venir Ă  bout de l’incendie L'incendie a ravagĂ© 170 hectares Les habitants du hameau de Castanet vivent dans l’angoisse depuis dimanche Auroux L'ambiance cow-boy sera garantie, le week-end Ă  venir au Relais sallĂ©sien Grandrieu Une sympathique randonnĂ©e de nuit Des haut-parleurs diffusent de la musique dans les rues du village La sociĂ©tĂ© de chasse en assemblĂ©e Langogne DerniĂšres nouvelles du Badminton club langonais Françoise Seuzaret-Barry sera samedi en dĂ©dicaces Ă  la Maison de la presse Baixas Au thĂ©atre ce soir lĂ ,” il suffisait pour ça d'un peu d'imagination!” Musiques, danses et chants Catalano-Aragonais au chĂąteau les pins Actu Agen express Agen veut grandir As l Eyragues finale Corne d'Or As l MouriĂšs Aujourd'hui Avenir l Pernes-les-Fontaines Avenir l Redessan finale de la Devise d'Or Avenir l Saint-Georges-d'Orques Ayme et Vibre s'offrent le 39e TrophĂ©e de la Garrigue Bayonne express Bayonne voit grand Biarritz express Biarritz joue la stabilitĂ© Bordeaux est en danger Bordeaux express Brive express Brive se serre la ceinture Castres a de l'ambition Castres express Ce soir, violoncelle et piano pour le final du festival Coup double ! DES TORILS... AUX AMPHIS Effectif gaz Ă  tous les Ă©tages Judo la France veut dĂ©loger le Japon L'ASM en bref L'ASM tourne une page L'USAP des places Ă  distribuer L'USAP au pied du mur L'attente a assez durĂ© LOU express La Nef des fous a jetĂ© l'ancre Ă  Port-Camargue l'espace d'un week-end La fĂȘte au village, vendredi spectacle son et lumiĂšre au chĂąteau La revanche du barbu La victoire et le titre pour Massu Lafare, Errik et Pierrounet Le LOU a les crocs Le champion insatiable Le chasseur chassĂ© Les rebelles ont pris le quartier gĂ©nĂ©ral de Kadhafi le dictateur reste introuvable MHR express Montpellier difficiles lendemains de fĂȘte... Paris le grand mĂ©nage Paris express Puces nautiques et vide-greniers font bon mĂ©nage RCT express Racing express Smoothie Ă  la pĂȘche Tian au chĂšvre Toulouse express Tripoli libĂ©rĂ©, Kadhafi traquĂ© TrophĂ©e de l'Avenir l Redessan Devise d'Or USAP express Une croisiĂšre pour les biĂČu Une quatriĂšme Ă©toile vient coiffer l'hĂŽtel Azur Une ronde de nuit vendredi Environnement Important sĂ©isme Ă  New York et Washington "Secousse impressionnante, tout a bougĂ©" Les mĂ©duses sur les plages du littoral À l'Habitarelle, 24 000 m2 de panneaux photovoltaĂŻques sur l'ex-Alcatel Justice Ferias Et 35 bougies pour Lou MĂ©jean Labomace La bĂ©nĂ©diction des paillotes, moment d'Ă©motion Insolite Antibes son yacht est si gros qu'il ne rentre pas dans le port La banque fait une erreur de... 1,2 milliard sur leur compte Une ado offre sa virginitĂ© contre une place pour le concert de Justin Bieber Economie "Taxez-nous" seize trĂšs grandes fortunes françaises veulent payer plus d'impĂŽts L'or franchit pour la premiĂšre fois le seuil des 1 900 dollars l'once Les opĂ©rateurs dans le piĂšge des capacitĂ©s Les ordinateurs de Bercy tournent Ă  plein rĂ©gime sur le prochain plan d’économies Les potions envisagĂ©es par Fillon pour enrayer le dĂ©ficit Agriculture Bruno Le Maire Ă  la rencontre des agriculteurs en colĂšre Crise des fruits Le Maire annonce plusieurs millions d'euros d'aide Faits divers "Pas de substances illĂ©gales" retrouvĂ©es dans le corps d'Amy Winehouse Gironde un dĂ©tenu se pend Ă  la maison d'arrĂȘt de Gradignan Un garçonnet pieds et poings liĂ©s jetĂ© par la fenĂȘtre Ă  La Courneuve Une femme enceinte violĂ©e dans un train un suspect arrĂȘtĂ©
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les portulans, cartes marines du xiiie au xviie siĂšcle PubliĂ© le 5 juin 2022 nous avons la chance de faire parties des ambassadrices Classe de demain gĂ©rĂ© par Manutan CollectivitĂ©s. rallye copie cp taokilettre pour quitter l'ecole plus totlettre pour quitter l'ecole plus tot By May 31, 2022 kulikitaka challenge song fauteuil arizona conforama. Vous trouverez aussi le Ă©tiquettes pour les boĂźtes et les cartes consigne des ateliers de la pĂ©riode 1. Habituellement, je prends le temps de corriger avec eux lors du temps de rĂ©gulation qui suit le rallye maths afin de . Identifiant. Voici venu le moment de la mise Ă  jour annuelle de cet article ! Trio Magique. rallye copie histoire. L'objectif Ă©tant . ćœ°ć€ïŒšäžŽæČ‚枂慰汱ćŒșćŠçš‹é•‡ć·„äžšć›­ćŒș 手æœș15318536828 Q Q505880840 é‚źçź±ïŒš505880840 Tous les jours en classe, les Ă©lĂšves participent Ă  l'atelier de lecture et lisent de maniĂšre autonome durant une vingtaine de minutes. 28 avril 2020. rallye copie histoire des arts TĂ©lĂ©charger. Lire la suite de →. COPIE CACHE CACHE VERSION MODIFIABLE A suivre 
 Rallye copie civique » CE1 Lier les disciplines enseignement moral et civique / Ă©criture Un rallye pour un atelier d'Ă©criture CP/ Ă©lĂšves s'entrainent sur la petite ardoise plastifiĂ©e avec le feutre velleda. qui sont les filles de didier lockwood 0 rĂ©sumĂ© d'un film fantastique marocain cdi fonction publique salaire camping sauvage 66. ASPIC-de-MAGIZOOLOGIE-niveau-6 TĂ©lĂ©charger. Post author By ; Post date opĂ©ra de paris recrutement ouvreuse; dictionnaire unilingue anglais bts on rallye copie amĂ©rique . Vous trouverez ci-dessous tout ce qu'il faut pour mettre en Ɠuvre MHM en CE2 , avec la comparaison entre ce que vous trouverez sur le site et ce qu'Ă©ditent les Ă©ditions Nathan SITE MHM Editions Nathan Le matĂ©riel Le matĂ©riel nĂ©cessaire, prĂ©cisĂ© par niveau page dĂ©diĂ©e Nathan en propose une grande partie dans son
 Regarde du contenu populaire des crĂ©ateurs suivants Alexi J'y regroupe comme d'habitude, la liste de fournitures de mes Ă©lĂšves pour la prochaine rentrĂ©e. J'ai Ă©galement trouvĂ© un atelier clef en main chez MimiFlexi . Pcm Ou Passthrough, Pourquoi Travailler Chez Cacib, Combustion Du Butane Exercice CorrigĂ©, Lettre De Motivation Personal Shopper, Kempox Ne Fonctionne Plus, People Playground Mod, Twilight 2 Streaming Vf, Match Couperet DĂ©finition, Ă©cole Militaire Pour Mineur Au QuĂ©bec, Encadrement Des Loyers Montrouge, Local Commercial Rue Des Remparts . . Les rallyes copie de Mimiflexi Dans cet article, vous trouverez tout d'abord un diaporama expliquant ce qu'est un rallye copie avec les objectifs et les modalitĂ©s d'organisation. Rallye copie ce2. Jeu du mistigri autour du monde. Voici donc quelques ressources si vous souhaitez mettre en place un rallye copie. Call 6747-7844; enquire 8416 1984; Ű±Ű€ÙŠŰ© Ű§Ù„ŰšÙŠŰ§Ù†Ùˆ في Ű§Ù„Ù…Ù†Ű§Ù… للŰčŰČۚۧۥ . De nombreux rallyes sont disponibles sur diffĂ©rents thĂšmes pour la fin du . Rallye. rallye copie histoire . Horario de Oficina Lun - Vie 0900AM - 0500PM . 28 avril 2020. Authentification de type OTP. Suite Ă  de nombreuses questions reçues par courriel, j'ai souhaitĂ© proposer des exemples de documents prĂ©paratoires Ă  l'entretien du rendez-vous de carriĂšre. L'objectif principal de ces deux jours est d'apprendre Ă  se connaĂźtre, dĂ©couvrir la classe et ses outils, commencer Ă  installer quelques routines. rallye copie Les Climats TĂ©lĂ©charger. Le planisphĂšre est situĂ© en plein milieu du mur, et nous ajouterons petit Ă  petit les Ă©lĂ©ments des diffĂ©rents pays Ă©tudiĂ©s. Habituellement, je prends le temps de corriger avec eux lors du temps de rĂ©gulation qui suit le rallye maths afin de . Le rallye-copie PrĂ©histoire . rallye copie histoire. Sur les temps d'autonomie proposĂ©s aux Ă©lĂšves, chacun pourra s'entraĂźner sur un atelier permettant de retravailler la compĂ©tence choisie du parcours distinguer Ă  et a en orthographe par exemple. Chez les maitresses en baskets , j'ai piochĂ© Ă©normĂ©ment d'idĂ©es sur la dĂ©coration de classe. avec de toutes petites cartes pour les CP Le rallye Europe. Explication Pour avoir des explications sur la gestion des ateliers ♩ Cf article ♩, j'ai fait un article dans lequel je reprends le fonctionnement des blasons d'Orphys. . Je dĂ©taille d'ailleurs mon fonctionnement dans la rubrique Atelier lecture DECLIC » du blog. rĂ©sidence les alizĂ©s martinique diamant; tablette prĂ©percĂ©e castorama; rallye copie amĂ©rique. rallye copie cp taokijeu complĂ©ments circonstanciels cycle 3. by buggy kinroad 1100 fiche technique / Wednesday, 01 June 2022 / Published in meilleur ouvrier de france boulangerie 2021 . Outils de maĂźtresse, Progressions - Programmations. Le matĂ©riel de mes Ă©lĂšves fournitures CE1/CE2. Les commandes sont bouclĂ©es, il n'y a plus qu'Ă  attendre la livraison ! Rallye audio une histoire et 
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 Lire la suite → rallye copie amĂ©rique. Mimiflexi - Pas Ă  Pas - Ecole des Juliettes. Les documents. ćœ°ć€ïŒšäžŽæČ‚枂慰汱ćŒșćŠçš‹é•‡ć·„äžšć›­ćŒș 手æœș15318536828 Q Q505880840 é‚źçź±ïŒš505880840 Rallye. Une fois que l'Ă©lĂšve se sentira prĂȘt, sĂ»r de lui face Ă  cet exercice, il pourra tenter un test. 23 juil. S'il n'atteint pas l'objectif . 3 Chief Ejims Street Rumuomasi Port Harcourt; +234-80-5513-0832 +234-81-7198-8001; info attache volet roulant somfy; bichon Ă  adopter. Professeur des Ă©coles, directrice et passionnĂ©e, je partage ici mes ressources pour les CE2 CM1 et CM2 ainsi que mes humeurs de prof' et directrice de mon Ă©cole au bout de la forĂȘt les pieds dans le sable. Il s'agit d'un abĂ©cĂ©daire conçu par le centre de vulgarisation de l'universitĂ© Paris-Sud. - Ecole des Juliettes. rallye copie histoire. attache volet roulant somfy; bichon Ă  adopter. Le rallye copie sur l'Univers pour le Cycle 3 chez Maitresse Johanna. Mes Ă©lĂšves vont, cette semaine, faire la troisiĂšme manche du rallye maths MHM CP-CE1. Mike Brant Et Sa Femme, Fabrication De Haubans Pour Maquette, Agence Fontenay Le Fleury, DĂ©savouer Nom Correspondant, Calcul Ombre PortĂ©e Maison, Fromage De Brebis Carrefour, Les Gremlins 2 Film Complet En Français Gratuit, rallye copie histoire. Toggle navigation. Le rallye Animaux. Les nouveaux types de rallyes copie. ASPIC 7 - Le Veaudelune Un atelier fabriquĂ© par Julia du blog Maitressedanslaforet. Chez Mimiflexi, j'ai tĂ©lĂ©chargĂ© le Rallye-Copie tour du monde Chez Maitresse de la forĂȘt , j'ai piochĂ© l'idĂ©e des contes avec un superbe album et quelques fiches dans le carnet de voyage. Mon blog de prof des Ă©coles ! rallye copie histoire. rallye copie histoirejeu complĂ©ments circonstanciels cycle 3 Rapport De Stage Terminal Bac Pro Sapat Ehpad , Citation Il Ne Faut Jamais Dire Jamais , ComprĂ©hension Ă©crite Allemand Terminale , Mas Ă  Vendre Avignon , Seat Ateca Occasion Allemagne , Laurence ArnĂ© Et Son Mari , Moi, Daniel Blake RĂ©sumĂ© Detaille , SĂ©quence MĂ©dĂ©e Anouilh . Depuis la rentrĂ©e 2018, je suis PEMF en CP-CE1. rallye copie histoireuniversitĂ© de reims campus france por May 31, 2022 tĂ©lĂ©charger mise Ă  jour gps peugeot 3008 gratuit 2021 liste amiraux marine nationale Voir plus d'idĂ©es sur le thĂšme copie, rallye, ce1. rallye copie histoirechou romanesco recette. Author marina milicevic Created Date 2/29/2020 114333 AM rallye copie amĂ©rique. 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Vous rĂȘvez d'un rallye-copie et Mimiflexi l'a dĂ©jĂ  fait D Merci beaucoup, je viens de tĂ©lĂ©charger ton rallye sur les enquĂȘtes policiĂšres thĂšme de ma classe pour rĂ©apprendre la rigueur d'Ă©criture Ă  mes loustics. rallye copie amĂ©riqueavis de dĂ©cĂšs hĂŽpital amilly. por May 31, 2022 tĂ©lĂ©charger mise Ă  jour gps peugeot 3008 gratuit 2021 liste amiraux marine nationale May 31, 2022 tĂ©lĂ©charger mise Ă  jour gps peugeot 3008 gratuit 2021 liste amiraux marine nationale Mike Brant Et Sa Femme, Fabrication De Haubans Pour Maquette, Agence Fontenay Le Fleury, DĂ©savouer Nom Correspondant, Calcul Ombre PortĂ©e Maison, Fromage De Brebis Carrefour, Les Gremlins 2 Film Complet En Français Gratuit, SHARES. Mot de passe ou OTP Mot de passe oubliĂ©. Menu. Inicio; QuiĂ©nes Somos; Servicios; Nuestros Profesionales titanic 2 film 2022 / rallye copie histoire. rallye copie histoireenigme trĂšs difficile. On peut aussi Ă©crire sur un cahier. Menu. 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 Lire la suite → rallye copie amĂ©rique. Mimiflexi - Pas Ă  Pas - Ecole des Juliettes. Les documents. ćœ°ć€ïŒšäžŽæČ‚枂慰汱ćŒșćŠçš‹é•‡ć·„äžšć›­ćŒș 手æœș15318536828 Q Q505880840 é‚źçź±ïŒš505880840 Rallye. Une fois que l'Ă©lĂšve se sentira prĂȘt, sĂ»r de lui face Ă  cet exercice, il pourra tenter un test. 23 juil. S'il n'atteint pas l'objectif . 3 Chief Ejims Street Rumuomasi Port Harcourt; +234-80-5513-0832 +234-81-7198-8001; info attache volet roulant somfy; bichon Ă  adopter. Professeur des Ă©coles, directrice et passionnĂ©e, je partage ici mes ressources pour les CE2 CM1 et CM2 ainsi que mes humeurs de prof' et directrice de mon Ă©cole au bout de la forĂȘt les pieds dans le sable. Il s'agit d'un abĂ©cĂ©daire conçu par le centre de vulgarisation de l'universitĂ© Paris-Sud. - Ecole des Juliettes. rallye copie histoire. attache volet roulant somfy; bichon Ă  adopter. Le rallye copie sur l'Univers pour le Cycle 3 chez Maitresse Johanna. 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Écrire l'histoire autrement. Tel est le pari de Raymonde Autier. En se mettant dans la peau de Natalie de Laborde, fille du banquier du Roi et seigneur de MĂ©rĂ©ville, elle Ă©crit son histoire Ă  la premiĂšre personne. Mais il ne s'agit pas du tout d'une fiction car ce rĂ©cit est solidement appuyĂ© sur des sources fiables archives, rĂ©cits des contemporains ont permis une reconstitution fidĂšle des faits. L'intĂ©rĂȘt de cette dĂ©marche est clair. Elle permet au lecteur de se mettre Ă  son tour dans la peau de Natalie. Bonne lecture ! Jean-Pierre Durand Pour permettre une lecture plus fluide, les notes et les rĂ©fĂ©rences ont Ă©tĂ© placĂ©es Ă  la fin du texte. Je rencontrai Natalie de Laborde pour la premiĂšre fois dans un ouvrage que Jean d’Ormesson venait de publier et qui s’intitule Mon dernier rĂȘve sera pour vous, sous-titrĂ© une biographie sentimentale de Chateaubriand. Au milieu de toutes les sĂ©ductrices que Chateaubriand avait connues et aimĂ©es, Natalie la mystĂ©rieuse traverse les MĂ©moires d’Outre-Tombe comme un secret qu’il brĂ»le de confier. Il s’en dĂ©livrera en la faisant revivre sous les traits de Bianca dans le Dernier AbencĂ©rage et de VellĂ©da dans Les Martyrs. J’habite MĂ©rĂ©ville oĂč Natalie a vĂ©cu et laissĂ© sa signature sur les registres de la paroisse. Curieuse de ce destin exceptionnel et tragique, j’entrepris des recherches aux archives, lus les MĂ©moires, les souvenirs, les lettres de ses contemporains et la retrouvai dans beaucoup de lieux que cette impatiente voyageuse avait frĂ©quentĂ©s. Un jour, dĂ©laissant les fiches, je pris mon stylo et, me mettant Ă  sa place, j’écrivis ses mĂ©moires. Raymonde Autier Natalie de Laborde, comtesse de Noailles, duchesse de Mouchy, La muse de MĂ©rĂ©ville[1] 1775 Une enfance heureuse, une famille exceptionnellement prospĂšre Augustin Pajou, buste de Natalie de Laborde, terre cuite 1789, MusĂ©e du Louvre J’ai Ă©tĂ© une petite fille choyĂ©e et heureuse puis une jeune fille qu’on disait exceptionnellement douĂ©e et fĂȘtĂ©e partout et par tous. Il me semble que j’étais terriblement avide de connaissances. J’ai eu la chance rare d’ĂȘtre nĂ©e dans un milieu Ă©clairĂ© qui m’a permis de satisfaire cette curiositĂ© naturelle. C’était l’époque des LumiĂšres, l’époque des illusions, perdues maintenant. De ces premiĂšres annĂ©es, si j’excepte le magnifique hĂŽtel[2] oĂč nous vivions Ă  Paris, je revois surtout des jardins, des forĂȘts et des parcs dont l’enchantement Ă©tait si puissant qu’il me permettait d’ignorer la laideur et le mal de l’autre cĂŽtĂ© des murs. DessinĂ©s par d’habiles paysagistes, entreeux venant de provinces lointaines en quĂȘte du travail que la richesse de mon pĂšre pouvait leur donner. Ils saluaient bien bas lorsque celui-ci venait s’enquĂ©rir sur place de l’avancement des travaux. Ces jours-lĂ , je suppliai qu’on me laissĂąt accompagner la petite troupe qui le suivait. J’étais la compagne Ă©blouie de Vernet[5] et plus tard de Belanger, de Pajou et surtout de Monsieur Robert. Mon imagination d’enfant s’envolait et je voyais dĂ©jĂ  en esprit l’Ɠuvre accomplie. L’amour de l’art, de la beautĂ© naissait en moi, un amour exigeant, tyrannique. Jamais, depuis, je n’ai pu supporter la laideur, la vulgaritĂ©, la nĂ©gligence. Des souvenirs s’imposent Ă  moi Nous Ă©tions encore Ă  La FertĂ©[6], en 1781 le jour de mon anniversaire Tu as sept ans, c’est l’ñge de raison. Tu es une grande fille maitenus par un grand nombre de jardiniers, animĂ©s par les Ɠuvres des plus habiles sculpteurs, reprĂ©sentĂ©s par les peintres les plus cĂ©lĂšbres, ces jardins Ă©taient des Ɠrntenant. Ne sois jamais mĂ©prisante ni hautaine. Tu ne dois pas te prĂ©valoir de ce que tu possĂšdes et que les autres n’ont pas. Suis l’exemple de ta mĂšre si bonne, si simple ! » C’est mon pĂšre[7] qui parle et ses conseils n’ont jamais quittĂ© ma mĂ©moire. J’étais une enfant prĂ©coce. Je sus lire de bonne heure, j’écrivais, je faisais de la musique, je rĂ©citais les fables devant les visiteurs mais je jouais encore Ă  la poupĂ©e et prĂȘtais mes colĂšres, mes envies Ă  la pauvre Fanchon qui n’avait que les mauvais rĂŽles. On me couvrait de cadeaux et mon pĂšre qui jouait volontiers les pĂšres nobles ne savait rien me refuser. C’est alors ma mĂšre qui intervenait - Vous allez la gĂąter ! Je me demande maintenant comment il pouvait s’intĂ©resser ainsi Ă  nous, lui qui avait tant d’affaires Ă  traiter, tant de gens Ă  Ă©couter, tant de solliciteurs. Naturellement, son pouvoir croissait en mĂȘme temps que sa fortune. J’entendis un jour Monsieur de Bachaumont[8] le comparer Ă  un nouveau CrĂ©sus. Mais ajoutait-il, faisant allusion aux travaux de MĂ©rĂ©ville, il emploie sa fortune utilement. Quand je repense Ă  mes premiĂšres annĂ©es, celles de la FertĂ©-Vidame, je me vois entourĂ©e de cette grande famille qui avait su conserver des mƓurs bourgeoises malgrĂ© son extrĂȘme et rĂ©cente richesse. Je revois ma sƓur Pauline[9] de neuf ans mon aĂźnĂ©e. C’était dĂ©jĂ  une jeune femme accomplie que j’admirais parce qu’elle Ă©tait belle et libre. Son prestigieux mariage avec Jean-François PĂ©russe, duc des Cars, en 1783 fut un moment inoubliable plein de fĂȘtes et de bruits. Je l’enviais. -Toi aussi tu seras duchesse ! dit mon pĂšre. Mes frĂšres riaient et se moquaient affectueusement de moi. Ange et Edouard[10] Ă©taient de magnifiques cavaliers fiers et audacieux, insĂ©parables dĂ©jĂ , comme ils l’ont Ă©tĂ© dans la mort, hĂ©las. Qui aurait pu imaginer qu’un destin aussi tragique les attendait si loin, si jeunes ? François, l’aĂźnĂ© de la famille, nous avait dĂ©jĂ  quittĂ©s pour l’AmĂ©rique avec l’expĂ©dition de La Fayette[11]. La famille se rĂ©jouissait de l’esprit de libertĂ© qui animait tout un peuple et s’enorgueillissait de notre participation Ă  la lutte pour son indĂ©pendance. Finalement, Alexandre, mon aĂźnĂ© d’un an seulement est le seul garçon survivant de cette belle nichĂ©e qui faisait l’orgueil de nos parents. Il fut aussi le plus proche de moi avant de nous quitter pour devenir pensionnaire au CollĂšge de Juilly. A dix-sept ans, il quittait la France et faisait ses premiĂšres armes dans l’armĂ©e autrichienne. Je ne le revis que dix ans plus tard Ă  son retour en France aprĂšs la tourmente. Quant Ă  moi, j’étais une fille. Comme la plupart des jeunes filles, j’aurais dĂ» faire mon Ă©ducation dans un couvent. J’eus la chance d’y Ă©chapper grĂące Ă  l’esprit particuliĂšrement ouvert de mes parents et Ă  la prĂ©sence attentive et quotidienne de ma mĂšre si tendre, si bienveillante. Je n’étais jamais seule. Des cousins, des cousines, des amis nous entouraient continuellement. L’hĂŽtel de la rue d’Artois Ă  Paris, les couloirs du chĂąteau de la FertĂ© retentissaient de rires et de cris que nos prĂ©cepteurs avaient du mal Ă  contenir. C’étaient des jours pleins d’insouciance. Jean-Baptiste Greuze qui peignait alors les portraits des membres de la famille a laissĂ© une scĂšne oĂč l’on voit ce dĂ©bordement d’enfants et de plaisir familial. Ce tableau s’appelle La bonne mĂšre[12] ». Je ne peux me le reprĂ©senter sans Ă©prouver une grande nostalgie. "Un dĂ©bordement d'enfants et de plaisir familial" - Jean-Baptiste Greuze, La mĂšre bien-aimĂ©e 1767 Madrid - Coll. perticuliĂšre Les talents exceptionnels de M. de Laborde notre pĂšre, sa valeur, son habiletĂ© lui avaient valu la faveur de notre Roi et la reconnaissance de Monsieur le duc de Choiseul au sommet de sa carriĂšre. Quand les innombrables travaux de reconstruction de La FertĂ© furent achevĂ©s, nos parents ne cessĂšrent de recevoir dans cette magnifique demeure digne d’un prince. Gens de lettres, artistes, grands seigneurs participaient Ă  la gloire de Laborde. Si ces personnages flattaient le juste orgueil du maĂźtre de maison, ils ne parvenaient pas Ă  l’éblouir. Pour lui, seule la valeur individuelle, le mĂ©rite personnel comptait. Il s’était hissĂ© seul par sa volontĂ© et ses efforts au niveau le plus haut de la sociĂ©tĂ©, Ă©vitant les multiples embĂ»ches dressĂ©es sur la route d’un roturier d’une lointaine province arrivĂ© Ă  Paris sans appuis, sur sa seule renommĂ©e. Comment cet homme clairvoyant dans tous les domaines a-t-il pu rechercher pour le mariage ses filles et pour lui-mĂȘme des titres de noblesse qui nous ont Ă©tĂ© ensuite si nĂ©fastes ? Il n’était vraiment heureux qu’au milieu de sa famille[13] et surtout prĂšs de notre mĂšre dont il prenait souvent conseil. Il disait qu’elle Ă©tait sa femme et son meilleur ami ». Ce genre masculin utilisĂ© pour une Ă©pouse, en dit long sur l’estime qu’il lui portait et qu’elle mĂ©ritait pleinement. Que ne l’a-t-il Ă©coutĂ© quand elle le pressait de fuir comme tout le monde Ă  l’étranger pour se mettre Ă  l’abri quand il Ă©tait encore temps ? La renommĂ©e de notre pĂšre en matiĂšre de finances dĂ©passait la France. DĂšs 1777, Joseph II d’Autriche, frĂšre de notre reine Marie-Antoinette, de passage Ă  Paris lui accorde une audience et l’interroge sur les acadĂ©mies, les fondations, les meilleurs moyens de s’instruire[14]. Plus tard, c’était je crois en 1781, au cours d’un deuxiĂšme voyage en France il revint, sous le pseudonyme de comte de Falkenstein, lui demander conseil pour la gestion des finances de son pays dans l’espoir de rĂ©former le vieil empire des Habsbourg. Un futur empereur, en personne, sous un nom d’emprunt Ă  La FertĂ© Vidame ! Pensez donc ! La suite » de ce monarque Ă©tait nombreuse et bruyante. Tandis que tous se rĂ©jouissaient dans la fĂȘte prĂ©parĂ©e Ă  son intention, les deux hommes s’enfermĂšrent dans le cabinet de travail et parlĂšrent longtemps de l’avenir de ce grand pays d’Europe. Nous vĂźmes Ă©galement Auguste-Guillaume, le Prince royal de Prusse, propre frĂšre de FrĂ©dĂ©ric II. Des personnages illustres comme Voltaire lui confiaient leurs intĂ©rĂȘts et demandaient conseil pour dĂ©velopper l’activitĂ© Ă©conomique dans leurs domaines. Les grands d’Espagne ne juraient que par lui. Ses rivaux en affaire eux-mĂȘmes reconnaissaient ses talents et craignaient par-dessus tout – un comble n’est-ce pas ?- son honnĂȘtetĂ© ! Jean-Joseph de Laborde, portrait, François Dumont dit l'AĂźnĂ© Quand les travaux de La FertĂ©-Vidame furent achevĂ©s, notre pĂšre Ă©tait alors au sommet de sa puissance. Le grand jardin Ă  la française » devant le chĂąteau montrait des perspectives immenses, la forĂȘt dans le lointain semblait protĂ©ger ce joyau rempli d’Ɠuvres d’art, de mobilier, de tableaux, de tapisseries soigneusement choisies et exĂ©cutĂ©es par les plus grands artisans. Les fĂȘtes, les rĂ©ceptions, se succĂ©daient. Mais la renommĂ©e attire les curieux et les envieux. Le duc de PenthiĂšvre[15] qui semble-t-il collectionnait les chĂąteaux convoita notre palais. Il avait dĂ» abandonner celui de Rambouillet au Roi qui le dĂ©sirait pour la chasse ou pour toute autre raison le bon plaisir du Roi », disait-on. Le travail de tant de jours, la fiertĂ© d’une Ɠuvre exceptionnelle, l’espoir d’en jouir longtemps, tout ce que nos parents avaient placĂ© de rĂȘve autour de cette construction qu’ils avaient mis dix annĂ©es Ă  bĂątir, Ă  perfectionner, allait ĂȘtre anĂ©anti. Le Roi en personne intervint. Il fallut cĂ©der La FertĂ© Vidame, notre beau palais, Ă  ce duc bien pourvu dĂ©jĂ  de domaines et de chasses pour qui La FertĂ©-Vidame n’était qu’un caprice. On Ă©voquait la malheureuse affaire de Vaux-le-Vicomte[16]. L’histoire se rĂ©pĂ©terait-elle ? La dĂ©ception, je dirais mĂȘme le dĂ©sespoir de nos parents fut immense mais ils n’en laissĂšrent rien paraĂźtre. On sauva le mobilier et la plupart des grands tableaux, en particulier ceux de Vernet qui ont fait un si bel effet Ă  MĂ©rĂ©ville. Est-ce juste de subir le caprice de ce Seigneur ? Osai-je demander Ă  mon pĂšre. Il me rĂ©pondit tristement que la monarchie absolue Ă©tait le gouvernement de la France, qu’il en avait Ă©tĂ© ainsi depuis toujours et que rien ne pouvait changer cet Ă©tat de choses. Il tenta de justifier Ă  mes yeux le rĂŽle historique de la noblesse mais j’avais dix ans et je me rĂ©voltais Ă  l’idĂ©e d’abandonner ma chambre, mon parc, et mĂȘme les paysans et leurs enfants que ma mĂšre visitait en ma compagnie. Le prochain sera plus beau que celui-ci promit mon pĂšre pour nous consoler. 1784, MĂ©rĂ©ville, une ruche au travail Le chĂąteau La Tour du Pin et ses jardins en 1784, avant les travaux de Laborde Alors je revois un autre jardin, plus proche de Paris, plus petit aussi. C’est MĂ©rĂ©ville[17] en 1784. Il fallait tout recommencer. Ce fut quelque chose de tout Ă  fait diffĂ©rent, au goĂ»t du jour, mĂ©lancolique ou primesautier selon les saisons. Lorsqu’il venait Ă  MĂ©rĂ©ville, en 1806, Monsieur de Chateaubriand qui aimait la nature, aimait ce jardin qu’il comparait au paradis terrestre. Mais je l’ai dĂ©jĂ  dit ! Hubert Robert, le bon » Robert[18], ainsi parlait-on de lui, tant il Ă©tait cordial, vif et disponible, passait de nombreuses journĂ©es Ă  MĂ©rĂ©ville Ă  dessiner et Ă  peindre les paysages imaginaires de notre futur parc. ManiĂšre originale de travailler, il proposait ses projets Ă  mes parents de cette maniĂšre. On pouvait ainsi se rendre compte de l’effet produit avant d’entreprendre les travaux, ce qui Ă©tait trĂšs excitant. Je le suivais, passionnĂ©e, tandis qu’une activitĂ©[19] incroyable rĂ©gnait dans le village et aux alentours. Hubert Robert, portrait par Elisabeth VigĂ©e-Lebrun Il y eut jusqu’à quatre cents ouvriers qui bouleversaient complĂštement le paysage, arrachant le limon du plateau, grattant le tuf, s’embourbant dans les fonds marĂ©cageux. La riviĂšre fut dĂ©tournĂ©e de son cours, on amĂ©nagea une Ăźle au milieu de son nouveau lit, un grand lac fut creusĂ© et fondĂ© tout exprĂšs, des grottes s’accrochĂšrent au flanc du coteau. On transforma l’antique moulin banal en moulin de marquise et des ponts plus extravagants les uns que les autres permirent d’errer d’une rive de la riviĂšre Ă  l’autre. Je n’oublie pas les grandes constructions fabriquĂ©es tout exprĂšs pour inviter le promeneur Ă  la mĂ©ditation la Colonne rostrale, le CĂ©notaphe de Cook, le joli Temple de la PiĂ©tĂ© filiale et la haute Tour, une seule colonne gĂ©ante qui ressemble Ă  un phare au milieu de l’ocĂ©an des blĂ©s. Elle est situĂ©e dans le Petit Parc auquel on accĂšde par un pont de brique et de pierres qui enjambe le chemin de la VallĂ©e Nord. "Un moulin de marquise", l''une des fabriques du parc Des allĂ©es et venues incessantes de chariots remplis de vivres, de barriques et de matĂ©riaux de construction rendaient la circulation difficile. Des attelages de toutes sortes circulaient en tous sens. Un sentiment Ă©trange d’urgence mĂȘlĂ© Ă  un extrĂȘme dĂ©sir de perfection semblait animer mon pĂšre. Il Ă©tait passionnĂ© et pressĂ© comme si le temps lui Ă©tait comptĂ©. Il l’était en effet mais nous ne le savions pas encore. Comme le parc primitif s’avĂ©rait trop petit pour satisfaire ses ambitions mais aussi nos caprices, il fallait l’agrandir au fur et Ă  mesure de l’avancement des travaux et de la perspective de nouveaux projets. Des hameaux situĂ©s Ă  proximitĂ© comme La Gendarmerie, Le Vau et Le GuĂ© qui empĂȘchaient l’extension du parc disparurent. Il fallait convaincre les propriĂ©taires rĂ©calcitrants, leur proposer de bonnes terres limoneuses sur le plateau en Ă©change de leurs carrĂ©s de prĂ©. Des gens du village, le vieux notaire MaĂźtre Boreau, les arpenteurs aussi s’empressaient au chĂąteau pour ces Ă©changes ou ces achats. Mon pĂšre qui venait pourtant de subir le choc d’un semblable abandon semblait ignorer les regrets des petits propriĂ©taires. CĂŽtĂ© bourg, hors les murs, on construisit en toute hĂąte une nouvelle et large rue bordĂ©e de maisons[20] pour loger les architectes et les maĂźtres d’Ɠuvre qui sĂ©journaient plus longtemps. Les compagnons, les journaliers se dĂ©brouillaient gĂ©nĂ©ralement chez les paysans. Il y avait un tel mĂ©lange de provinces, de mĂ©tiers qu’on se serait cru Ă  la construction de la Tour de Babel. L’intendant, M. Lion, Ă©tait le vrai responsable de l’ordre et du travail accompli. Lorsque mon pĂšre Ă©tait absent, c’est lui qui faisait chaque soir Ă  son maĂźtre par Ă©crit le compte-rendu exact de l’avancement des travaux, des dĂ©penses engagĂ©es, des difficultĂ©s rencontrĂ©es, de la santĂ© des ouvriers. Il relatait les rixes quand elles se produisaient, demandait conseil, attendant les ordres. Des pĂ©piniĂ©ristes Ă©taient venus d’OrlĂ©ans, de Chessy, de Chanteloup, apporter des centaines de plants[21] de toutes espĂšces, des fleurs rares et des arbustes d’ornements originaires du bout du monde. Il y avait un jardin botanique, un jardin potager protĂ©gĂ© des vents par de hauts murs garnis d’espaliers comme Ă  Versailles, un jardin alpestre qui rassemblait des essences lointaines. Tout Ă©tait organisĂ© autour d’un vaste espace en forme de bassin oĂč la Juine serpentait paisiblement. Tout semblait naturel, cependant tout avait Ă©tĂ© pensĂ©, construit. MĂ©rĂ©ville Ă©tait comme une ruche au travail, bruissante et heureuse. MĂ©rĂ©ville vivait un conte de fĂ©es. Dans ces temps oĂč le travail manquait cruellement, le marquis de Laborde donnait du travail et permettait aux malheureux de survivre. Hubert Robert, les jardins de MĂ©rĂ©ville Cependant au cours de ces annĂ©es de grande crĂ©ation, deux Ă©vĂ©nements tragiques entamĂšrent ce bonheur. Je me souviens de ces appels au secours lorsque le petit Temple presque montĂ© s’enfonça brusquement dans le sol ensevelissant des compagnons[22] sous les lourdes pierres taillĂ©es. J’entends encore les cris, les gĂ©missements des blessĂ©s, les appels des premiers secours impuissants devant le dĂ©sastre. Rageusement, dĂ©fiant le destin, dans la semaine qui suivit, mon pĂšre le fit reconstruire sur le plateau, au-dessus du pont ruinĂ© afin de ne laisser aucune trace de ce terrible accident. Toujours cette rage d’affronter l’adversitĂ© et de rĂ©ussir malgrĂ© les obstacles. Le ciel aussi manifesta son courroux pendant l’orage de juillet 1788[23] qui dĂ©truisit entiĂšrement les rĂ©coltes. Cette fois la richesse de Monsieur de Laborde vint au secours de tous ces pauvres gens privĂ©s mĂȘme de semences pour l’annĂ©e suivante. Et tous, de le vĂ©nĂ©rer comme leur pĂšre, cĂ©lĂ©brant sa richesse et sa gĂ©nĂ©rositĂ©. C’est aussi Ă  cette Ă©poque que La PĂ©rouse prĂ©parait sa grande expĂ©dition maritime et scientifique. A Paris, nous participions aux prĂ©paratifs[24]. Admise au mĂȘme titre que mes frĂšres autour du globe terrestre ou Ă  la table de travail, j’observais les instruments de mesure, portulans, astrolabes, boussole dont on m’expliquait l’utilisation. Des chimĂšres, des animaux inconnus qui me faisaient frissonner de peur illustraient les cartes incertaines. Nous suivions les explications de mes frĂšres qui avaient obtenu l’autorisation de servir Ă  bord avec cet Ă©quipage prestigieux oĂč l’on comptait des savants de toutes disciplines, mathĂ©maticiens, naturalistes, gĂ©ographes, dessinateurs, traducteurs. Nicolas-AndrĂ© Monsiau, Louis XVI donnant ses instructions Ă  La PĂ©rouse ChĂąteau de Versailles Notre mĂšre craignait les dangers, faisait des recommandations -Tu veilleras sur ton frĂšre, disait-elle, Ă  l’aĂźnĂ© Édouard. -Tu suivras ses conseils, disait-elle, Ă  Ange son cadet de quatre ans. Ils la rassuraient avec un sourire impatient. -Ne montez jamais sur le mĂȘme bateau, continuait-elle. -Alors comment ferai-je pour le surveiller ? RĂ©pliquait l’aĂźnĂ© en riant. -D’ailleurs je demanderai moi-mĂȘme cette faveur, poursuivait-elle. Jamais ensemble sur le mĂȘme vaisseau ! La Reine qui est aussi mĂšre saura m’appuyer dans cette dĂ©marche. -Que de tourments me causent ces garçons ! - Et moi quand partirai-je aussi ? - Mais tu n’es qu’une fille ! Alors je maudissais cet Ă©tat qui me rĂ©duisait aux salons et aux futilitĂ©s. Ange embarqua sur l’Astrolabe commandĂ©e par La PĂ©rouse et Édouard sur La Boussole dirigĂ©e par de Langle. Ils quittĂšrent la rade de Brest le 1er aoĂ»t 1785. Nous Ă©tions venus assister au dĂ©part. Ce fut un grand jour. Comme nous Ă©tions heureux et fiers alors ! Mais pourquoi ? Pourquoi se trouvaient-ils sur la mĂȘme chaloupe ce jour maudit du 13 juillet 1786[25], quand ils tentĂšrent de porter secours au lieutenant Lescure et qu’ils furent en mĂȘme temps prĂ©cipitĂ©s dans les flots ? Dix-neuf compagnons disparurent avec eux Ă  jamais. Deux ans s’écoulĂšrent avant que nous n’apprenions la nouvelle. Le temps pour les deux bĂątiments de traverser l’OcĂ©an Pacifique, de dĂ©barquer un Ă©missaire sur les cĂŽtes russes et, de relais en relais, le temps pour lui de franchir au milieu des dangers les plus grands les quinze mille kilomĂštres qui nous sĂ©paraient. Tandis que son Ă©missaire, BarthĂ©lĂ©my de Lesseps,[26] arrivait Ă  Versailles le 18 octobre 1788, chargĂ© des caisses confiĂ©es par La PĂ©rouse et du message terrible alors que nous cĂ©lĂ©brions d’avance la gloire de nos jeunes hĂ©ros qui allaient revenir, croyait-on, si jeunes et dĂ©jĂ  mĂ»ris par les Ă©preuves et les dangers vaincus. La colonne rostrale dressĂ©e pour leur triomphe devint une colonne mortuaire. Ironie de la vie. Douleur insoutenable de notre mĂšre. Tour Ă  tour ce fut la rĂ©volte puis la soumission puis Ă  nouveau la rĂ©volte. Jamais une seule heure de rĂ©pit dans le chagrin ! Hubert Robert, la colonne rostrale dĂ©tail Si je me demande Ă  quel moment les dieux jaloux jetĂšrent leur funeste regard sur notre famille ce fut bien ce jour-lĂ . A partir de ce jour leur colĂšre, leur haine mĂȘme, allaient nous poursuivre sans cesse. Nous ne le savions pas encore et mon pĂšre, Ă  chaque fois brava le destin. Il y eut cependant encore des bons jours. 1790-1791 Temps des illusions Gloire de François, FĂȘte de la FĂ©dĂ©ration, mon mariage, naissance de LĂ©ontine Cette annĂ©e 1790 par exemple, l’annĂ©e des grandes espĂ©rances. Nous avions franchi sans trop de mal les États-GĂ©nĂ©raux, surpris sans doute de la dĂ©cision de François de se prĂ©senter avec le Tiers-État pour le bailliage d’Étampes qui l’avait Ă©lu dĂ©putĂ©. Les Ă©vĂ©nements parfois Ă©chappaient Ă  la raison comme ce quatorze juillet oĂč la violence qui couvait dĂ©jĂ  depuis des mois, tout Ă  coup, avait explosĂ©. Mais il y avait toujours parmi nous quelqu’un pour expliquer l’affaire et excuser l’illĂ©galitĂ©. Les dĂ©cisions Ă©taient prises si rapidement qu’elles surprenaient tout le monde. Ainsi cette drĂŽle de nuit du quatre aoĂ»t oĂč Noailles en personne avait demandĂ© l’abolition de ses propres privilĂšges et par lĂ  mĂȘme de ceux de tout son ordre. AprĂšs tant de siĂšcles d’immobilisme, c’était comme si le temps s’emballait, comme le fait parfois un cheval devenu fou qui se met Ă  courir Ă  toute allure. Chaque jour apportait du nouveau et dans l’ensemble nous approuvions. Un nouveau monde allait naĂźtre. L’apogĂ©e de cette illusion fut marquĂ© par la grandiose fĂȘte de la FĂ©dĂ©ration, au Champ de Mars le 14 juillet 1790.[27] On cĂ©lĂ©brait l’unitĂ© de la Nation, l’accord entre tous. Nous fĂ»mes les premiers Ă  vouloir participer. François, mon frĂšre aĂźnĂ©, avait Ă©tĂ© jusque lĂ  mon hĂ©ros, je devrais dire notre hĂ©ros familial. Il avait le prestige des grands voyageurs. Suivant le courant qui portait la jeunesse vers l’AmĂ©rique, il s’était embarquĂ© Ă  la suite de La Fayette en 1781 dans l’escadre de Guichem et, jeune enseigne de vaisseau, avait participĂ© Ă  la Guerre d’IndĂ©pendance. Au lieu de rentrer directement en France, il avait fait un voyage de huit cents lieues dans l’intĂ©rieur du pays afin d’assouvir sa curiositĂ© Ă  l’égard d’un monde nouveau plein de promesses. Il Ă©tait intarissable et nous l’écoutions, subjuguĂ©s. Notre pĂšre l’avait Ă©levĂ© dans l’espoir qu’il lui succĂ©derait un jour ; c’est pourquoi il avait rĂ©digĂ© Ă  son intention des MĂ©moires oĂč il exposait ses idĂ©es sur la conduite des affaires, donnant des conseils de probitĂ© et de travail -La parole donnĂ©e, exposait-il, a plus de prix qu’une grosse prise de bĂ©nĂ©fice. Il montrait la supĂ©rioritĂ© du nĂ©goce et de l’industrie qui donne du travail Ă  tous, accroĂźt la richesse, l’activitĂ© des hommes et leur bien-ĂȘtre. - MalgrĂ© leur incontestable utilitĂ©, Ă©crivait-il, les opĂ©rations financiĂšres[28] sont de ce point de vue, stĂ©riles. Il racontait quelques Ă©pisodes de sa vie, son origine modeste, son travail subalterne dans la maison de commerce de son cousin Ă  Bayonne, ses efforts, sa rĂ©ussite spectaculaire au service de Choiseul son protecteur, la confiance de tous enfin, obtenue grĂące Ă  sa loyautĂ© autant qu’à son habiletĂ©. Il expliquait sa devise Ex parvo multum ». Parti de peu, il avait rĂ©ussi Ă  obtenir beaucoup. C’était un message d’espoir pour tous les hommes d’origine humble comme lui qui pouvaient rĂ©ussir grĂące Ă  leur mĂ©rite. François de Laborde, dĂ©putĂ© du baillage d'Étampes aux États-gĂ©nĂ©raux François avait profitĂ© de son enseignement. Comme notre pĂšre autrefois Ă  Bayonne, il avait franchi tous les niveaux de la hiĂ©rarchie bancaire, Ă  partir du plus petit commis puis d’échelon en Ă©chelon, en passant par les responsables de caisse ou des comptoirs de commerce, il Ă©tait arrivĂ© jusqu’au plus habile des financiers de la maison Laborde, notre oncle NoguĂ©[29], vĂ©ritable bras droit de son beau-frĂšre. Imbattable sur la tenue des livres, sur le calcul des intĂ©rĂȘts, l’organisation d’un budget. Quant Ă  François, il Ă©tait devenu une autoritĂ©[30] en matiĂšre de finances. Il avait aussi des vues hardies et novatrices en matiĂšre d’économie et, dĂ©putĂ© du Tiers-État, il avait participĂ© Ă  la proclamation de l’AssemblĂ©e Nationale. Peu instruits dans le domaine des finances, les dĂ©putĂ©s l’écoutĂšrent attentivement toutes les fois qu’il prit la parole, notamment lorsqu’il s’éleva violemment contre le papier monnaie Ă  cours forcĂ© proposĂ© par Necker. Il aurait voulu qu’on remplaçùt ce remĂšde empirique par la crĂ©ation d’une banque publique et l’élaboration d’un budget de l’État, sain et vĂ©rifiable comme celui d’une maison de commerce prospĂšre. Les dĂ©putĂ©s l’écoutĂšrent certes, demandĂšrent l’impression du discours, applaudirent beaucoup puis en restĂšrent lĂ  et se soumirent Ă  la solution de facilitĂ© en s’acquittant des dettes Ă©normes de l’État par la confiscation des biens du clergĂ©. Ce fut chez nous une grande dĂ©ception. Mon pĂšre entrevit immĂ©diatement la faillite de la richesse privĂ©e. Il avait raison. François ne passait plus que de courts moments Ă  la maison. Mais chacun de ces moments Ă©tait occupĂ© par des discussions sans fin. Le ManĂšge oĂč siĂ©geait l’AssemblĂ©e Ă©tait devenu un champ de bataille oĂč seules les voix les plus puissantes, c’est Ă  dire les plus fortes se faisaient entendre, mĂȘme si elles profĂ©raient des sottises ou des insultes. -Une salle de spectacle, une foire d’empoigne oĂč les dĂ©magogues les plus avertis viennent faire leur numĂ©ro attendant comme au théùtre applaudissements, rires, cris, grommelait la sagesse du vieux marquis, notre pĂšre. -J’approuve vos objectifs mais je m’inquiĂšte des rĂ©actions du public enchĂ©rissait ma mĂšre. - Quel travail sĂ©rieux peut s’accomplir dans un tel tohu-bohu ? Insistait le banquier. -Rassurez-vous, il se fait au sein des commissions. C’est surtout lĂ  que je travaille, rĂ©pondait François. Des dĂ©bats passionnĂ©s Ă  l'AssemblĂ©e Constituante Contrairement Ă  de nombreuses femmes de la bonne sociĂ©tĂ©, ni ma mĂšre ni moi n’assistions aux sĂ©ances de l’AssemblĂ©e mais leurs Ă©chos parvenaient jusqu’au salon et nous pouvions lire et commenter les innombrables gazettes. Mon pĂšre interrogeait inlassablement notre jeune dĂ©putĂ© sur les progrĂšs de la Commission des droits de l’homme et du citoyen » dont il faisait partie. - PrĂ©voyez-vous aussi de dĂ©finir les devoirs du citoyen[31] ? - Comment envisagez-vous de prĂ©ciser le droit de propriĂ©tĂ© ? - Et le code des noirs dans les colonies[32] ? Plein d’enthousiasme, nullement dĂ©concertĂ© par les objections de son pĂšre, François ne voyait que l’aspect positif. Il mettait Ă  la disposition du ComitĂ© de Recherches de grosses sommes d’argent, s’engageait solennellement Je prends la rĂ©solution de consacrer tous mes efforts Ă  la libertĂ©. Ma vie et ma fortune appartiennent Ă  la Patrie. » Un autre jour, Ă  la tribune, il expliqua la portĂ©e du serment civique, devint membre du ComitĂ© de la Marine puis commissaire pour la surveillance de l’Extraordinaire, ce qui constituait une lourde charge. Il faisait preuve d’une activitĂ© inlassable et croyait participer Ă  la crĂ©ation d’un monde nouveau et idĂ©al. Ayant eu depuis sa naissance tout ce qu’on peut dĂ©sirer, il n’éprouvait aucun sentiment d’animositĂ© ou de ressentiment, contrairement Ă  certains de ses collĂšgues dĂ©putĂ©s comme lui. Il croyait que l’homme, nĂ© bon, reste bon[33] si on lui en donne les moyens. Il voulait consacrer sa vie Ă  cette tĂąche, l’utopiste ! C’était ce que nos parents nous avaient enseignĂ©. Son enthousiasme Ă©tait communicatif et je l’écoutais pleine d’admiration et d’envie. J’aurais voulu moi aussi participer Ă  cette formidable mutation. Toutes ces occupations parisiennes et politiques ne l’empĂȘchĂšrent pas d’arriver Ă  brides abattues Ă  MĂ©rĂ©ville qui fĂȘtait avec dix jours d’avance la FĂ©dĂ©ration[34]. Il avait Ă©tĂ© Ă©lu au dĂ©but de l’annĂ©e Colonel de la Garde Nationale de MĂ©rĂ©ville et d’Angerville. Laborde-MĂ©rĂ©ville, tel Ă©tait son nom, n’aurait pas voulu faire dĂ©faut Ă  de nouveaux citoyens qui mettaient en lui leur confiance. Il portait pour la circonstance le bel uniforme des Gardes Nationaux dessinĂ© par David[35]. La paroisse Ă©tait rĂ©unie sur la butte au bout du plateau, pompeusement appelĂ©e La Montagne coupĂ©e dans ce plat pays beauceron. Les hommes avaient prĂȘtĂ© le fameux serment de fidĂ©litĂ© au Roi et Ă  la Nation avant de se rendre en cortĂšge Ă  l’église de Saint-PĂšre avec en tĂȘte le porte-drapeau dont l’étendard blanc et enrubannĂ© de tricolore Ă©tait brodĂ© d’un bonnet phrygien. Ils avaient chantĂ© un Te Deum solennel car l’heure n’était pas encore Ă  la dĂ©christianisation. C’était la premiĂšre fĂȘte civique,[36] une espĂšce de fraternisation joyeuse Ă  laquelle tous les gens du chĂąteau, maĂźtres, valets, domestiques, palefreniers, cochers, jardiniers, servantes ou perruquiers se mĂȘlĂšrent aux laboureurs, manouvriers et mĂȘme au curĂ©, bedeau, vicaire et religieuses. La procession ou peut-ĂȘtre le cortĂšge faisait penser Ă  une fĂȘte antique reprĂ©sentĂ©e sur le fronton des temples grecs. Jeunes filles en blanc, jeunes hommes chamarrĂ©s, en uniforme de la garde, fanfare avec cuivres rutilants, enfants, vieillards en habits du dimanche formaient un long ruban multicolore qui s’égaillait sur le chemin de l’AumĂŽne entre la Montagne » et Saint-PĂšre. Ce 4 juillet 1790 Ă  MĂ©rĂ©ville fut vraiment une date mĂ©morable car c’était, on le croyait, un moment d’accord ou de rĂ©conciliation gĂ©nĂ©rale. Il faisait un temps chaud et lumineux, contrairement Ă  la fĂȘte de Paris le 14, oĂč Pauline attrapa un coup de froid. Ce jour-lĂ  donc, les grilles du chĂąteau Ă©taient grandes ouvertes et tout le monde Ă©tait conviĂ©. Les habitants de la paroisse avaient tous plus ou moins participĂ© aux travaux. Le beau parc n’était pas tout Ă  fait achevĂ©. Des pierres taillĂ©es, du sable, des cailles, des briques, des rondins s’accumulaient encore, prĂ©sageant d’autres amĂ©nagements. On parlait de dresser une grande tour[37] qui permettrait de surveiller les moissons car on craignait les incendies. Sous les ombrages des vieux chĂȘnes de l’ancien parc, de grandes tables Ă©taient chargĂ©es de victuailles, comme pour la fĂȘte donnĂ©e Ă  l’occasion de mon mariage au mois de juin prĂ©cĂ©dent. Le vin coulait gĂ©nĂ©reusement. Les plus pauvres hĂ©sitaient bien un peu avant de s’aventurer dans les allĂ©es. Juste un petit instant avant de profiter entiĂšrement de la fĂȘte. Limougeauds, Auvergnats, Creusois, gens du nord ou du midi prĂ©figuraient pacifiquement et joyeusement la Nation tout entiĂšre rĂ©unie dans ce parc, chantant et dansant sur des airs de leurs pays. Seuls, les jardiniers craignaient les piĂ©tinements sur les jeunes plantations. Leur maĂźtre ce soir-lĂ  pouvait penser que son fils avait raison de croire au bonheur futur du genre humain et de le prĂ©parer. La maĂźtresse du lieu imaginait les jours tranquilles de sa vieillesse lorsqu’elle se promĂšnerait au bras de son cher Ă©poux enfin retirĂ© des affaires. Ce beau jardin annonçait le paradis. Fier de tous ses titres, heureux d’ĂȘtre utile au genre humain, mon frĂšre paradait, ne se sentant plus de joie. Theresa Cabarrus par François GĂ©rard dĂ©tail vers 1805 Il tournait la tĂȘte de toutes les demoiselles. Celle de ThĂ©rĂ©sia Cabarrus[38] la fille d’un banquier espagnol n’avait pas rĂ©sistĂ©. Lui aussi semblait l’apprĂ©cier. J’étais mĂȘme un peu jalouse des attentions qu’il avait pour elle. L’annĂ©e suivante, ThĂ©rĂ©sia qui aurait pu devenir mon amie, presque ma sƓur, si mon pĂšre avait acceptĂ© une alliance avec sa famille, Ă©tait dĂ©jĂ  devenue Madame Devin de Fontenay. Son Ă©poux n’était ni jeune ni beau, ni riche et l’abandonna trĂšs vite. On racontait qu’il n’avait gardĂ© d’elle que ses bijoux. Elle, si Ă©panouie, si libre, si affamĂ©e de plaisirs, comment avait-elle pu faire ce mariage prĂ©maturĂ© et si fĂącheux ? François fut-il si déçu qu’il ne se maria jamais ? Eut-il l’occasion de revoir celle qui est devenue ensuite l’épouse de Tallien, le tout puissant maĂźtre du Directoire ? Elle avait si bien usĂ© de son pouvoir pendant la Terreur qu’on l’avait surnommĂ©e Notre Dame de Thermidor. Son destin est parallĂšle au mien, tellement admirĂ©e, tellement calomniĂ©e ! Mais cette fille d’Espagne Ă©tait faite pour le bonheur et la lumiĂšre. Et moi, j’étais trop sensible et je n’ai pas su oublier les annĂ©es terribles. Les nuages s’accumulaient au-dessus de nos tĂȘtes et je voulais les ignorer. J’avais seize ans. Moi aussi on venait de me marier et j’étais devenue immĂ©diatement et irrĂ©mĂ©diablement amoureuse de mon Ă©poux. Je sais maintenant que cela ne se faisait pas, que mĂȘme c’était une inconvenance dans le monde oĂč j’avais Ă©tĂ© introduite. Tous mes malheurs sont venus de lĂ . Mais comment faire autrement ? L’homme que mes parents avaient choisi Ă©tait jeune, presque aussi jeune que moi. Il Ă©tait beau. Il avait les titres de noblesse dont mon pĂšre rĂȘvait pour sa fille. C’était le Prince charmant promis Ă  toutes les petites filles dans les contes et les romans que j’avais lus en grand nombre. Apparemment les bonnes fĂ©es s’étaient penchĂ©es favorablement une fois de plus sur moi pour remplir ma corbeille de mariĂ©e. Mais la derniĂšre, la mauvaise, celle qu’on avait peut-ĂȘtre oubliĂ©e avait jetĂ© le mauvais sort Plus elle l’aimera, plus il la dĂ©daignera ! Le contrat[39] de mariage apparut tout de suite comme l’élĂ©ment essentiel de ce qui Ă©tait avant tout une affaire. Mon pĂšre Ă©tait prĂ©cĂ©dĂ© d’une rĂ©putation d’extrĂȘme richesse. CrĂ©sus » avait dit Bachaumont, ce vieux bavard, Midas » avait rĂ©pondu Diderot, des parvenus » dans l’esprit de beaucoup. Mes parents avaient richement dotĂ© ma sƓur Pauline devenue duchesse des Cars. Pas pour son bonheur, hĂ©las ! Ils renouvelaient, sans le savoir, l’erreur commise avec elle. Ils allaient donc me doter richement. Charles Arthur Jean Tristan de Noailles, l'Ă©poux de Natalie Les relations, les amis commentaient Ă  voix basse, tĂąchant d’en savoir davantage - Un million de dot, des diamants, des joyaux, des rentes
 Sans compter ce qu’offre la famille. Son oncle NoguĂ© par exemple ! - Oui mais le pĂšre est prudent, il conserve la main sur la fortune. Des rentes, mais pas tout de suite le capital. Ainsi les langues allaient bon train mais rien ne pouvait entraver mon bonheur. J’ignorais bien sĂ»r les commentaires de la Duchesse de Chaulnes qui, Ă  propos du mariage de son fils avec la sƓur du financier Bonnier de la Mosson, avait dit -Il faut bien du fumier pour engraisser les terres ! J’ignorais aussi les bons mots qui couraient les salons - bien frĂ©quentĂ©s naturellement - ceux de la bonne sociĂ©tĂ© » oĂč l’on a les titres mais pas l’argent -Les filles de financiers[40] avec leurs beaux Ă©cus Ă©pousent de beaux Ă©cussons ! MĂȘme si j’avais su, je n’aurais attachĂ© aucune importance Ă  ces propos tant j’étais heureuse. Le contrat de mariage ? Une formalitĂ© ennuyeuse qui ne m’intĂ©ressait pas vraiment. Les vingt articles furent proposĂ©s, Ăąprement discutĂ©s en l’étude de MaĂźtre Duclos-Dufresnoy hors de ma prĂ©sence. Mon pĂšre prit la peine de me les commenter avant la signature. Venant de lui tout me semblait parfait. Je n’osais mĂȘme pas demander qui avait eu l’initiative de cette union. J’avais la faiblesse de penser que mon futur m’avait peut-ĂȘtre remarquĂ©e ! Mais il y avait, prĂ©sente Ă  ce contrat lors de la signature, la vieille duchesse de Gramont, dont le frĂšre, le duc de Choiseul, ministre de Louis le quinziĂšme, avait dĂ©jĂ  arrangĂ© » le mariage de mes parents jadis. L’avĂšnement du jeune couple royal avait rendu au duc et Ă  ses amis leurs grandes entrĂ©es Ă  la cour aprĂšs la disgrĂące et l’exil Ă  Chanteloup. C’est ainsi que mon pĂšre allait parfois Ă  Versailles. Il avait rĂ©cemment prĂ©sentĂ© notre herbier[41] au malheureux petit dauphin qui Ă©tait en train de mourir afin qu’il pĂ»t admirer les piĂšces savamment classĂ©es. Tous fous de botanique, nous frĂ©quentions assidĂ»ment Buffon et sa famille ainsi que tous les savants du Jardin du Roi. Nous aimions aussi nous pencher sur les cartes du monde et suivions en pensĂ©es la suite du pĂ©riple que La PĂ©rouse avait entrepris emportant Ă  jamais hĂ©las deux des fils de la famille que nous pleurions en silence. FrĂ©nilly a dit en Ă©voquant mon pĂšre, qu’il Ă©tait ce cĂ©lĂšbre banquier de la Cour, cet homme si prodigieusement riche, si prodigieusement triste, blasĂ© de tout, hors sur la musique
 » Il ignorait peut-ĂȘtre quel deuil cet homme portait dans son cƓur, un deuil qui lui avait montrĂ© la vanitĂ© des entreprises humaines, des siennes en premier et que seule, la musique apaisait. Mais je reviens Ă  mon contrat signĂ© aux Tuileries en prĂ©sence du Roi, de la Reine et de la famille royale, le 23 mai 1790. Ce fut une cĂ©rĂ©monie sinistre. Le notaire, MaĂźtre Duclos-Dufresnoy, lut les articles du contrat dans un silence pĂ©nible qui tenait moins Ă  la gravitĂ© de l’acte qu’à la situation du Roi. Certes les grandes journĂ©es rĂ©volutionnaires ne s’étaient pas encore produites mais dĂ©jĂ  l’atmosphĂšre de la cour Ă©tait diffĂ©rente. La plupart des courtisans avaient disparu dĂšs la premiĂšre tempĂȘte de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. BĂąle, Bruxelles, Lausanne, accueillaient les grands seigneurs ingrats et couards, naguĂšre comblĂ©s d’honneurs et de grĂąces. Au premier coup de semonces, ils avaient lĂąchĂ© leur souverain dĂ©sormais seul avec ses deux enfants et quelques femmes la Reine, Madame AdĂ©laĂŻde et Madame Victoire, sƓurs cĂ©libataires du Roi Louis XV. Monsieur, frĂšre du Roi, comte de Provence[42] Ă©tait bien restĂ©, mais quel secours pouvait-il apporter lui qui n’aimait ni son frĂšre ni sa belle-sƓur Marie-Antoinette ? Et, ce que personne ne savait, il se disposait aussi Ă  fuir. Ma nouvelle famille m’impressionnait beaucoup. J’apprenais Ă  vivre avec des ancĂȘtres, une gĂ©nĂ©alogie, celle d’une des plus anciennes et plus illustres lignĂ©es du royaume[43], l’une des plus fiĂšres de sa race aussi. Anne Claude d'Arpajon, "Madame l'Étiquette", Ă©pouse de Philippe de Noailles A l’intĂ©rieur mĂȘme, une hiĂ©rarchie, des rites. Ce n’est pas pour rien que l’aĂŻeule de mon mari, Anne-Louise d’Arpajon avait Ă©tĂ© surnommĂ©e Ă  la cour Madame Étiquette » ! Princes, Marquis, Ducs, tous richement titrĂ©s m’avaient curieusement regardĂ©e, Ă©pargnant Ă  peine les commentaires sur mes toilettes – irrĂ©prochables -, sur mes bijoux - mon pĂšre avait Ă©tĂ© fastueux -. Certains m’ignoraient complĂštement, je devrais oser dire, me mĂ©prisaient. Pendant la cĂ©rĂ©monie qui rĂ©unit les deux familles, on vit insensiblement deux groupes distincts se former d’un cĂŽtĂ© ma famille, nos amis et nos relations, de l’autre, ma nouvelle famille, leurs amis et leurs relations. La rĂ©ception fut vraiment princiĂšre. Si les Noailles avaient peu d’argent, ils avaient beaucoup de morgue et de crĂ©dit ; d’ailleurs, le marquis de Laborde paya tout, c’était presque naturel. Quant Ă  moi, intimidĂ©e, mal Ă  l’aise, je ne me rappelle ni la cĂ©rĂ©monie religieuse, ni le repas, ni les souhaits de bonheur, ni les compliments qui ne manquĂšrent pas. Je me revois trĂ©buchant sur un tapis - Mauvais prĂ©sage ! Je me tournai vers ma mĂšre qui me sourit tendrement Courage ! Semblait-elle me dire. Je fus un peu rĂ©confortĂ©e. Mon pĂšre, avec sa belle prestance, son teint animĂ© et son accent des PyrĂ©nĂ©es qu’il n’avait pas perdu Ă©tait pour moi le Prince de la cĂ©rĂ©monie devançant mĂȘme, et pourtant ! Arthur, Tristan, Jean, Charles de Languedoc, comte de Noailles qui me faisait comtesse de Noailles en me prenant pour Ă©pouse. Selon le contrat, nous allions vivre chez mes parents et cela me rassurait. Mon nouveau seigneur posa sur moi son regard et me sourit lĂ©gĂšrement. TransportĂ©e de joie, je vouai immĂ©diatement ma vie Ă  cet homme par qui j’allais tant souffrir. Ma mĂšre qui n’avait jamais pu voir pleurer ses enfants et craignait par-dessus de me causer un instant de contrariĂ©tĂ©, m’avait accoutumĂ©e Ă  tout ce qui est tendre. J’entrai donc dans la vie croyant qu’on devait aimer et ĂȘtre aimĂ©. J’avais reçu une Ă©ducation soignĂ©e, j’avais appris Ă  cultiver mon esprit[44], j’avais dĂ©veloppĂ© mes forces physiques et j’avais acquis naturellement les maniĂšres du monde. On me disait charmante, spirituelle. J’aspirais Ă  une vie tranquille aux cĂŽtĂ©s de mon Ă©poux, de mes enfants. Dans ce temps-lĂ , j’avais plus besoin de bonheur que d’éclat. Mes parents m’avaient constamment donnĂ© l’image de leur profonde entente. Proches et unis, je les avais vus se soutenir mutuellement quand nous avions appris l’affreuse mort de mes frĂšres. Cet amour indestructible qui existait entre mes parents, amour fait de confiance, d’admiration rĂ©ciproque, d’entente parfaite et silencieuse, je voulais le mĂȘme. J’interrogeais longuement le visage de mon Ă©poux. Languedoc[45] », l’appelaient ses amis. Il Ă©tait remarquablement beau, distinguĂ©, Ă©lĂ©gant et suprĂȘme qualitĂ©, il Ă©tait Ă  la mode ». Je ne me posais naturellement pas la question de savoir s’il avait autant de franchise, de courage qu’il me semblait. Plus tard inĂ©vitablement, je l’ai comparĂ© Ă  mon pĂšre qui ne cessait jamais de se dĂ©mener, ayant toujours une affaire en tĂȘte, une signature Ă  donner, commandant dix personnes Ă  la fois et restant toujours disponible pour sa famille ou pour admirer une Ɠuvre d’art et encourager l’artiste. Tout le contraire de Charles de Noailles, jeune homme oisif, lĂ©ger et superficiel, fort occupĂ© de sa toilette, ne connaissant que le plaisir et les jeux. Imbu des prĂ©rogatives et des privilĂšges attachĂ©s Ă  sa race, il demeura toute sa vie un enfant Ă©levĂ© pour vivre dans un monde diffĂ©rent de la bourgeoisie industrieuse oĂč j’avais vĂ©cu. Cependant, je dois reconnaĂźtre qu’il a su conserver un fond de bontĂ© malgrĂ© cette mauvaise Ă©ducation. Nous partagions le mĂȘme goĂ»t pour les belles choses et les Ɠuvres d’art, ce qui nous permit au dĂ©but de trouver un terrain d’entente. Je passais les premiers mois de mon mariage comme dans un rĂȘve. J’apprĂ©ciais la libertĂ© que me donnait mon nouvel Ă©tat. DorĂ©navant, je pouvais aller au bal, me montrer Ă  l’OpĂ©ra au bras de ce jeune homme fier de m’exhiber. J’étais jeune, d’une incroyable fraĂźcheur » disait-on et j’étais pure. Je l’aimais. AdĂ©laĂŻde PrĂ©vost de la Briche, portrait par Élisabeth VigĂ©e-Lebrun MalgrĂ© les bouleversements politiques et la premiĂšre vague d’émigration, la vie mondaine continuait comme si rien n’était dimanche d’automne qui suivait notre mariage, nous allĂąmes en visite de noces » chez ma tante de la Briche[46], Ă  l’hĂŽtel Saint Florentin, rue La Ville-l’ÉvĂȘque oĂč elle avait coutume de recevoir quand elle n’était pas en son chĂąteau du Marais. Elle rĂ©unissait ce jour-lĂ  une assemblĂ©e nombreuse. Les tables de jeu Ă©taient dĂ©jĂ  formĂ©es, Mademoiselle Beltz prĂ©ludait au piano tandis que Viotti l’accompagnait au violon. Lorsqu’elle nous annonça, sa voix douce sembla rĂ©sonner fort car le silence s’établit tout Ă  coup -Madame la Comtesse et Monsieur le Comte de Noailles ! Certaines personnes se levĂšrent, d’autres s’avancĂšrent. Je mesurais alors la curiositĂ© que notre couple suscitait. LĂ©gĂšrement Ă©mue par cet accueil, je fis quelques pas au bras de mon cavalier, saluai, souris. Mes yeux brillaient, ma toilette resplendissait. J’étais heureuse et accueillis avec amitiĂ© ThĂ©rĂ©sa, brune et Ă©blouissante dans ses riches atours, suivie d’un vieux petit mari que je ne lui enviai pas. Elle Ă©tait dĂ©jĂ  libĂ©rĂ©e et se prĂ©parait Ă  vivre pour l’amour. On le remarquait au premier coup d’Ɠil. Je voulais ĂȘtre comme elle. Nous Ă©tions si jeunes, si insouciantes. Rien ne pouvait troubler notre plaisir et notre appĂ©tit de vivre. Mais comme la cigale de la fable, je ne dansais qu’un seul Ă©tĂ©. J’attendis bientĂŽt un enfant. Un soir, mon mari sortit seul. Je ne fis aucune objection mais j’étais extrĂȘmement troublĂ©e. ArrivĂ©e chez moi, au lieu de me coucher, je me livrais Ă  toutes sortes de rĂ©flexions. Certainement, j’éprouvais un sentiment trop tendre, trop exclusif Ă  son Ă©gard. Mais lui, Ă©tait-il dĂ©jĂ  las de moi ? DĂ©jĂ  ! Personne ne m’aida Ă  surmonter cette premiĂšre dĂ©ception. Le fait semblait si naturel ! Les autres fois, comme je portais sur mon visage des signes d’affliction, j’entendis mon noble seigneur me dire d’un ton lĂ©ger et moqueur - Allons, soyez raisonnable, tenez votre rang, ceci est du dernier bourgeois[47] . Cette remarque faite pourtant sur un ton badin m’alla droit au cƓur. Il la renouvela souvent. Je commençais Ă  souffrir. L’enfant naquit le 23 juillet 1791. C’était une fille. Je n’avais pas encore dix-sept ans et l’espoir que d’autres enfants viendraient assurer la lignĂ©e des Noailles apaisa la dĂ©ception que causa son sexe. Tout Ă©tonnĂ©, Charles de Noailles examina la petite LĂ©ontine, chercha des signes de ressemblances avec lui, parut satisfait et retourna Ă  ses occupations, fĂȘtant l’évĂ©nement avec ses amis. Mes parents accueillirent cette petite fille comme une bĂ©nĂ©diction du ciel. Solidement bĂąties toutes deux, nous respirions la santĂ© et c’était pour eux le principal. Ma mĂšre s’inquiĂ©tait beaucoup pour Pauline[48] qui avait pris froid sur le Champ de Mars Ă  Paris sous les averses de la FĂ©dĂ©ration. Elle s’étiolait lentement, perdait sa vitalitĂ©, toussait, tĂąchait d’effacer sa pĂąleur et ses traits tirĂ©s et nous gratifiait toujours de son sourire dĂ©licieux et de sa chaleureuse attention. Elle Ă©tait seule avec sa petite Euphrasie depuis le dĂ©part en Ă©migration de son mari le duc d’Escars. Il avait suivi Monsieur le Comte d’Artois[49]. Seule, abandonnĂ©e, Pauline languissait ; elle n’avait plus qu’une seule annĂ©e Ă  vivre. Sa petite fille la suivit dans la mort, un an jour pour jour aprĂšs elle. L’ombre de tous ces jeunes ĂȘtres aimĂ©s et trop vite enlevĂ©s Ă  notre affection ne cesse de flotter autour de moi, une ombre Ă©nigmatique et familiĂšre qui remplit mes nuits Natalie, victime de l’Histoire ? 1791-1792 Menaces Jours d’émeutes Ă  Paris, nouvelle vague d’émigration, chute du Roi, conscience des dangers, mon divorce politique Je dois dire qu’en cette annĂ©e-lĂ  les chagrins domestiques les plus douloureux furent presque Ă©clipsĂ©s par les drames que la Nation Ă©tait en train de vivre. Seuls, les proches pleuraient en silence leurs ĂȘtres chers. Nul n’osait se plaindre. Les Ă©vĂ©nements qui prĂ©cĂ©dĂšrent et suivirent la naissance de LĂ©ontine marquĂšrent Ă  jamais l’histoire de France. Chose Ă©tonnante, dĂ©s sa venue au monde, je sentis immĂ©diatement leur importance et je me mis Ă  craindre pour l’avenir. J’avais raison Vingt juin, dix aoĂ»t, premiĂšre semaine de septembre1792, une succession de journĂ©es affreuses dont la seule Ă©vocation me fait encore frĂ©mir. Tout bascula sans doute au moment de PĂąques en septembre 1791. Comme chaque annĂ©e, le Roi se prĂ©parait Ă  recevoir la communion pascale Ă  Saint-Cloud. Le 18 avril, lorsqu’il voulut quitter les Tuileries, la foule l’obligea Ă  rebrousser chemin. Depuis les journĂ©es d’Octobre oĂč le peuple de Paris l’avait contraint de quitter Versailles sous les huĂ©es, il n’était plus libre Les Tuileries Ă©taient surveillĂ©es comme une prison. A toutes les issues, des gardes. Dans les jardins, dans les cours, le long de la terrasse, six cents sectionnaires armĂ©s. Dans les couloirs, des patrouilles incessantes, dans les salons et les antichambres, des valets et des Suisses dormaient en travers les portes. Le Roi supportait dignement la limitation de son pouvoir de monarque. L’homme pieux qu’il Ă©tait ne put supporter l’atteinte Ă  sa libertĂ© de conscience. Il se sentit libĂ©rĂ© de ses promesses de fidĂ©litĂ© Ă  la RĂ©volution et se dĂ©termina Ă  prendre la dĂ©cision fatale Ă  la monarchie. Nullement improvisĂ©e mais mal prĂ©parĂ©e, mal exĂ©cutĂ©e, sa fuite[50] Ă©choua Ă  Varennes le 21 juin D’aprĂšs ce qu’on en dit alors, tout se ligua pour aboutir Ă  cet Ă©chec Le jeune Duc de Choiseul qui devait assurer la sĂ©curitĂ© des illustres voyageurs n’attendit pas assez longtemps la lourde berline qui avait pris un retard impardonnable Ă©tant donnĂ© les circonstances, les officiers des quatre cents soldats du rĂ©giment Le Royal Allemand avaient objectĂ© Ă  BouillĂ© que les chevaux Ă©taient fatiguĂ©s, que les chemins Ă©taient mauvais, les guĂ©s impraticables. Fersen, BouillĂ© ont Ă©chappĂ© aux poursuites parce qu’ils ont Ă©migrĂ© mais un tel manque de sĂ©rieux augurait vraiment mal de l’avenir. Nous apprĂźmes bientĂŽt la nouvelle pudiquement appelĂ©e l’enlĂšvement du Roi ». Les premiĂšres lieues du retour Ă  Paris furent terribles la foule dans un silence de mort, plus menaçante encore que des cris et des injures. Enfin l’arrivĂ©e des trois commissaires Latour, PĂ©tion et Barnave qui firent heureusement respecter les malheureux souverains. L’arrivĂ©e dans Paris fut lugubre, pire encore qu’un cortĂšge funĂšbre. Pas un cri, pas un mot. Des gardes nationaux faisaient la haie, prĂ©sentant les armes la crosse en l’air comme pour un enterrement. C’était comme l’enterrement de la monarchie française. Au bas du perron, cĂŽtĂ© jardin, la berline s’arrĂȘta. Le Roi parut Ă  la portiĂšre. Les enfants descendirent puis la Reine. Le duc d’Aiguillon et Noailles que la Reine dĂ©testait l’entraĂźnĂšrent vers l’intĂ©rieur. Silence. Le retour de Varennes Juin 1791 On apprit ensuite la suspension du Roi, presque sa dĂ©chĂ©ance. On ne prit pas en considĂ©ration ses explications portant sur son dĂ©sir de se rendre Ă  Metz ville française et non Ă  l’étranger avec ses frĂšres et leurs courtisans. Quatorze mois plus tard, ce sera le 10 aoĂ»t 1792, l’avant dernier acte de la tragĂ©die. Vivant au jour le jour, on ne se rendait pas compte que toutes ces dates allaient entrer dans l’Histoire. Comme la majoritĂ© des gens, j’étais anĂ©antie. Je croyais que le Roi incarnait l’ñme du peuple français. La dĂ©ception de mes parents se manifesta aussi. Mon pĂšre qui ne connaissait pas les intentions du Roi ne le jugeait pas d’avoir tentĂ© de fuir les Tuileries mais pensait qu’il Ă©tait impĂ©ratif de rĂ©ussir cette entreprise puisqu’elle avait commencĂ©. Quelques jours avant la naissance de ma petite vicomtesse,[51] il y avait eu de nouvelles alertes, des fusillades. Vivre Ă  Paris dans ces temps incertains exaspĂ©rait les nerfs. D’autant plus que circulaient toutes sortes de fausses nouvelles qu’il Ă©tait impossible de vĂ©rifier. On s’accrochait Ă  chaque lueur d’espoir. L’une de ces lueurs fut l’adoption puis la proclamation de la Constitution par le Roi. Nous Ă©tions favorables Ă  l’instauration d’une monarchie constitutionnelle. Il semblait que le but fĂ»t atteint. Mais je crois maintenant que dĂ©jĂ , lorsque le premier octobre 1791, l’AssemblĂ©e lĂ©gislative nouvellement Ă©lue s’était rĂ©unie pour la premiĂšre fois, tout Ă©tait consommĂ©. Les constituants avaient eu l’imprudence et Ă  mon avis la sottise de dĂ©cider qu’aucun de ses membres ne serait Ă©ligible dans la future assemblĂ©e. Pourtant ils avaient acquis une expĂ©rience qui aurait pu ĂȘtre bien utile. François venait de perdre l’espoir de jouer encore un rĂŽle. Il se retira. DĂ©s le mois de mai 1791, il s’était lancĂ© dans le vaste dĂ©bat qui opposait Les Amis des Noirs aux colons propriĂ©taires de plantations Ă  Saint-Domingue. Avec la rĂ©volte des noirs, nous avions des intĂ©rĂȘts considĂ©rables en pĂ©ril. Se sentant inutile Ă  Paris, frustrĂ© de toute action politique et d’ailleurs, sans l’avouer, inquiet de la tournure des Ă©vĂ©nements, il parlait de se rendre lĂ -bas, dans nos plantations de sucre et de cafĂ© qu’il avait dĂ©jĂ  visitĂ©es. -Je te l’avais bien dit, rĂ©pĂ©tait mon pĂšre. Et François revoyait dans sa tĂȘte la genĂšse de chaque dĂ©cision, analysait les causes de l’échec des rĂ©formes que lui et ses amis avaient voulues. - Le peuple n’est pas encore assez Ă©voluĂ©, ni instruit. Il se laisse mener par n’importe quel dĂ©magogue qui parle plus fort et mieux que tous ceux qui proposent un dĂ©bat Ă©clairĂ©. Le Roi est mal entourĂ©, mal conseillĂ©. On n’osait dire qu’il Ă©tait faible et trop bon. Pourquoi la vieille noblesse l’a-t-elle abandonnĂ© si tĂŽt ? Plus tard, peut-ĂȘtre, grĂące Ă  l’instruction qu’on offrirait au peuple, avec une justice Ă©gale pour tous, avec un peu de temps
Incorrigible François ! -Notre pĂšre l’avait enfin persuadĂ© de s’occuper Ă  nouveau de ses propres intĂ©rĂȘts. Il prĂ©voyait des changements dans la conduite des affaires sans mesurer leur ampleur. - Pendant qu’il est encore temps, disait-il. Pour sa part, comme il l’avait dĂ©jĂ  fait une fois sous le ministĂšre Terray une trentaine d’annĂ©es auparavant lorsqu’il s’était senti menacĂ©, il se remit Ă  recomposer les Ă©lĂ©ments de sa fortune. La propriĂ©tĂ© fonciĂšre n’étant plus aussi sĂ»re depuis la vente des biens du clergĂ© comme biens nationaux, il vendit une partie de ses terres de Brie, de Bourgogne, de Beauce. Il vendit aussi des maisons et des terrains Ă  Paris. François put rĂ©unir les fonds nĂ©cessaires Ă  l’achat des tableaux mis en vente par le duc d’OrlĂ©ans dĂšs son retour d’exil en 1791. Il fallait possĂ©der la somme fabuleuse d’un million deux cent mille livres qui avaient manquĂ© successivement aux Anglais en 1788, au Roi de France Ă  la mĂȘme Ă©poque, Ă  Lord Kinnair pour lequel le marchand Slade avait engagĂ© des pourparlers. Cette collection qui rassemblait des Ɠuvres des Ă©coles italienne, française, flamande, hollandaise avec des signatures aussi prestigieuses que celles du Guerchain, d’AndrĂ© del Sarto, Panini, TĂ©niers, Rubens, Van de Velde et d’autres, Ă©tait si belle que nous succombĂąmes Ă  la tentation. De plus, valeurs sĂ»res pour tous les connaisseurs, ces chefs-d’Ɠuvre convenaient, pensait-il, en des temps incertains. François fit construire dans le jardin de notre hĂŽtel, situĂ© rue d’Artois[52], une vaste galerie-salon Ă©clairĂ©e par des verriĂšres sur le toit, comme le proposait toujours notre ami Hubert Robert et comme il l’avait installĂ© au Louvre. Amateur Ă©clairĂ©, François comptait devenir collectionneur d’Ɠuvres d’art. BientĂŽt cependant, il comprit son erreur. La confiscation systĂ©matique des biens du clergĂ© puis de ceux des Ă©migrĂ©s, puis de ceux dits suspects » dont l’identitĂ© Ă©tait dĂ©signĂ©e par l’arbitraire le fit rĂ©flĂ©chir. Enfin les exactions systĂ©matiques et aveugles de foules surexcitĂ©es contre des statues, la destruction du mobilier prĂ©cieux jetĂ© par les fenĂȘtres au cours des Ă©meutes le convainquirent de mettre sa collection Ă  l’abri en attendant des jours meilleurs. Mais oĂč la cacher ? En Suisse ? En Espagne ? En Angleterre ? Il se dĂ©cida pour cette derniĂšre. Les tableaux furent soigneusement emballĂ©s, Ă©tiquetĂ©s, transportĂ©s par la Seine, mis en sĂ©curitĂ©, croyait-il. Satisfait, il revint en France. Mal lui en prit car dĂ©s lors, il fut l’objet de recherches et de poursuites du ComitĂ© de la Section du Mont-Blanc. C’était le nom de notre quartier pendant la RĂ©volution, obligĂ© de se terrer. On sentait bien que tout allait de plus en plus mal. Tout le monde Ă©tait d’accord pour dĂ©clarer la guerre, avec des raisons diamĂ©tralement opposĂ©es. Mauvais signe Les uns pour en finir vite avec la RĂ©volution, les autres pour se dĂ©barrasser dĂ©finitivement des royalistes. Pourtant, lorsque Louis XVI avait renouvelĂ© le serment de respecter la constitution, la confiance semblait de retour. Mais ce fameux droit de veto si maladroitement et si obstinĂ©ment utilisĂ©, le double jeu du Roi fatalement dĂ©couvert vint tout compromettre. La guerre fut dĂ©clarĂ©e Ă  François II, Roi de Hongrie et de Pologne, le 20 avril 1792. Alors vĂ©ritablement, les jours d’angoisse commencĂšrent. 20 juin 1792 - Les sans-culottes envahissent les Tuileries Le 21 juin au soir, le rĂ©gisseur de nos biens revint de son domicile rue Neuve Saint Eustache. Il avait appris la cause de l’agitation qui avait rĂ©gnĂ© toute la journĂ©e mĂȘme dans notre quartier rĂ©putĂ© tranquille et peu peuplĂ©. -LĂ -bas, dit-il, des milliers de manifestants armĂ©s de piques accompagnĂ©s de femmes et d’enfants endimanchĂ©s ont pĂ©nĂ©trĂ© aux Tuileries. Le Roi a Ă©tĂ© obligĂ© de coiffer le bonnet rouge. Le brave homme en Ă©tait tout retournĂ©. Ainsi le Roi lui-mĂȘme n’était plus en sĂ©curitĂ© contre la populace. La Fayette accouru pour dĂ©fendre le souverain, avait Ă©tĂ© rĂ©cusĂ© par la Reine. A-t-elle vraiment dit Mieux vaut pĂ©rir que d’ĂȘtre sauvĂ© par La Fayette et les constitutionnels ? Qu’allait devenir la monarchie si elle refusait les seuls dĂ©fenseurs qui lui restaient ? Chacun semblait durcir ses positions. Nous ne comprenions plus la logique des Ă©vĂ©nements. MalgrĂ© son grand Ăąge - il Ă©tait nĂ© en 1724 - et le dĂ©clin gĂ©nĂ©ral du commerce, petit et grand, mon pĂšre restait trĂšs actif. En juillet 1792, il armait encore un navire au Havre chargĂ© d’une cargaison de tuiles de soixante mille livres. Ce fut la derniĂšre. Chaque matin en s’éveillant on se demandait comment finirait la journĂ©e. Au moindre bruit on Ă©tait Ă  l’écoute en tremblant. Les journĂ©es d’émeute et de dĂ©sordre se succĂ©daient. Le dix aoĂ»t 1792 commença mal. DĂ©s le matin, la ville Ă©tait agitĂ©e. Le tocsin sonnait - mauvais signe - le canon d’alarme retentissait, la gĂ©nĂ©rale battait. Dans la rue, des cris, des hurlements. Une commune insurrectionnelle s’était formĂ©e et se dirigeait vers les Tuileries. Ce fut encore Levasseur qui nous en fit le rĂ©cit. Sa personne si calme d’ordinaire Ă©tait tout agitĂ©e de tremblements et il Ă©tait si Ă©mu qu’il ne savait que balbutier des mots sans suite Des hommes, des hommes
 jetĂ©s vivants des fenĂȘtres du Palais
empalĂ©s sur des piques
Des corps entassĂ©s sur les pavĂ©s
Certains mis Ă  griller
comme des cochons ! Jacques Bertaux, La prise du palais des Tuileries, cour du Carrousel, 10 aoĂ»t 1792 -Et le Roi ? - Et la Reine ? - Et les enfants ? -A l’AssemblĂ©e, paraĂźt-il. -Vivants ? -Oui, mais arrĂȘtĂ©s, transportĂ©s au Temple. Prisonniers ! HallucinĂ© par le spectacle d’horreur auquel il venait d’assister, il ne cessait de rĂ©pĂ©ter Les Suisses ! Les Suisses ! Des centaines de morts. SĂ»r! Le lendemain seulement nous apprĂźmes que l’AssemblĂ©e tremblante devant l’émeute avait permis l’arrestation de la famille royale et s’était ensuite dissoute pour laisser place Ă  une Convention nationale qu’on allait Ă©lire. Mais Ă  quoi servaient des Ă©lections si la rue dictait sa loi ? Ce soir lĂ , le duc de Noailles, Ă©chappant au massacre resta cachĂ© dans les combles du vieux Louvre, Ă©tendu sur une poutre, attendant que le calme fĂ»t revenu. TraquĂ©, il erra dans Paris les jours qui suivirent, trouvant un abri chez un ancien domestique compatissant. Il dĂ©cida qu’il Ă©tait grand temps de quitter ce pays pris de folie meurtriĂšre. Il regrettait amĂšrement et se sentait coupable d’avoir participĂ© Ă  la mise en marche de cette machine infernale le soir oĂč il avait demandĂ© l’abolition des privilĂšges et ne comprenait pas comment tout avait ensuite si mal tournĂ©. Le comte d'Artois, frĂšre du roi, donne le signal de l'Ă©migration dĂšs le 17 juillet 1789. Portrait par Pierre Henri Danloux La premiĂšre Ă©migration[53] avait eu lieu aprĂšs la dĂ©molition de la Bastille. Des centaines de nobles affolĂ©s avaient fui. Le comte d’Artois Ă©tait parti le premier. Les princes de HĂ©nin, de Vaudreuil, de Castellane, le duc de Bourbon et son fils le prince de CondĂ© l’avaient suivi. Ils s’étaient d’abord arrĂȘtĂ©s Ă  Turin. Plus tard, les deux frĂšres du roi, Artois et Provence s’étaient installĂ©s Ă  Coblence et les CondĂ© Ă  Worms, chacun d’eux, accompagnĂ© de nombreux courtisans et de valets. Madame VigĂ©e-Lebrun[54] qui devait faire mon portrait avait fui elle aussi en Italie. Monsieur Robert[55] nous avait racontĂ© comment il l’avait accompagnĂ©e jusqu’à la barriĂšre de Paris. Il allait bientĂŽt regretter de ne pas l’avoir suivie. Juste aprĂšs l’annonce du dĂ©cĂšs tragique de nos deux frĂšres, bien avant les Ă©vĂ©nements, mon pĂšre avait envoyĂ© notre frĂšre Alexandre prĂšs de François II d’Autriche afin qu’il ne soit pas tentĂ© de devenir marin et qu’il apprenne le mĂ©tier des armes dans l’artillerie. Ironie du sort, il allait ĂȘtre bientĂŽt engagĂ© contre les troupes rĂ©volutionnaires. Il avait seize ans lors de son dĂ©part, n’avait pas Ă©migrĂ© mais se retrouvait, sans l’avoir choisi, aux cĂŽtĂ©s des ennemis de son pays. Il allait vivre au milieu de ces hommes qui avaient volontairement abandonnĂ© leur poste, ces courtisans comblĂ©s de bienfaits, trahissant leur souverain Ă  la premiĂšre alerte. Ils avaient quittĂ© leurs postes d’autoritĂ©, ils avaient abandonnĂ© Ă  leurs ennemis les rĂ©giments qu’ils commandaient, ils avaient laissĂ© les paysans livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes ou Ă  l’influence de leurs adversaires Une faute grave, plus mĂȘme une trahison, une lĂąchetĂ©. Le danger aurait dĂ» constituer un motif supplĂ©mentaire de montrer sa propre valeur, son courage, les vertus attachĂ©es Ă  la noblesse. D’ailleurs certaines femmes qui leur envoyaient des quenouilles pour les ridiculiser montraient bien le mĂ©pris dans lequel on les tenait. A l’étranger, ils ne vivaient qu’entre eux, ne rencontraient que des gens qui pensaient comme eux. A aucun moment ils n’eurent l’occasion de rĂ©viser leur point de vue conservateur tandis qu’une nouvelle sociĂ©tĂ© naissait en France. AprĂšs Juillet 1790, un nouveau contingent constituĂ© des Gramont, Polignac, Vintimille, LĂ©vis, Lally-Tollendal, Montmorency rejoignaient les premiers. Cette horde d’émigrĂ©s chaque jour plus nombreuse, plus bruyante Ă©veillait les alarmes. Leurs bravades, leur inconsĂ©quence, leur inconduite mĂȘme indisposaient leurs hĂŽtes, mettant en pĂ©ril la cause qu’ils prĂ©tendaient dĂ©fendre, rendant bientĂŽt impossible toute conciliation[56]. DivisĂ©s entre eux, Artois et Provence avaient partie liĂ©e contre leur frĂšre le Roi qu’ils ne se gĂȘnaient pas de qualifier entre eux du titre peu enviĂ© pour un roi de Plus grand jacobin du royaume » comme ils auraient dit Plus grand bandit ». Les grandes familles avaient pris parti pour l’un ou pour l’autre. Ainsi, il y avait Ă  Vienne un ambassadeur de Louis XVI, roi de France et c’était un Noailles. Mais le comte d’Artois en Ă©migration y avait accrĂ©ditĂ© un Polignac. Juste avant Pillnitz, lorsqu’il se rendit Ă  Vienne, c’est Ă  l’ambassade de SuĂšde que le comte d’Artois[57] coucha. Cela produisait naturellement un mauvais effet. Nous Ă©tions bien informĂ©s de tout ce qui se passait Ă  l’étranger oĂč mon pĂšre avait habituellement des correspondants pour ses intĂ©rĂȘts bancaires et ses activitĂ©s commerciales. MalgrĂ© les Ă©vĂ©nements, l’Europe continuait Ă  ĂȘtre un peu notre pays. Mon pĂšre, originaire des PyrĂ©nĂ©es, avait de solides attaches, des amis et des intĂ©rĂȘts en Espagne avant et depuis la guerre de Sept ans qu’il avait aidĂ© Ă  financer. Ma mĂšre Ă©tait la fille de Barbe Stoupy, banquiĂšre de la cour de Vienne Ă  Bruxelles. Sa sƓur, l’épouse de La Live de Jully introducteur aux ambassades[58]. Il Ă©tait difficile de continuer le commerce international quand les pays voisins s’interrogeaient sur l’avenir de la France et commençaient Ă  se mĂ©fier. BientĂŽt, ce sera la guerre, la Patrie en danger. Les esprits Ă©taient divisĂ©s, les familles se dispersaient bien malgrĂ© elles. La plupart des Ă©pouses Ă©taient demeurĂ©es en France ou rentrĂ©es Ă  la suite de la dĂ©cision de l’AssemblĂ©e de mettre en vente les biens des Ă©migrĂ©s ou de leurs Ă©pouses. C’est pourquoi je me trouvai bientĂŽt divorcĂ©e de mon cher Ă©poux. Mais j’anticipe. Les Ă©pouses Ă©taient en France. Leurs ducs, comtes, princes de maris voyageaient en Europe menant grand train aussi longtemps qu’ils avaient argent et crĂ©dit. Ensuite, ils durent se rĂ©signer Ă  honorer leur infortune avec patience et courage. Pour certains le petit voyage commencĂ© en 1790 se termina vingt-cinq ans plus tard. Pour l’heure, les routes de France Ă©taient sillonnĂ©es d’hommes, de femmes qui craignaient d’ĂȘtre ensevelis sous les ruines de la monarchie ou de patriotes qui rejoignaient leur rĂ©giment. Comme je l’ai dĂ©jĂ  Ă©crit, je crois, la Patrie venait d’ĂȘtre dĂ©clarĂ©e en danger. Nous Ă©tions tous concernĂ©s. Ayant adhĂ©rĂ© aux premiers mouvements rĂ©volutionnaires - mais nous ne savions pas qu’il s’agissait d’une rĂ©volution-, tous les membres de ma famille, de ma belle famille, les alliĂ©s, amis, tous libĂ©raux et partisans d’une monarchie constitutionnelle un peu Ă  la maniĂšre anglaise Ă©taient restĂ©s en France, fidĂšles Ă  leur roi. Ils mĂ©prisaient les fuyards. Mais il leur fallut se rendre Ă  l’évidence La chasse aux nobles et aux riches Ă©tait ouverte. Le dix aoĂ»t modifia leurs intentions. Leur dĂ©part fut dĂ©cidĂ©. Les Noailles Ă©taient directement menacĂ©s, dans leur fortune, dans leurs demeures, dans leur sĂ©curitĂ©. La loi ne protĂ©geait plus personne puisqu’elle n’était plus respectĂ©e. Mais aussi incroyable que cela paraisse aprĂšs trois ans de bouleversements, leur dĂ©part fut presque improvisĂ© tant ils s’étaient aveuglĂ©s avec leurs idĂ©es nouvelles. Un matin, mon mari m’annonça -Nous partons ce soir. -Ah ! Il faut que je fasse prĂ©parer les bagages. Je serai prĂȘte quand vous le souhaiterez. - Pas vous ! Vous restez ici ! IncrĂ©dule, suffoquant d’indignation, je commençai Ă  protester mais il avait prĂ©vu toutes les objections. -Je choisirai le lieu, un endroit convenable, tu me rejoindras. Ce n’est que momentanĂ©. Tes parents aussi devront partir. DĂ©jĂ , son regard Ă©tait ailleurs, dans un monde libre, celui oĂč François nous avait entraĂźnĂ©s en imagination Ă  son retour d’AmĂ©rique. Avait-il l’intention de nous entraĂźner lĂ -bas ? Je le suppliais encore de m’emmener avec l’enfant, je pleurais sans aucune retenue, je menaçais. Il Ă©tait dĂ©terminĂ© et s’impatientait. Enfin, pour achever de me convaincre il me dit que la sĂ©paration ne serait pas longue, quelques semaines tout au plus. Et d’ailleurs, acheva-t-il, ton frĂšre sera des nĂŽtres. -Des vĂŽtres ? Mais je ne pus en obtenir plus. Je ne savais ni qui Ă©taient ses compagnons, ni ce qu’ils avaient rĂ©solu, ce qui me causa tant d’angoisse par la suite. Je le priai au moins de se munir de lettres de change, d’argent afin de pouvoir continuer Ă  vivre ainsi qu’il en avait l’habitude. Mais cela Ă©tait inutile. Il avait prĂ©vu et parlĂ© Ă  mon de romans d’aventures et n’osant guĂšre sortir, je me mis Ă  rĂȘver. Charles de Noailles Ă©tait mon hĂ©ros. Je l’imaginais parti pour la croisade ou pour la conquĂȘte du Saint-Graal ou prĂ©parant un monde idĂ©al dans un monde nouveau. Mon Ulysse revenait, glorieux, chargĂ© de lauriers, riche d’expĂ©rience et m’aimant. Je tremblais pour lui. Les bruits les plus incroyables circulaient, tous contradictoires. Sans aucune nouvelle, je croyais tout ce qui se disait. BientĂŽt les gazettes nous apprirent l’arrestation de La Fayette[59] qui avait aussi, mais trop tard, dĂ©cidĂ© d’émigrer. Swebach-Desfontaines, fuite de La Fayette du camp de Sedan 19 aoĂ»t 1792 MusĂ©e Carnavalet L’affaire s’était produite un peu au-dessus de Rochefort prĂšs de Namur Six volontaires limbourgeois aux ordres de Monsieur d’Harmoncourt avaient remarquĂ© une troupe de cavaliers composĂ©e de vingt-quatre maĂźtres et seize domestiques se disant Ă©migrants. On leur proposa de les mener au duc de Bourbon. Comme ils refusaient, des soupçons naquirent. Ils durent s’expliquer. A leur tĂȘte, La Fayette dĂ©clara vouloir passer derriĂšre l’armĂ©e autrichienne, gagner MaĂ«stricht, la Hollande, l’Angleterre, l’AmĂ©rique enfin. Au lieu de se montrer modestes ils firent une espĂšce de dĂ©claration solennelle, en appelant aux droits de l’homme, Ă  la libertĂ© individuelle. Toujours cette illusion, cette rĂ©fĂ©rence Ă  de grands principes dont personne ne se souciait plus. C’était bien d’eux en effet ! Et c’était bien le moment ! Ce dix-neuf aoĂ»t 1792, il y avait aux cĂŽtĂ©s de La Fayette, La Tour-Maubourg, Alexandre de Lameth, Bureau de Pugy, Liancourt, D’Aiguillon, Mathieu de Montmorency, Lusignan, Baumetz, Duport et
 le comte de Noailles ! On savait que La Fayette avait Ă©tĂ© emprisonnĂ© mais les autres ? Mon inquiĂ©tude redoubla. Paris Ă©tait de plus en plus menaçant. Mon pĂšre avait dĂ©cidĂ© de notre installation Ă  MĂ©rĂ©ville et s’obstinait dans un optimisme apparent. Tous les jours, un courrier apportait les nouvelles et rendait compte de l’activitĂ© de la banque et du commerce, bien rĂ©duite il est vrai. Nous avions encore trois relais de poste Ă  cinq chevaux sur le trajet Paris-MĂ©rĂ©ville, ce qui permettait une grande rapiditĂ© de communication. Un soir, au dĂ©but de septembre alors que nous profitions d’une douce soirĂ©e au bord du lac et qu’une petite excursion nocturne avait Ă©tĂ© projetĂ©e jusqu’au Petit Parc, nous entendĂźmes rĂ©sonner les pas d’un cheval lancĂ© Ă  toute vitesse. MalgrĂ© ses cinquante-quatre ans, Levasseur s’était prĂ©cipitĂ© pour nous prĂ©venir des nouveaux drames qui se dĂ©roulaient dans Paris. Couvert de sueur et de poussiĂšre, haletant, il avait le regard fixe et ne pouvait parler. Enfin d’un trait il raconta les massacres. Les prisons regorgeaient De nombreux prĂȘtres rĂ©fractaires, des religieuses, des prisonniers de droit commun, des nobles aussi, entassĂ©s un peu au hasard attendaient d’ĂȘtre jugĂ©s. On apprit alors que ces malheureux prisonniers Ă  La Force, Ă  la Conciergerie, Ă  l’Abbaye, au ChĂątelet avaient Ă©tĂ© massacrĂ©s. Il s’attarda sur le sort de la Princesse de Lamballe, l’amie de la Reine dont le supplice dĂ©passait tout en horreur dĂ©capitĂ©e, souillĂ©e, exhibĂ©e, promenĂ©e par des sauvages ivres et furieux. En Ă©coutant ce rĂ©cit, je fus prise de nausĂ©e et maintenant encore, il y a plus de vingt ans de cela, ce souvenir reste gravĂ© au fond de ma mĂ©moire avec les autres horreurs que nous devions subir ensuite. Je poussai des cris d’affolement et de dĂ©tresse. Il fallut me soigner, m’apaiser. C’était la premiĂšre fois que je ressentais cette angoisse affreuse qui surgit encore Ă  l’improviste, produisant les mĂȘmes effets. Je me dĂ©couvrais extrĂȘmement impressionnable et sensible ; ce n’était pas le moment pourtant et c’était une source supplĂ©mentaire de soucis pour mes parents qui me montraient combien nous Ă©tions en sĂ©curitĂ©[60] Ă  MĂ©rĂ©ville oĂč la municipalitĂ© modĂ©rĂ©ment rĂ©volutionnaire jusque-lĂ  Ă©tait pleine de respect et de considĂ©ration pour notre famille. De nombreux parents et amis venaient mĂȘme s’y rĂ©fugier cette petite vallĂ©e de la Juine Ă©tait un havre de paix pour tous. Les NoguĂ©, AdĂ©laĂŻde de la Briche[61] veuve d’Alexis, sa fille Charlotte et sa mĂšre avaient obtenu un permis de sĂ©jour. Loin du Marais, elle s’inquiĂ©tait de ses amis Florian, La Harpe, Madame d’Houdetot, Saint Lambert, FrĂ©nilly, tous dispersĂ©s. Beaucoup d’autres passĂšrent quelques jours, comme madame de Buffon, la belle-fille du naturaliste. Ma mĂšre voulait me faire croire que la vie continuait, comme avant ou presque comme avant. On participait Ă  l’effort national, cousant les uniformes, faisant des charpies, payant largement notre contribution chaque fois qu’elle nous Ă©tait demandĂ©e. Pour nous distraire et conjurer le sort, ma courageuse mĂšre s’efforçait d’organiser de petites reprĂ©sentations théùtrales qui nous obligeaient Ă  apprendre un rĂŽle. La terrasse du chĂąteau vers le lac servait de scĂšne. Pour ma part, j’aimais surtout dessiner d’aprĂšs nature comme je l’avais vu faire par Hubert Robert. Mon pĂšre adorait[62] la musique et nous nous exercions Ă  jouer des sonates d’aprĂšs des partitions que des parents nous envoyaient de Vienne. Certaines Ă©taient signĂ©es Mozart, d’autres Beethoven. Nous trouvions ces derniĂšres hardies et peu conventionnelles. Depuis la dĂ©claration de guerre Ă  l’Autriche, les envois Ă©taient interrompus ou transitaient par l’Europe du Nord. PrĂ©cieux documents ! Mais ces passe-temps Ă©taient forcĂ©s et peu naturels. Nous en revenions sans cesse aux Ă©vĂ©nements, craignant pour l’avenir. Je sentais deux vies parallĂšles en moi l’une de sourires factices et figĂ©s, l’autre d’angoisse et de dĂ©tresse avec un masque qui cachait mon vrai visage humain. AprĂšs la victoire de Valmy, j’avais compris que la formidable armĂ©e des Princes, rĂ©unie contre celle de la Patrie en danger ne pourrait jamais venir Ă  bout de l’enthousiasme rĂ©volutionnaire. L’armĂ©e nationale Ă©tait composĂ©e d’hommes mal vĂȘtus, qui n’avaient jamais manipulĂ© d’armes, qui ne savaient pas obĂ©ir mais qui chantaient sur les routes de campagne leur jour de gloire » une gloire qui commença Ă  Valmy et s’acheva Ă  Waterloo, sur des champs de bataille couverts de blessĂ©s, d’agonisants, de morts. La grande armĂ©e du ci-devant Prince de CondĂ©, gravure satirique En face, dix mille Ă©migrĂ©s enrĂŽlĂ©s dans le premier corps d’armĂ©e avec Ă  leur tĂȘte les marĂ©chaux de Brooglie et de Castries sous les ordres du duc de Brunswick et du roi de Prusse avec ses 4200 prussiens, 36000 autrichiens, 10000 hessois, les comtes d’Artois et de Provence. Il y avait aussi le deuxiĂšme corps formĂ© des 5000 hommes du prince de CondĂ© sous les ordres du prince Esterhazy avec ses 17000 hommes qui devaient marcher sur Philipsbourg et l’Alsace. Il y avait enfin le troisiĂšme corps avec le duc de Bourbon rattachĂ© Ă  l’armĂ©e du duc de Saxe et Ă  l’armĂ©e des Pays-Bas dirigĂ©e contre Dumouriez Trois armĂ©es commandĂ©es par des gĂ©nĂ©raux, des marĂ©chaux de mĂ©tier qui devaient, qui auraient dĂ» vaincre facilement une horde de va-nu-pieds. La dĂ©faite de cette formidable armĂ©e avait de quoi surprendre et l’action des Ă©migrĂ©s luttant contre leur pays sous les ordres Ă©trangers me dĂ©rangeaient profondĂ©ment. Pourtant, j’allais bientĂŽt haĂŻr de toute mon Ăąme la RĂ©publique nĂ©e de ce patriotisme. Que devenait Charles de Noailles mon Ă©poux vaincu avec ses compagnons ? Que devenait Alexandre enrĂŽlĂ© de force avec les ennemis de la Nation. OĂč Ă©tait François ? Tout devint plus difficile. La plupart des gens qui ignoraient la veille jusqu’au mot devinrent d’ardents rĂ©publicains donnant des leçons de civisme. Il fallut prĂȘter serment de fidĂ©litĂ© Ă  la RĂ©publique. Je revois mon pĂšre Ă  MĂ©rĂ©ville devant la municipalitĂ© de MĂ©rĂ©ville. On lui donna un certificat de civisme en Ă©change de son serment. Il crut que toutes ces formalitĂ©s allaient nous donner le droit de vivre tout simplement. La peur s’installait. Nous avions rĂȘvĂ© une monarchie constitutionnelle idĂ©ale garante des droits et de la libertĂ©. Nous allions avoir une dictature[63] sanglante et inhumaine. La peur fait naĂźtre chez certains hommes des rĂ©flexes barbares, la dĂ©lation, l’oubli de tout devoir. Montaigne que j’ai lu et relu assidument intitule le chapitre XXVII du livre 2 Couardise, mĂšre de la cruautĂ© ». Je peux dire pour l’avoir vĂ©cu que la fĂ©rocitĂ© est bien une rĂ©action Ă  la peur. La peur se lisait sur les visages, accablait le village. Comme si les pauvres humains que nous sommes n’avaient pas assez de lutter contre la maladie, les accidents, les coups du sort. Il leur fallait subir en plus leurs semblables. Automne 1792. DĂ©part pour Londres. Retour dramatique en France Je rĂ©flĂ©chissais au meilleur moyen de partir pour essayer de retrouver mon Ă©poux. J’avais appris que les anciens constitutionnels dĂ©sabusĂ©s dont il partageait les vues s’étaient installĂ©s en Angleterre, Ă  Londres. Aussi sans dĂ©voiler mes intentions Ă  quiconque, j’obtins un passeport, des certificats. Ce fut chose assez aisĂ©e. J’affrontais sans Ă©tat d’ñme celui qui mit son paraphe et posa les cachets rĂ©publicains au bas du faux certificat et du passeport. Il Ă©tait plein de son importance. Il me dĂ©tailla hardiment et inscrivit mon signalement cinq pieds et un pouce, cheveux et sourcils chĂątains, bouche moyenne, menton rond, nez gros, visage plein, yeux bleus. Je ressemblais Ă  ma mĂšre. Beaucoup de femmes seules se rĂ©unissaient pour accomplir le voyage Ă  frais communs et se prĂȘter mutuellement assistance. Mais je ne fus pas tentĂ©e par cette solution et prĂ©fĂ©rais l’aventure individuelle. Bonne cavaliĂšre, je pensais d’abord Ă  partir seule avec la petite LĂ©ontine. Mais c’était trop risquĂ©. J’imaginais alors me travestir en homme et emmener la nourrice de ma fille. Avec sa jupe de calicot, son chĂąle et son baluchon, elle passerait pour la mĂšre. Nous aurions soin l’une et l’autre d’accrocher Ă  notre vĂȘtement la cocarde tricolore sans laquelle on Ă©tait immĂ©diatement suspect. Nous formerions un couple de jeunes parents rĂ©publicains. C’est ce que je rĂ©solus de faire. J’allais donc retenir les places dans la diligence plus sĂ»re que la berline ou la chaise de poste. Un dĂ©lai de quinze jours Ă©tait demandĂ©, tout Ă©tait complet. J’avais dix-huit ans, je n’avais jamais quittĂ© mes parents mais rien ne pouvait m’arrĂȘter. Tout pouvait cependant nous arriver avec cette enfant qui ne marchait pas encore. Je prĂ©vins mes parents au dernier moment. EffrayĂ©s par ma dĂ©cision, accablĂ©e par le deuil de leurs grands enfants en si peu de temps, ils craignaient tout mais se rĂ©signĂšrent devant ma dĂ©termination. Ils prodiguĂšrent leurs conseils qu’ils savaient inutiles mais qui les rassuraient en les formulant. On cousit dans le plus grand secret des piĂšces d’or et des diamants dans mes vĂȘtements et dans l’ourlet des jupons de Julie. C’était une sage prĂ©caution dont j’eus plus d’une fois l’occasion de me louer. DissimulĂ©e sous un vieux manteau, mes cheveux dorĂ©s ramassĂ©s sous un bonnet de marin, j’avais l’air d’un jeune conscrit. Nous quittĂąmes le chĂąteau en pleine nuit afin que personne Ă  MĂ©rĂ©ville ne sĂ»t mon dĂ©part dans cet accoutrement. J’ignorais que ce voyage clandestin se rĂ©vĂšlerait le plus cruel momemnt de mon existence. Je n’avais qu’une idĂ©e en tĂȘte, retrouver mon mari, vivre avec lui une existence calme et heureuse, celle de ma mĂšre telle que Greuze l’avait reprĂ©sentĂ©e sur le fameux tableau accrochĂ© dans la galerie du premier Ă©tage au milieu de portraits de famille. Bien que la guerre contre l’Angleterre et la Hollande ne fĂ»t pas encore dĂ©clarĂ©e, - elle le sera en fĂ©vrier 1793 - le voyage prĂ©sentait quelques difficultĂ©s. Que n’a-t-on racontĂ© dans le monde au sujet de ce voyage ! J’aurais Ă©tĂ© jetĂ©e par un bateau sur une plage prĂšs de Douvres, ma fille confiĂ©e Ă  un patron amĂ©ricain m’ayant prĂ©cĂ©dĂ© de quelques heures. Une autre version circulait, plus dramatique la nourrice affolĂ©e aurait laissĂ© l’enfant tomber Ă  la mer. On la crut noyĂ©e mais elle aurait Ă©tĂ© repĂȘchĂ©e par un marin qui la confia Ă  une anglaise qui voulait la garder tant l’enfant Ă©tait attachante. Une troisiĂšme version situait notre dĂ©barquement Ă  Brighton oĂč rĂ©sidait le Prince de Galles. On relatait aussi le rĂŽle extraordinaire de Lord Malmesburry qui, se promenant sur la plage aurait reçu, d’un marin français qui lui peignit le manque de ressources de la mĂšre, l’enfant dont il dit le nom illustre. L’homme d’Etat anglais recueillant l’enfant aurait poussĂ© la gĂ©nĂ©rositĂ© jusqu’à lui envoyer de l’argent pour rĂ©unir la mĂšre et l’enfant. Il ne manquait plus Ă  la dramatisation de ces fables qu’une tempĂȘte ou un enlĂšvement. La vĂ©ritĂ© Ă©tait moins divertissante pour l’imagination des Ă©migrĂ©s oisifs de Londres. Mais toutes ces fables montrent que mon arrivĂ©e Ă  Londres ne passa pas inaperçue. De ce moment date une mythologie Ă  mon sujet oĂč le vrai et le faux se mĂȘlent intimement. LancĂ©s inconsidĂ©rĂ©ment, certains propos irresponsables dĂ©truisent Ă  tout jamais une rĂ©putation et pĂšsent sur l’avenir de leur victime. Bref, je commençais une carriĂšre d’aventuriĂšre » bien malgrĂ© moi. La vĂ©ritĂ© de notre traversĂ©e est plus simple. Pour ĂȘtre embarquĂ©e dans un paquebot[64], je distribuai au capitaine et aux matelots de larges compensations Ă  leur dĂ©vouement, bien heureuse d’avoir trouvĂ© quelqu’un pour nous faire traverser la Manche. L'Antelope et l'Atalante, deux "packet boats" - National Maritime Museum - Greenwich J’allais, Ă  Londres, dans cette petite sociĂ©tĂ© française en quĂȘte de nouveautĂ©s et de distractions, devenir un personnage intĂ©ressant, un sujet de conversations. Chez les oisifs de la haute Ă©migration, rĂ©gnait l’esprit d’intrigue et de jalousie, les commĂ©rages et par-dessus tout, la lĂ©gĂšretĂ© et l’indiffĂ©rence. Je suis bientĂŽt devenue la victime intĂ©ressante ». Chose Ă©tonnante, alors mĂȘme que je m’en dĂ©fendais, je me complus dans ce rĂŽle, me conformant presque malgrĂ© moi au modĂšle que le monde m’assignait. J’arrivais donc Ă  Londres, perdue dans un ocĂ©an de maisons au milieu d’un vaste dĂ©sert d’hommes affairĂ©s, allant, venant, parlant une langue que je pratiquais mal, ne faisant pas plus attention Ă  moi que s’ils ne me voyaient pas. N’ayant jamais eu l’occasion de voyager seule, je me demandais si je n’allais pas ĂȘtre broyĂ©e comme un fĂ©tu dans le fonctionnement de cette activitĂ© gĂ©ante. Comme tout Ă©migrĂ©[65], je fus d’abord dirigĂ©e vers l’office des Ă©trangers. Le directeur de l’office, M. Wickam me reçut. A l’énoncĂ© de mon vĂ©ritable nom qui ne figurait pas dans mon faux passeport, il ne m’inscrivit pas sur le registre des malheureux qui, totalement dĂ©munis, recevaient de l’Angleterre un subside d’un shilling par jour pour vivre. Par contre, il me donna l’adresse et me fit conduire chez mon Ă©poux, personnage trĂšs connu Ă  Londres, me sembla-t-il. Avec l’enfant et la nourrice, je dĂ©barquai en plein aprĂšs-midi chez lui sans me faire annoncer, comptant lui faire une merveilleuse surprise. J’avais cent fois imaginĂ© ces retrouvailles pendant les longues et douloureuses semaines de sĂ©paration. J’avais particuliĂšrement soignĂ© ma toilette, ayant pris le temps de me faire conduire chez la meilleure habilleuse de la ville. Un coup d’Ɠil Ă  chaque miroir pour apprĂ©cier ma robe anglaise, je modifiais la position de mon chapeau, dĂ©plaçais quelques boucles. Mon cƓur battait Ă  tout rompre. Dans les bras de Julie, notre enfant Ă©tait le gage de notre amour. J’attendis dans l’antichambre oĂč le domestique nous avait fait entrer, ignorant qui j’étais. Un grand silence rĂ©gnait dans la demeure. Il n’y avait personne -Monsieur le Comte est parti ce matin. J’attendis, j’attendis longtemps. Le balancier de l’horloge marquait inexorablement le temps. L’enfant avait babillĂ©, pleurĂ©, dormi. Le temps semblait long. Enfin, des Ă©clats de rire et de voix retentirent. On parlait anglais et français Ă  la fois. Une troupe joyeuse entra. Au milieu d’elle, Charles, l’époux que mon pĂšre m’avait choisi, tout aussi sĂ©duisant que lors de son dĂ©part. Je tombai Ă  ses pieds de bonheur. ÉtonnĂ©, il mit quelques instants avant de rĂ©aliser que son Ă©pouse Ă©tait lĂ , devant lui en grande toilette, avec nourrice et enfant. Les personnes de sa compagnie se regardĂšrent, surprises elles aussi puis se mirent Ă  rire, lui lançant quelques plaisanteries que je ne compris pas. Elles disparurent ensuite dans le vaste salon contigu, nous laissant seuls. -Mais, Madame, que faites-vous ici ? -Ah ! Comme je suis heureuse de vous revoir ! -Quel caprice vous conduit
 -N’ĂȘtes-vous pas heureux de nous revoir ? -Si fait, si fait. Mais rien n’est prĂ©vu pour vous ! -Tant pis, je suis si heureuse, je n’ai besoin de rien. -Pourquoi ne m’avoir pas prĂ©venu ? -J’avais peur d’avoir la dĂ©fense de quitter Paris. Je ne pouvais plus rester. Et, ayant appris oĂč vous Ă©tiez
 -Comment se fait-il que vous soyez ici ? -C’est que
Mais voyez votre fille, comme elle est grande et belle ! -Qu’allez-vous faire ici ? Il n’y a pas de place pour vous. Pas de place. Pas de place... Toujours absorbĂ©e par mon grand bonheur, je ne remarquai pas sa gĂȘne, son impatience. M’accrochant Ă  lui, je l’assurai que nous n’avions besoin de rien. - Puisque je suis prĂšs de toi -. Je lui fis les dĂ©monstrations de tendresse les plus vives. Il finit par se calmer, retourna prĂšs de ses amis pour prendre congĂ©. Rien en effet n’était prĂ©vu pour le sĂ©jour d’une famille. Il me fit amĂ©nager un endroit dans un cabinet Ă  l’autre bout de l’appartement. LĂ , commença ma vie londonienne. Sans me permettre de l’accompagner, il sortait souvent, me laissant seule et dĂ©soeuvrĂ©e. Comme je le pressais de questions, il m’expliqua que comme tout le monde nous n’avions guĂšre de moyens pour vivre. Je lui fis remarquer que nous avions obtenu, grĂące aux dĂ©pĂŽts de prĂ©caution faits par mon pĂšre, un crĂ©dit considĂ©rable Ă  la banque Boyd and Cie Ă  Londres qui devait nous permettre de vivre aussi bien qu’à Paris. J’avais aussi un assez joli viatique dans mes bagages. D’ordinaire il n’était pas facile aux Ă©migrĂ©s de trouver des prĂȘteurs Ă  cause du peu de garanties qu’offraient les emprunteurs. Tel n’était pas notre cas. Dans les quartiers du West End, King Street, Manchester Square qu’il frĂ©quentait aussi, s’était installĂ©e ce qu’on appelait la haute Ă©migration[66] » composĂ©e de la plus ancienne aristocratie française. Je n’eus guĂšre l’occasion de la frĂ©quenter. LĂ , demeuraient les Matignon, BouillĂ©, Breteuil, Fitz-James, Choiseul, Vaudreuil. Les salons Ă©taient ouverts, conservant les maniĂšres et les traditions de la cour de France sur les bords de la Tamise. Artistes et gens de lettres les frĂ©quentaient. On y faisait de la musique, on se rĂ©pĂ©tait les bons mots de Rivarol et du chevalier de Panat. On lisait des vers et des articles de Mallet du Pan, de Peltier, de Montlausier. Par Ă©conomie, on donnait peu Ă  manger, davantage Ă  danser. La vieille et indĂ©racinable habitude de jouer n’était pas perdue. On vivait entre soi, faisant peu d’efforts pour s’adapter Ă  la vie anglaise. Par contre, chez mon mari, j’entendis souvent parler anglais. Il avait d’illustres amis ; le Prince de Galles Ă©tait le premier, le plus joyeux. Je me rendis souvent dans le salon de Madame d’Ennery, tante de Claire de Kersaint devenue duchesse de Duras, toutes deux cousines par notre mariage. Il y avait lĂ  des membres de l’ancien parti constitutionnel peu apprĂ©ciĂ© des Princes et de leur cour, prĂ©figurant dĂ©jĂ  les futures luttes politiques. Je retrouvais François fort occupĂ© de sa galerie de tableaux, prĂȘt Ă  rentrer en France, beaucoup moins confiant en l’avenir. Sortant peu, ne connaissant que peu de monde, je me sentais mal Ă  l’aise ; Il me semblait qu’on me regardait avec commisĂ©ration. J’en attribuais la cause aux deuils qui avaient frappĂ© notre famille François d’Escars Ă©tait aussi Ă  Londres, veuf rĂ©cent de ma sƓur Pauline. Lorsque mon Ă©poux m’annonça que nous allions nous installer Ă  la campagne oĂč le sĂ©jour serait favorable Ă  la santĂ© de notre fille, ce fut presque avec soulagement que j’accueillis cette nouvelle. Il avait trouvĂ© dans le comtĂ© de Nottingham une chaumiĂšre agrĂ©able. L’installation fut rapide. La demeure Ă©tait petite, semblable Ă  la maison du jardinier de MĂ©rĂ©ville mais pourvue d’un confort inconnu en France dans ce genre de demeure. Il y rĂ©gnait la plus grande propretĂ©. La maison Ă©tait situĂ©e au creux d’un vallon riant. Au bas d’un verger, coulait la Trent. Peu de voisins, mais des gens accueillants et utiles. C’est de ce sĂ©jour que naquit ma reconnaissance pour l’Angleterre hospitaliĂšre envers ceux que la RĂ©volution avait proscrits. Bonne cavaliĂšre, je suivis mon mari dans quelques longues chevauchĂ©es, visitant la campagne aux heures les plus claires de cet automne naissant. Cependant, une semaine ne s’était pas Ă©coulĂ©e que Charles montra des signes d’impatience, voire d’inquiĂ©tude. Un de ses amis nous rendit visite. Le comte Vintimille du Luc[67] prĂ©nommĂ© Charles lui aussi, ne m’était pas inconnu. C’est lui qui, lors de mon premier bal Ă  l’ambassade de Naples escaladant les banquettes Ă©tait venu m’inviter Ă  danser le pas de russe et le menuet. Sa grĂące, sa noblesse aussi et le fait qu’il m’eĂ»t choisie me le firent remarquer. La situation Ă©tait identique Ă  celle de la scĂšne d’un roman que je venais de lire. Ne jouait-il pas, au cours de ce bal, le rĂŽle du duc de Nemours et moi celui de la Princesse de ClĂšves tel que l’avait imaginĂ© Madame de Lafayette dans la scĂšne du bal ? N’était-ce pas un prĂ©sage d’avenir entre nous ? Je m’emballais Ă  cette idĂ©e. J’avais alors quinze ans ! Portrait de Charles RenĂ© FĂ©lix, comte de Vintimille du Luc -Allons m’avait dit Alexandre ce soir-lĂ , ne rĂȘve pas, il est dĂ©jĂ  mariĂ© ! Peu d’annĂ©es s’étaient Ă©coulĂ©es depuis la scĂšne du bal. Trois annĂ©es ? Seulement ? Son Ă©pouse restĂ©e Ă  Paris avec leurs trois petites filles protĂ©geait leurs biens tandis que lui Ă©tait devenu l’intime de mon Ă©poux. Lorsque celui-ci m’annonça qu’il devait se rendre Ă  Londres pour y rĂ©gler quelque affaire, je ne m’inquiĂ©tai pas. -Ce sera l’affaire de quelques jours. Je vous laisse un otage me dit-il en souriant. Du Luc restera ici. Avec lui, vous ne craignez rien ; la campagne est calme ici. Mon Ă©poux demeura Ă  Londres plusieurs jours en effet puis il y sĂ©journa de plus en plus longtemps, ne faisant que de brĂšves apparitions dans notre home. Enfin, il cessa de paraĂźtre. Vintimille Ă©tait lĂ , courtois, prĂȘt Ă  rendre service. Il avait remplacĂ© l’absent dans les promenades Ă  cheval. Artiste nĂ©, il avait un talent de peintre et de dessinateur rare chez un homme de sa condition. A ses cĂŽtĂ©s, je repris mes cartons et mes crayons. Choisissant un point de vue pittoresque, un coin de prairie, un bouquet d’arbres jaunissants, nous nous installions pour l’aprĂšs-midi devant notre chevalet. Plus tard, en saison, quand la brume envahissait les vallons, la grande salle nous accueillait. Nous rivalisions d’adresse et de vĂ©ritĂ© sur des natures mortes. Il voulut peindre mon portrait, je posai. A mon tour, j’esquissais le sien, comparant ensuite la qualitĂ© de nos Ɠuvres, riant de nos maladresses. J’oubliais doucement l’absence de mon Ă©poux. Comme les livres en langue française Ă©tait rares, je me mis avec son aide Ă  lire la littĂ©rature anglaise, tentais mĂȘme la traduction de poĂšmes. La musique aussi occupait les longues soirĂ©es de solitude Ă  deux. J’aimais chanter les airs d’Hippolyte et Aricie de Rameau en pensant Ă  mon pĂšre qui les aimait tant. Je chantais aussi Cet asile aimable et tranquille » de l’OrphĂ©e de GlĂŒck, l’air de la NaĂŻade d’Armide si souvent qu’il me surnommait Armide en riant. J’avais appris l’air de Ô Richard ! Ô mon Roi » de GrĂ©try et des mĂ©lodies de Haydn, par exemple A l’amitiĂ© », des airs de Mozart ou de Haendel Sur ses brebis aimĂ©es » dans le Messie. Vintimille m’écoutait d’un air pĂ©nĂ©trĂ© et mystĂ©rieux. Le dĂ©cor qui nous entourait, si simple, si rustique, sa douce prĂ©sence qui me devenait nĂ©cessaire, tout m’invitait au repos. J’oubliais la France et ses problĂšmes. Pourtant, l’homme prĂ©sent Ă  mes cĂŽtĂ©s, de plus en plus proche, n’était pas celui que je voulais. J’écrivais chaque jour des lettres tendres relatant chaque instant de mon Ă©trange existence, implorant le retour de celui que j’aimais follement, le mot n’est pas exagĂ©rĂ©. L’automne s’avançait, la course du soleil devenait de plus en plus brĂšve. Le froid humide s’installait. Des brouillards confondaient tout. Les soirĂ©es, les nuits Ă©taient de plus en plus longues. Je pressais mon mari de me rappeler prĂšs de lui, posais des questions Ă  mon compagnon qui Ă©ludait distraitement, ne blĂąmant ni n’excusant l’absent. Cependant son amitiĂ© se faisait de plus en plus pressante. Un soir, il posa sa main sur la mienne, son regard avait changĂ©, une Ă©motion intense s’emparait de nous. Un grand dĂ©sir nous poussait l’un vers l’autre. J’allais m’abandonner quand je ne sais quel scrupule me retint tout Ă  coup. Mon corps s’éloigna lĂ©gĂšrement du sien. -Allons, laisse-toi aller ! -Non, non ! Charles
 -Charles ? Mais il est d’accord ! -D’accord ? RĂ©pĂ©tai-je sans comprendre. -Mais oui, c’était convenu entre nous. -Convenu entre vous ? Mais quoi ? Croyant Ă  une manƓuvre improvisĂ©e pour me sĂ©duire, je ne saisissais pas le sens de ces paroles. Mais il expliquait, donnait des dĂ©tails, ignorait ma souffrance. -Charles aime une autre femme[68], il voulait t’éloigner pour se dĂ©barrasser de toi
 Je me suis proposé Pour te distraire ! Mais moi, je t’aime maintenant ! Ces paroles cruelles avaient du mal Ă  pĂ©nĂ©trer mon esprit. Je le regardai, immobile et muette. Mais lui, insistait, pressĂ© de quitter ce fardeau, Ă  peine gĂȘnĂ©. - Tu es si jolie, si fraĂźche, si aimable. Ce n’était pas du dĂ©vouement. Je crois mĂȘme que je t’ai aimĂ©e dĂ©s que je t’ai vue. Tu te rappelles ce bal ? -Ton mari, expliquait-il, me rĂ©pĂ©tait Le plus beau jour de ma vie sera celui oĂč je serai dĂ©barrassĂ© de son encombrant amour et de ses dolĂ©ances. Chaque mot maintenant pĂ©nĂ©trait en moi comme autant de flĂšches empoisonnĂ©es. Une souffrance atroce envahissait ma poitrine, plus douloureuse que toutes celles que j’avais pu connaĂźtre jusque lĂ . Mon cƓur battait ; j’allais dĂ©faillir. Mais lui, se mĂ©prenait sur mon absence de rĂ©action. Plein de fatuitĂ©, inconscient des ravages qu’il opĂ©rait en moi, il continuait -Prendre une maĂźtresse, c’est banal. Qui est bon mari ? Le MarĂ©chal de Beauvau, peut-ĂȘtre, et encore parce que la MarĂ©chale monte continuellement la garde ! Ton mari fait comme tout le monde ! Portrait prĂ©sumĂ© de Mademoiselle Rosalie GĂ©rard dite "La DuthĂ©" par Jean Baptiste Houin J’étais pĂ©trifiĂ©e. Devant mon silence, il ajoutait. C’est la DuthĂ©, tu sais, la comĂ©dienne qui Ă©tait au comte d’Artois lorsque nous Ă©tions encore en France. Je balbutiais enfin Par pitiĂ© taisez-vous, c’est impossible. » -Mais si, poursuivit ce dĂ©mon, et je vais te le prouver. Il s’absenta quelques instants et revint avec une cassette fermĂ©e Ă  clĂ© qu’il ouvrit avec un vague sourire. Des lettres, l’écriture de Charles, que je reconnus aussitĂŽt. Il demandait des nouvelles des progrĂšs que son ami faisait dans mon pauvre cƓur. Impossible de douter. L’absence n’est pas le pire des maux, c’est la trahison dĂ©libĂ©rĂ©e, organisĂ©e. J’étais en train de l’expĂ©rimenter. Ces deux-lĂ  s’étaient moquĂ©s sciemment de moi, prĂ©mĂ©ditant un stratagĂšme oĂč j’étais seulement une proie Ă  saisir. La chasse avait durĂ© tout l’automne. L’hallali sonnait. J’étais vaincue mais pas comme ils l’avaient envisagĂ©. Les infĂąmes ! J’éprouvais une indicible colĂšre. Je mĂ©prisais de toute mon Ăąme ces deux hommes qui s’étaient moquĂ© de moi. Pour eux, je n’avais Ă©tĂ© qu’un jouet qu’on pouvait se prĂȘter entre amis pour se rendre service. Longtemps, je demeurais dans une stupeur profonde qui nĂ©cessita les soins d’un mĂ©decin appelĂ© prĂ©cipitamment par celui-lĂ  mĂȘme qui venait de me poignarder avec tant d’inconscience et d’égoĂŻsme. Aujourd’hui, alors que tant d’annĂ©es ont passĂ©, j’ai pardonnĂ© Ă  ces deux hommes qui ont payĂ© leur conduite indigne. Ils Ă©taient jeunes, livrĂ©s Ă  leurs caprices, sans morale parce qu’ils avaient Ă©tĂ© mal Ă©levĂ©s dans une sociĂ©tĂ© oĂč tout leur Ă©tait permis. Mais ce jour-lĂ , lorsque je repris mes esprits, j’eus horreur de ma situation et honte de moi-mĂȘme. Je pris mon enfant dans mes bras et m’enfuis sur la route de Yarmouth, n’ayant qu’un dĂ©sir, chercher un asile dans les bras de ma mĂšre. Mon Ă©poux Ă©tait dĂ©barrassĂ© de moi – dĂ©finitivement - Du moins, je le croyais alors. Nous marchions depuis assez longtemps. L’innocente enfant que je tenais serrĂ©e dans mon chĂąle ne comprenait pas et pleurait sans cesse. Vintimille me rattrapa. DĂ©semparĂ©e, Ă©puisĂ©e, je le suivis. Il n’était pas dans un meilleur Ă©tat que moi. Il implora mon pardon, plaida sa cause avec tant de chaleur que je lui permis de me raccompagner en France. Mais j’étais encore pleine de rancƓur et ne parvins pas Ă  chasser un dĂ©sespoir sans bornes, peut-ĂȘtre mĂȘme disproportionnĂ© Ă  mon malheur. Pauvre Vintimille ! Bien plus tard, au dĂ©but de l’Empire, en 1806, inconsolable, dĂ©sespĂ©rĂ© lui aussi, lassĂ© de ma froideur et de mes mauvais traitements, il s’éloigna dĂ©finitivement et mourut loin de son pays. Dans mes cauchemars, je le vois sur une plage en Italie, il fixe un point Ă  l’infini et marche dans la mer, marche sans se retourner, marche encore. L’eau l’enveloppe, il n’y a plus rien derriĂšre, plus rien devant que l’eau glauque et salĂ©e. Je pousse un hurlement. Il faut le retenir, j’ai pardonnĂ© ! ExĂ©cution du Roi, arrestations, fuite, la Terreur en France De notre voyage de retour en France, je ne garde aucun souvenir. Vintimille, Ă  l’arrivĂ©e eut le courage de tout avouer Ă  mes parents. Sans l’excuser, ils comprirent mieux que moi, ayant davantage l’expĂ©rience du monde et de ses malheureuses intrigues. Ils avaient observĂ© la frivolitĂ©, l’immoralitĂ© de la fin du rĂšgne prĂ©cĂ©dent. Ils tentĂšrent de me raisonner, de me consoler mais je ne pouvais surmonter cette douleur mĂȘlĂ©e Ă  une espĂšce de dĂ©goĂ»t de moi-mĂȘme. L'exĂ©cution de Louis XVI D’ailleurs en ce dĂ©but d’annĂ©e 1793, d’autres Ă©vĂ©nements autrement dramatiques, autrement exceptionnels que ma dĂ©ception » retenaient l’attention de tous. Notre malheureux Roi fut guillotinĂ© le 21 janvier. Pour nous, c’était un crime mĂȘme pas envisageable. J’avais lu des cahiers de dolĂ©ances rĂ©digĂ©s pour les Etats gĂ©nĂ©raux. Toutes les paroisses, de la plus humble Ă  la plus illustre avaient Ă©tĂ© unanimes pour tĂ©moigner amour et respect au Roi. L’assassinat qui venait d’ĂȘtre commis au nom du peuple reprĂ©sentait-il la volontĂ© de ce peuple ? La guerre Ă©trangĂšre, le fĂ©dĂ©ralisme intĂ©rieur justifiaient-ils cet acte ? Personne n’osait publiquement poser cette question. Je m’installais Ă  MĂ©rĂ©ville. Mon oncle NoguĂ© et son fils arrivĂšrent au chĂąteau aprĂšs le dĂ©cĂšs de Jeanne Orosie[69] la sƓur aĂźnĂ©e de mon pĂšre qui l’avait soutenu lorsqu’il Ă©tait jeune garçon attachĂ© Ă  la maison de commerce de Bayonne, pauvre et mĂ©prisĂ©. Plus tard, devenue l’épouse de son ami et associĂ© NoguĂ©, elle avait assistĂ© Ă  l’ascension de notre famille et restait le seul tĂ©moin du passĂ© de mon pĂšre en BĂ©arn. Au dĂ©but de juin, ma tante de la Briche accompagnĂ©e de sa mĂšre ĂągĂ©e de soixante-quatorze ans, de Caroline sa fille de onze ans vinrent une nouvelle fois se rĂ©fugier Ă  MĂ©rĂ©ville avec leurs domestiques. La petite Euphrasie, fille de notre malheureuse Pauline dĂ©cĂ©dĂ©e au Mont Dore l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente mourait Ă  son tour. Terrible Ă©preuve pour ma mĂšre lorsqu’il fallut ensevelir le petit corps, terrible Ă©preuve pour mon pĂšre et notre oncle lorsqu’ils se rendirent au matin du 16 juin Ă  la maison commune faire la dĂ©claration de dĂ©cĂšs d’une petite fille adoptĂ©e par son aĂŻeul maternel, en l’absence de son pĂšre ». PĂ©russe des Cars, le pĂšre de la petite avait Ă©migrĂ© Ă  Londres lui aussi, mais cela ne s’avouait pas. Quelques jours avant, sans souci de l’angoisse de la famille rĂ©unie au chevet de l’enfant agonisante, il avait fallu procĂ©der Ă  l’inventaire du chĂąteau et des biens du citoyen de Laborde », s’en remettre Ă  l’attachement du curĂ© Delanoue pourtant prĂȘtre jureur, bientĂŽt mariĂ©, bientĂŽt dĂ©froquĂ© lequel voulut bien tĂ©moigner avec chaleur du civisme des MĂ©rĂ©villois et de son ci-devant seigneur ». Enfin, le 17 septembre, avec la loi des suspects, mes parents s’inquiĂ©tĂšrent vraiment. MalgrĂ© sa confiance affichĂ©e en ses relations, en son argent, en son innocence, mon pĂšre, d’abord peu conscient des menaces qui pesaient sur lui tant la vie Ă©tait demeurĂ©e tranquille Ă  MĂ©rĂ©ville, cĂ©da enfin aux instances de ma mĂšre et se prĂ©para Ă  partir. Une dĂ©nonciation datĂ©e du 22 fĂ©vrier 1793 venue de Chessy-en-Brie oĂč on ne le connaissait pas, bien qu’il y fĂ»t propriĂ©taire, avait attirĂ© l’attention du ComitĂ© de SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale. N’étant pas prĂ©sent dans cette commune, il fut dĂ©clarĂ© suspect d’émigration. Un mandat d’arrestation fut lancĂ© contre lui. HĂ©ron, l’agent de Robespierre s’empressa de faire arrĂȘter les personnes suspectes d’ĂȘtre dĂ©favorables au rĂ©gime nouveau ou Suspectes d’émigration[70]». Comment pouvait-on l’arrĂȘter ? Il n’avait pas Ă©migrĂ© puisqu’il Ă©tait Ă  MĂ©rĂ©ville ! En fait, il avait dĂ©cidĂ© de partir de Paris, seul avec son fidĂšle Valliot. En chemin, il commit l’impardonnable erreur de vouloir passer par MĂ©rĂ©ville pour nous embrasser une derniĂšre fois. Mais Louis HĂ©ron le principal agent du ComitĂ© de SĂ»retĂ© GĂ©nĂ©rale, chargĂ© de rabattre du gibier pour la guillotine » le suivait et le 7 novembre, l’arrĂȘta et le fit incarcĂ©rer au Palais du Luxembourg transformĂ© en prison. Au milieu d’autres malheureux inconnus, il y trouva le PrĂ©sident NicolaĂŻ, le duc de LĂ©vis, le marquis de Fleury, le comte de Mirepoix ainsi que le vieux, trĂšs vieux marĂ©chal, il avait presque quatre-vingts ans et la marĂ©chale de Mouchy, grands-parents de mon Ă©poux. Aucun[71] ne reviendra de cet enfer. Fouquier-Tinville se chargeait de fabriquer un acte d’accusation, aucune preuve n’étant nĂ©cessaire pour condamner un homme Ă  mort sous le rĂ©gime pur et dur de Robespierre, Saint-Just et Couthon. Pendant ces sinistres Ă©vĂ©nements, personne ne s’inquiĂ©tait de Valliot qui attendait son maĂźtre Ă  Sancheville et le suivit bientĂŽt en prison, non sans rĂ©sistances, ce quaient-ils avec nostalgie les bienfaits qu’ils avaient reçus d’un homme exigeant certes mais juste et gĂ©nĂ©reux ? AffolĂ©e, ma mĂšre se prĂ©cipita Ă  Angerville, chef-lieu du canton et obtint de ses habitants une courageuse pĂ©tition dans laquelle ils s’élevaient contre cette dĂ©cision, Ă©numĂ©rant les qualitĂ©s et les innombrables bienfaits de Monsieur de Laborde. Soixante-dix-huit signatures suivaient. Vingt-trois citoyens portĂšrent eux-mĂȘmes la supplique au ComitĂ© de SĂ»retĂ©. C’était un exploit courageux, presque hĂ©roĂŻque en ces temps de terreur. Mais hĂ©las, cela ne fit qu’augmenter la dĂ©termination du Tribunal. Pendant les cinq mois qui suivirent, ma mĂšre remua ciel et terre mais en vain pour obtenir sa libĂ©ration ou son Ă©largissement. Nous Ă©tions revenues Ă  Paris. Mes propres affaires Ă©taient menacĂ©es. Epouse d’un Ă©migrĂ©, je devenais suspecte et mes biens seraient confisquĂ©s dĂ©s que le comitĂ© de sĂ»retĂ© s’intĂ©resserait Ă  moi. La seule solution Ă©tait de divorcer. Acte facile Ă  obtenir mais il fallait rĂ©unir un conseil de famille car l’un des conjoints Ă©tait absent. Le 4 dĂ©cembre 1793, la comtesse Natalie de Noailles redevenait Ă  MĂ©rĂ©ville, par une simple dĂ©claration Ă©crite sur le registre d’état civil[72], Natalie Delaborde, citoyenne. François, mon frĂšre, notre ex-dĂ©putĂ© se cachait dans Paris, lui aussi devenu suspect. Ma mĂšre et moi le croyions en sĂ©curitĂ©. Mais rĂ©duit Ă  l’inaction, impatient, trĂ©pignant, notre ex-dĂ©putĂ© constitutionnel avait d’abord obtenu de MĂ©rĂ©ville un passeport pour aller Ă  Paris s’occuper de ses affaires ». En mars, lorsqu’il fit une demande Ă  la section du Mont Blanc oĂč il demeurait pour aller aux ports de mer armer un navire pour la RĂ©publique », la RĂ©publique, prĂ©jugeant de ses rĂ©elles intentions, lança un mandat contre lui. Il Ă©tait devenu aussi difficile de sortir de France que d’y rester. DĂ©s lors, traquĂ©, il rĂ©ussit un premier temps Ă  se cacher dans Paris mais dĂ©noncĂ©, il se laissa surprendre et fut incarcĂ©rĂ©[73] Ă  la Mairie et mis au secret. MalgrĂ© ses demandes prĂ©cises, rĂ©pĂ©tĂ©es, il ne rĂ©ussit pas Ă  communiquer avec l’extĂ©rieur pendant plusieurs semaines. Sans ressources, couvert de vermine, malade, il obtint d’ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă  l’Hospice de l’EvĂȘchĂ© pour y ĂȘtre soignĂ©. AprĂšs quatre mois de dĂ©tention, il en sortit, dĂ©claré  DĂ©cĂ©dĂ© ! DĂ©clarĂ© seulement. Un billet signĂ© d’une Ă©criture illisible par une main charitable ou intĂ©ressĂ©e avertissait le citoyen Fouquier, accusateur public que François Delaborde Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© la veille, le 14 ventĂŽse an II, Ă  l’Hospice. Cet incroyable subterfuge lui avait sauvĂ© la vie. Il Ă©chappait ainsi aux poursuites ultĂ©rieures mais n’avait plus d’identitĂ©. C’est alors qu’au prix de mille difficultĂ©s, il gagna Londres, vivant mais en trĂšs mauvaise santĂ©[74]. Un soir, un messager mystĂ©rieux nous donna de ses nouvelles, enfin ! C’était une lueur dans le ciel au milieu d’un ocĂ©an furieux. Notre pĂšre, lui, n’échappa pas Ă  la foudre rĂ©volutionnaire.[75] Jusqu’à la fin, nous avons gardĂ© l’espoir de le voir revenir parmi nous. Je me souviens qu’un soir, on l’avait tirĂ© de sa prison pour procĂ©der Ă  la levĂ©e des scellĂ©s afin de sortir des papiers suspects pour les examiner. C’était Ă  la fin du mois de dĂ©cembre 1793 -NivĂŽse- disait-on alors. Pour nous, c’était la veille de la nativitĂ©. Ma tante de la Briche, Caroline ainsi que ma cousine de Fezensac Ă©taient toujours avec nous Ă  Paris. PĂšre allait revenir ! On avait bien dit Ă  ma mĂšre que c’était une permission de courte durĂ©e mais je m’étais mise Ă  espĂ©rer, Ă  me convaincre mĂȘme qu’il s’agissait d’un Ă©largissement dĂ©guisĂ© et qu’il nous revenait enfin. Il arriva Ă  minuit, escortĂ© de deux farouches sans-culottes Ă  bonnet rouge, passablement Ă©mĂ©chĂ©s. Nous nous prĂ©cipitĂąmes dans ses bras, fondant en larmes. Il nous parla tranquillement, exprimant son amour pour nous d’une façon simple et poignante, fit quelques recommandations si ordinaires que je suis sĂ»re maintenant qu’il savait que le dĂ©nouement Ă©tait proche. -Citoyennes ! dit l’un des gardes, on t’a ramenĂ© ton mari ce soir mais demain, quand il aura signĂ© tous les papiers, on le reconduira au gĂźte ! Ils mangĂšrent et burent Ă  perdre la raison, nous abreuvant de propos atroces et brutaux. Une longue veille commença pour nous. Ce fut la derniĂšre fois que nous le vĂźmes parmi nous. Il fut reconduit Ă  la Maison de santĂ© [76] oĂč son grand Ăąge, sa mauvaise santĂ© et surtout l’argent dĂ©versĂ© par ma mĂšre lui avaient permis de demeurer provisoirement. C’est cela qui nous avait permis d’espĂ©rer. La prison du Luxembourg pendant la Terreur BientĂŽt, il fut transfĂ©rĂ© au Luxembourg. Aussi, lorsque j’appris qu’il avait Ă©tĂ© jugĂ© et condamnĂ©, cette affreuse nouvelle me jeta dans un dĂ©sespoir terrible. Hurlant ma douleur, n’ayant qu’un seul dĂ©sir, je voulais disparaĂźtre de cette terre injuste et mauvaise qui me privait des ĂȘtres que j’aimais le plus. J’ouvris une fenĂȘtre pour me prĂ©cipiter dans le nĂ©ant. Une servante me retint. Plus tard, sans penser Ă  l’angoisse de MĂšre, Ă©chappant Ă  toute surveillance, je rĂ©ussis Ă  sortir. Mue par je ne sais quelle force obscure et incontrĂŽlable, comme une folle, j’errais toute la nuit dans Paris sans savoir ni oĂč j’étais, ni oĂč j’allais. J’échappais Ă  la garde par miracle. Je me souviens d’un homme, un vagabond dĂ©braillĂ© qui dormait au pied du socle vide de la statue d’Henri IV, qu’on avait renversĂ©e et brisĂ©e, de quelques ivrognes qui chantaient Ă  tue-tĂȘte, Ă©chappant ainsi Ă  l’angoisse qui Ă©treignait la ville entiĂšre. Des ombres me frĂŽlaient, anonymes et tout aussi effrayĂ©es que moi. Des coups de crosse Ă©branlaient le portail d’une maison Ouvrez ! Ouvrez ! Au nom de la loi, ouvrez ou nous enfonçons la porte, hurlaient des voix furieuses. Me glissant le long des murs sans oser jeter un regard autour de moi, j’avançais. J’arrivais Ă  la Seine. Un silence morne pesait le long du fleuve. Je me heurtais Ă  des vendeurs sordides qui, pendant le jour, Ă©coulaient[77]Ă  la sauvette les restes des aristocrates et des Ă©migrĂ©s ». Ils n’avaient pas rangĂ© les Ă©talages disparates faits d’objets prĂ©cieux, de portraits miniatures, d’étoffes, de bijoux mĂȘme, tabatiĂšre d’or, boites de laque, vases rares mĂȘlĂ©s Ă  des ustensiles de cuisine. Ils dormaient lĂ  Ă  mĂȘme le sol, affalĂ©s au milieu de leur butin volĂ©. Au niveau de la pompe de la Samaritaine, une lampe quinquet Ă©clairait l’affiche donnant la liste des conspirateurs qui avaient gagnĂ©, ce jour, 29 germinal an II de la RĂ©publique, la Sainte Guillotine ». Elle contenait le nom de celui que je chĂ©rissais le plus au monde, au milieu de dix-sept malheureux qui avaient subi le supplice[78] dans la mĂȘme charrette ou, comme ils disaient, la mĂȘme fournĂ©e. C’étaient des relations proches, parents, amis de notre famille. Je les connaissais tous Jeanne-Marie NoguĂ© 36 ans ma cousine et son Ă©poux, Charlotte le Pelletier 21 ans, sa mĂšre, son grand-pĂšre 72 ans, prĂ©sident du Parlement de Paris. Il y avait aussi trois gĂ©nĂ©rations de Hariague avec leurs domestiques. Parmi les dix-sept victimes, quatre femmes jugĂ©es incapables par la constitution de devenir des citoyennes mais capables de nourrir la haine de Fouquier, deux vieillards de plus de soixante-dix ans, des Ă©poux sacrifiĂ©s sur le mĂȘme autel le mĂȘme jour. Les charrettes de la Terreur - Lavisse, cours Ă©lĂ©mentaire IncrĂ©dule, je ne pouvais dĂ©tacher mes yeux de cette liste douloureuse. J’étais Ă©trangement lucide tout Ă  coup. Chaque jour ainsi, la gazette apprenait aux parents de la victime le supplice de l’ĂȘtre aimĂ© tellement le temps Ă©tait court entre le jugement et l’exĂ©cution. On se jetait sur les journaux, ceux que le greffe prenait soin de faire circuler et ceux que fournissait la vĂ©nalitĂ© des porte-clefs. L’avant-veille, ma mĂšre avait rĂ©ussi Ă  faire passer Ă  la Conciergerie[79], un petit billet exhortant mon pĂšre au courage, l’assurant de son amour indestructible. Elle projetait mĂȘme un enlĂšvement qu’elle ne put mettre Ă  exĂ©cution. Fouquier avait reçu une nouvelle pĂ©tition de fidĂšles citoyens d’Angerville. C’est pourquoi, craignant des manifestations contre un jugement qu’il savait inique, il avait fait renforcer la garde. Nous ne le sĂ»mes que plus tard. Mai je me souviens qu’en ce beau printemps naissant, ma mĂšre croyait encore qu’on ne pouvait le condamner puisque aux yeux d’une vraie justice, il Ă©tait innocent. Sans m’en rendre compte, j’avais quittĂ© ce coin de rue. Mes pas m’avaient conduite prĂšs du Luxembourg[80] oĂč pendant les premiers mois de sa dĂ©tention, nous allions errer, simplement pour nous rapprocher du lieu oĂč mon pauvre pĂšre souffrait dignement ainsi que l’a rapportĂ© Madame de Tourzel, la compagne de geĂŽle du vieux, trĂšs vieux couple Mouchy, les grands parents de mon mari qui furent aussi guillotinĂ©s. Aux fenĂȘtres grillĂ©es, de lourds barreaux de fer ; nulle lumiĂšre, nul bruit. Des palissades interdisaient l’approche. Des sentinelles montaient la garde tout autour. Stupidement, puisqu’il n’était plus lĂ , je m’accroupis au pied d’un tilleul indiffĂ©rent Ă  ma douleur et qui dĂ©ployait ses premiĂšres feuilles et j’attendis les yeux grands ouverts, dans l’obscuritĂ©, un miracle qui ne pouvait s’accomplir. Je ne sentais pas la fraĂźcheur ni l’humiditĂ© de la nuit. Je m’endormis peut-ĂȘtre. Lorsque je m’éveillais, les membres paralysĂ©s par le froid du petit matin, cherchant Ă  comprendre oĂč j’étais, une patrouille passait. L’esprit me revint. - Mon Dieu, maman ! Pensais-je. On allait peut-ĂȘtre me ramasser. Mon cƓur battait Ă  tout rompre mais je ne pouvais me lever. J’attendis que le jour parĂ»t. Dans l’aube grise, l’étau qui me serrait m’étreignit encore plus. Je n’osais plus respirer. Et subitement, sans rĂ©flĂ©chir, je me mis Ă  courir, Ă  courir vers notre demeure. Comment ai-je pu ainsi parcourir toute cette distance jusqu’à la rue Cerruti ? Hors d’haleine, hagarde, Ă©puisĂ©e, j’atterris sur le seuil de l’immeuble. Quelqu’un pendant ma fuite avait bien criĂ© HolĂ  ! Citoyenne ! OĂč cours-tu ? » Je continuais ma course. Personne n’aurait pu m’arrĂȘter. La porte s’ouvrit d’elle-mĂȘme. Ma mĂšre me reçut dans ses bras. Plusieurs heures aprĂšs, j’étais encore dans le mĂȘme Ă©tat de confusion. Nos Ă©preuves n’étaient pas terminĂ©es. Loin d’ĂȘtre apaisĂ© par le sacrifice expiatoire qu’il venait de commettre, le ComitĂ© rĂ©volutionnaire de la section Mont-Blanc continua Ă  s’acharner contre nous. Depuis le mois de novembre 1793, la maison de banque, les bureaux, les appartements privĂ©s, les salons de rĂ©ception de notre hĂŽtel avaient Ă©tĂ© longuement, minutieusement fouillĂ©s puis inventoriĂ©s, mis sous scellĂ©s. Des objets prĂ©cieux, des archives avaient Ă©tĂ© enlevĂ©s pour contrĂŽle », mis sous la garde de la Nation ». Il en allait de mĂȘme Ă  MĂ©rĂ©ville oĂč le chĂąteau, le parc, les fabriques Ă©taient scellĂ©s, sous la garde d’hommes sĂ»rs » choisis par le district rĂ©volutionnaire mais qui ne pouvaient empĂȘcher vols et destructions en attendant la vente aux enchĂšres comme biens nationaux d’émigrĂ©s ou de condamnĂ©s. Rien ne nous appartenait plus. Bien heureuses encore de n’avoir pas Ă©tĂ© chassĂ©es de nos propres chambres. Nous Ă©voquions le sort d’enfants d’émigrĂ©s condamnĂ©s placĂ©s sous la garde de domestiques dĂ©vouĂ©s et dĂ©semparĂ©s. Les petites Vintimille, les enfants BĂ©ranger Ă©taient particuliĂšrement Ă  plaindre, errant avec leur bonne de la province Ă  Paris, relĂ©guĂ©es dans les piĂšces mansardĂ©es, sans feu, sans commoditĂ©s, au dernier Ă©tage de leur hĂŽtel particulier confisquĂ© et abandonnĂ©. Ma petite LĂ©ontine Ă©tait Ă  la campagne, sans identitĂ© mais en sĂ©curitĂ© aux soins d’une domestique dĂ©vouĂ©e et sĂ»re. Pour moi, c’était Ă  la fois un rĂ©confort et un crĂšve-cƓur. J’avais tant rĂȘvĂ© d’une belle famille unie ! Le dĂ©cret du 16 avril qui proscrit hors de Paris les ex-nobles et leur ordonnait d’en sortir dans un dĂ©lai de huit jours aggravait encore notre situation. Il fallait se faire recenser Ă  la section, obtenir un passeport, dĂ©clarer le nouveau lieu de rĂ©sidence. OĂč aller ? Le district d’Étampes nous fit savoir que faute de pouvoir occuper le chĂąteau mis sous scellĂ©s, nous pourrions nous installer dans une maison du village dont ma mĂšre Ă©tait propriĂ©taire. Cette maison avait Ă©tĂ© rĂ©cemment occupĂ©e par Delanoue, le ci-devant curĂ© mariĂ© qui s’installait Ă  Étampes. C’était encore un geste gĂ©nĂ©reux et courageux de la part de la municipalitĂ© car, en ces temps de terreur, le moindre geste d’humanitĂ© Ă  l’égard des ci-devant aristocrates Ă©tait considĂ©rĂ© comme une trahison. Mais ce beau geste fut inutile. Quelques jours plus tard, le comitĂ© de la section Mont Blanc qui, dĂ©cidĂ©ment nous poursuivait de sa haine, nous fit savoir que nous Ă©tions assignĂ©es Ă  rĂ©sidence Ă  notre domicile, sous la garde de deux sans-culottes inflexibles parce qu’ils avaient eux-mĂȘmes peur pour leur propre vie. -Qu’avions-nous fait ? Pourquoi s’acharnait-on contre deux femmes isolĂ©es et dĂ©munies de tout ? Les domestiques furent interrogĂ©s durement. Le commis, Joseph Cartron, le caissier de la banque, Jacquemart, l’intendant Levasseur furent particuliĂšrement visĂ©s, coupables d’avoir servi leur maĂźtre fidĂšlement pendant dix ou vingt ans. Levasseur fut incarcĂ©rĂ©. Seul, Baudoux, le cocher mariĂ© depuis peu Ă  Marie-Anne Jacob la garde-malade de la petite Euphrasie qui faisait partie du ComitĂ© Guillaume Tell ne fut pas inquiĂ©tĂ©. BientĂŽt des hommes dĂ»ment munis d’ordre reprirent les recherches. Ils n’avaient rien trouvĂ© dans les caisses de la banque et interrogĂšrent de nouveau Cartron et Jacquemart sur les comptes de mon pĂšre, ceux de François et ceux de mon mari qui avait aussi ses papiers Ă  la maison. Cartron rĂ©pondit que Laborde Ă©tait assez fin pour ne pas faire connaĂźtre ses affaires Ă  un commis. Mais cela ne le mettait pas Ă  l’abri. Il Ă©tait coupable d’avoir Ă©tĂ© le commis d’un condamnĂ©. N’ayant rien trouvĂ© Ă  la maison, ils fouillĂšrent le jardin. ArmĂ©s de pelles, de pioches, des terrassiers fouillĂšrent et refouillĂšrent les plates-bandes, dĂ©vastant tout le bel ordonnancement. Aucun trĂ©sor dans des cassettes imaginaires, pas d’argenterie. Tout avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© enlevĂ©. Pestant, jurant, ils enlevĂšrent les figures antiques, les bas-reliefs Ă©gyptiens et les statues grecques qui ornaient ce jardin et les expĂ©diĂšrent au musĂ©e des arts. Impuissantes, nous assistions Ă  ce carnage. PrisonniĂšre dans ma propre demeure, j’éclatais, voulant sortir Ă  tout prix de lĂ  avant qu’il ne soit trop tard. - Comment sortir ? - Pour aller oĂč ? rĂ©pondait ma mĂšre dĂ©couragĂ©e. Paris, la France entiĂšre Ă©tait devenue une vaste prison oĂč pour franchir la moindre lieue, sortir ou entrer dans un village, croiser un inconnu, on devait montrer son passeport ou un certificat de civisme et justifier de sa situation sous peine d’ĂȘtre considĂ©rĂ© comme suspect et conduit en maison de sĂ»retĂ©. Suspect », terrible mot qui ouvrait la voie Ă  toutes les dĂ©lations et permettait tous les abus. Personne ne pouvait plus nous aider. Tous ceux qui auraient pu le faire avaient fui ou Ă©migrĂ©. Ceux qui Ă©taient encore lĂ  Ă©taient espionnĂ©s, cachĂ©s, terrĂ©s ou pire emprisonnĂ©s. Les autres, dĂ©jĂ  guillotinĂ©s. Pourquoi n’étais-je pas Ă  Londres, comme mon mari qui y gaspillait l’argent de ma dot quand nous Ă©tions seules en si grand danger ? Je lui en voulais terriblement de m’avoir abandonnĂ©e. Je haĂŻssais ces seigneurs qui se pavanaient Ă  l’étranger aprĂšs avoir par leur incurie Ă©tĂ© vaincus par ceux-lĂ  mĂȘme qu’ils mĂ©prisaient. C’était sĂ»r, j’allais mourir ici et je n’étais pas la seule Ă©pouse dĂ©laissĂ©e par des maris volages et lĂ©gers. Mais si je survivais, et je voulais de toutes mes forces vivre, j’allais faire ce qu’aucune autre n’avait osĂ© faire. J’allais, j’allais
Mais je ne savais pas encore ce que j’allais faire. Je ne savais mĂȘme pas si je sortirais d’ici et c’était insupportable. J’en voulais aussi Ă  François et tous ces idĂ©alistes qui nous avaient fait croire en un avenir plus juste, bĂąti sur le mĂ©rite, la fraternitĂ© et la libertĂ©. Quelle culpabilitĂ©, quel dĂ©sespoir devait accabler mon frĂšre devant le dĂ©sastre de notre situation ! En attendant, ne pouvant trouver le repos, je tournais dans ma chambre comme un animal en cage. Nous n’étions pas encore arrivĂ©es au bout de nos peines. En prison, J’attends chaque jour mon dernier jour. Vestiges de la "Petite Force" Le 26 avril 1794, par un jour splendide oĂč le printemps se manifeste dans toute sa lumiĂšre et son espĂ©rance, nous fĂ»mes toutes deux brutalement conduites Ă  La Petite Force[81], une prison obscure qui ignorait le printemps. Par arrĂȘtĂ© du comitĂ© de sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale, les citoyens Wescaut et Faure nous escortĂšrent. J’avais dix-neuf ans et j’entrais lĂ  comme au tombeau. -Courage ! RĂ©pĂ©tait ma mĂšre qui, morne et impassible depuis l’exĂ©cution de son Ă©poux, tentait de me rassurer. -Nous sommes innocentes, ce n’est l’affaire que de quelques jours, aie confiance ! -Et lui, pĂšre, de quoi Ă©tait-il coupable ? Clamais-je, lui, qui avait Ă©tĂ© juste, dur pour lui-mĂȘme, bon envers les plus dĂ©munis, lui qui avait accueilli les premiĂšres rĂ©formes et avait encouragĂ© son fils aĂźnĂ© Ă  les mettre en Ɠuvre. Il se sentait si innocent qu’il n’avait pas pris la peine d’émigrer, surveillant la rĂ©paration des murs de son parc, veillant Ă  la construction de la grande tour qui se dressait sur le plateau au milieu du Petit Parc. Pourtant tous l’incitaient Ă  prendre des prĂ©cautions. ForcĂ© de rĂ©duire ses activitĂ©s commerciales surtout depuis la guerre contre l’Autriche, la Prusse, l’Espagne et l’Angleterre, il se contentait d’enregistrer les affaires courantes. En dehors de l’activitĂ© de guerre, la France n’avait plus d’autres activitĂ©s Ă©conomiques. Les petits commerces, les artisans pĂ©riclitaient faute de travail, leur riches clients avaient Ă©migrĂ©. De quel manque de perspicacitĂ©, il avait fait preuve ! Quel aveuglement ! Ou bien avait-il compris dĂ©s le dĂ©but que la fin Ă©tait inĂ©luctable ? Notre arrivĂ©e Ă  La Petite Force, dans cette prison de sinistre et ancienne rĂ©putation, avait dĂ©rangĂ© le guichetier et ses acolytes au milieu d’une partie de cartes. On nous reçut mal -Deux de plus pour la guillotine ! Cria l’un d’eux en ricanant. Il fallut subir l’insolence des administrateurs de police, la remise des objets personnels. Les gardiens firent l’inventaire de notre petit bagage, se rĂ©pandirent en sarcasmes sur notre linge personnel, trop fin Ă  leur goĂ»t. Le plus infĂąme fut la sĂ©ance dite de rapiotage », une fouille minutieuse effectuĂ©e de la façon la plus insolente par des hommes Ă©nervĂ©s par la convoitise d’une jeune femme, contrainte Ă  se dĂ©pouiller de ses effets les plus intimes. Rien ne rĂ©jouit plus ces coquins que le spectacle lamentable d’une crĂ©ature infortunĂ©e aux prises avec lacets et agrafes qu’elle n’a pas coutume de dĂ©faire sans l’assistance de sa femme de chambre. Les yeux baissĂ©s, en larmes, les cheveux dĂ©faits, je passais ainsi entre les mains de plusieurs gardiens dont les quolibets obscĂšnes augmentaient ma honte. Ma mĂšre fit observer au porte-clĂ©s que nous paierions honnĂȘtement celui qui nous procurerait un lit. Il nous fit alors monter dans une des salles basses du premier Ă©tage. Une odeur repoussante envahissait tout. Les murs Ă©taient couverts des inscriptions des gens passĂ©s lĂ  avant nous. Une quinzaine de femmes Ă©taient couchĂ©es ou assises sur des lits couverts de sangles trĂšs serrĂ©es. Les filles entassĂ©es lĂ  faisaient un tapage affreux, riaient aux Ă©clats, s’insultaient, se poussaient du coude, se battaient mĂȘme. Sans nous laisser le temps de nous installer ou de souffler, elles nous entourĂšrent et nous demandĂšrent de payer notre Ă©cot de bienvenue. Ma mĂšre leur distribua des piĂšces qu’elle avait pris soin de dissimuler dans l’ourlet de sa chemise. Elle les Ă©couta, les plaignit sincĂšrement, se renseigna, tĂąchant de savoir qui Ă©tait lĂ , si nous avions des connaissances Ă  l’intĂ©rieur de cette maison. Beaucoup Ă©taient des filles publiques condamnĂ©es pour vagabondage et rĂ©bellion. Leur dĂ©nuement Ă©tait extrĂȘme et pitoyable. Dans cette prison de femmes, la plus dure de Paris, on obtenait une cruche d’eau Ă  prix d’argent, le linge Ă©tait rare. Tout avait Ă©tĂ© raflĂ©, l’argent, les montres, les bijoux, les canifs, mĂȘme les fourchettes cure-dent, jusqu’aux Ă©pingles Ă  cheveux. Au rez-de-chaussĂ©e, les conditions Ă©taient encore plus dures. Les prisonniĂšres dormaient sur une paillasse posĂ©e Ă  mĂȘme le sol et devaient se protĂ©ger des rats. Trois heures de promenade chaque jour, les yeux braquĂ©s vers le ciel nous permettaient de respirer un autre air que la puanteur infecte rĂ©pandue dans toute cette maison. Pour sortir dans la grande cour il nous fallait passer par un corridor, lieu de rassemblement des gardiens, huissiers, guichetiers, anciens repris de justice qui passaient leur temps Ă  blasphĂ©mer le ciel et la terre, Ă  se goinfrer de la plus dĂ©goĂ»tante façon. Des femmes offraient leurs charmes en Ă©change de quelque prĂ©bende. Ce corridor Ă©tait Ă  la fois poste de garde et parloir. C’était aussi une cantine oĂč les gardiens se faisaient griller sur des braseros de beaux quartiers de viande qu’ils dĂ©voraient en buvant beaucoup. Au bout de ce couloir, une meute de molosses Ă©pouvantables, muselĂ©s pendant le jour, lĂąchĂ©s la nuit assurait notre surveillance. La moindre amĂ©lioration de l’ordinaire se payait d’une complaisance ignoble Ă  l’égard de ces geĂŽliers. Il fallait sans cesse subir leurs regards et leurs propos. Certaines filles savaient rĂ©pondre vertement sur le mĂȘme ton. Sorties du ruisseau, elles avaient l’habitude. Mais tout Ă©tait nouveau pour moi. Les propos orduriers, les blasphĂšmes, les vexations, les allusions dĂ©gradantes me remplissaient de honte. La ronde des porte-clĂ©s flanquĂ©s d’un des Ă©normes chiens, les appels Ă  n’importe quelle heure du jour et de la nuit, l’arrivĂ©e des charrettes vides nous tenaient sans cesse sur le qui-vive. La nourriture infecte n’était rien Ă  cĂŽtĂ© de cette promiscuitĂ© dĂ©gradante et de cette incertitude de tous les instants. Charles Louis MĂŒller, l'appel des derniĂšres victimes de la Terreur Ă  la prison Saint-Lazare en thermidor An 2 Ce tableau peint en 1848 sous la Seconde RĂ©publique est une reconstitution purement imaginaire Peu de jours aprĂšs notre incarcĂ©ration, ma mĂšre commença Ă  souffrir d’une dartre rĂ©pandue sur une grande partie de son corps et qui lui provoquait des dĂ©mangeaisons insupportables. MalgrĂ© cette grande souffrance physique, elle se montrait douce et accueillante Ă  l’égard de toutes ces misĂ©rables assemblĂ©es lĂ . Rien ne la rebutait. D’abord Ă©tonnĂ©es, rĂ©ticentes et moqueuses, elles furent Ă  la fin conquises car il Ă©manait d’elle une bienfaisante chaleur que ces pauvres femmes n’avaient jamais connue auparavant. PrivĂ©e de son cher Ă©poux, elle Ă©tait rĂ©signĂ©e au supplice qui nous attendait tandis que moi, je voulais sortir Ă  tout prix. Je fis une tentative malheureuse. Je devins la cible des gardiens qui pouvaient impunĂ©ment exercer des reprĂ©sailles. La Petite Force, contrairement aux autres prisons improvisĂ©es Ă©tait un lieu bien gardĂ©. Aucun secours Ă  attendre du dehors. Aucune nouvelle des nĂŽtres. Le dĂ©sespoir et la rĂ©volte. Recluses, nous n’étions plus seulement suspectes mais ennemies du peuple. Les pauvres filles, nos compagnes de captivitĂ© l’étaient aussi elles qui Ă©taient le peuple. Personne ne nous avait interrogĂ©es ni n’avait instruit notre procĂšs. Un jour une rumeur circula selon laquelle, on allait purger les prisons ». Le souvenir des massacres de septembre redoubla notre frayeur. La guillotine ne fournissait plus. Les bruits les plus ahurissants circulaient. Chaque pas devant la porte, chaque bruit insolite me jetait hors de moi. RecroquevillĂ©e, je tremblais sans cesse. La nuit, je me rĂ©veillais en sueur, hurlant, en proie au cauchemar qui me mettait la tĂȘte sous le couperet. La chambrĂ©e protestait violemment. Coupable de troubler le sommeil de mes compagnes, je n’osais plus m’endormir. Un autre jour, des sentinelles, des gardes empanachĂ©s, bardĂ©s de rubans tricolores s’étaient mis en effervescence dĂ©s le matin. Alerte gĂ©nĂ©rale ! Mais il ne s’agissait que d’une fouille sĂ©vĂšre ou plutĂŽt d’une rafle gĂ©nĂ©rale de tous les bijoux, Ă©pingles Ă  cheveux, montres, rubans et naturellement du peu d’argent que nous avions encore. Cette fois, nous Ă©tions complĂštement dĂ©munies La Sainte ÉgalitĂ©. Ce n’était pas encore cette fois que nous allions mourir. Une autre fois encore on apprit avec un espoir immense que des commissaires chargĂ©s d’enquĂȘter sur les prisons allaient recevoir de chacune d’entre nous, l’exposĂ© de sa propre situation. Pendant plusieurs jours, il ne fut plus question que de cela. Au milieu de cette oisivetĂ© forcĂ©e, la rĂ©daction car il fallait Ă©crire de cette adresse offrit un moment de rĂ©pit. Chacune ressassait depuis si longtemps ses arguments que l’occasion Ă©tait trop belle. Mais presque toutes Ă©taient ignorantes, ne sachant pas lire et encore moins Ă©crire. Nous passĂąmes plusieurs jours Ă  les aider. C’était une diversion. Mais j’appris beaucoup sur le sort des femmes privĂ©es de leurs enfants, sur leur abandon, leur grande soumission, leurs rĂ©voltes muettes. J’éprouvais Ă  leur Ă©gard une grande compassion et oubliais un peu mes propres maux. Je projetais d’écrire l’exposĂ© de nos malheurs dans une protestation gĂ©nĂ©rale afin de flĂ©chir nos bourreaux. Ma mĂšre me le dĂ©conseilla Face Ă  la haine et au fanatisme, l’appel Ă  la pitiĂ© est inutile. La reprĂ©sentation de nos maux est pour eux une satisfaction et l’accomplissement d’une juste vengeance ». Alors, changeant de ton, je composais une lettre pleine de dĂ©goĂ»t Ă  leur Ă©gard, appelant mĂȘme la vengeance divine sur la tĂȘte de Robespierre divine ! en ces temps d’athĂ©isme. - C’est bien, maintenant que tu as exprimĂ© ta colĂšre, dĂ©chirons cela. Il faut ĂȘtre digne. Nous n’avons rien de commun avec ces hommes. Ne leur donne pas d’emprise sur toi ! Il faut Ă©crire quelque chose de neutre, d’impersonnel. Voyons cela Elle se mit Ă  rĂ©diger Nous sommes incarcĂ©rĂ©es depuis le 7 florĂ©al. - Non, Il me semble que le nous est trop familier, trop imprĂ©cis. Il vaut mieux La citoyenne Laborde et sa fille
 Disons aussi que nous sommes restĂ©es prisonniĂšres Ă  notre domicile, qu’il s’agit de la section du Mont Blanc
des dates prĂ©cises pour qu’ils puissent vĂ©rifier. Et tout en expliquant, elle rĂ©digeait une espĂšce de procĂšs verbal dont je me rappelle chaque mot La citoyenne Laborde et sa fille ont Ă©tĂ© mises en Ă©tat d’arrestation chez elles, le 3 florĂ©al an 2 par le comitĂ© rĂ©volutionnaire de la section du Mont Blanc oĂč elles demeurent et ensuite elles ont Ă©tĂ© menĂ©es le 7 florĂ©al Ă  La Petite Force en vertu d’un arrĂȘtĂ© du comitĂ© de sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale, comme on peut le voir par l’extrait ci-joint des registres de la Petite Force. Les citoyennes Laborde ignorent les motifs de leur incarcĂ©ration. Elles n’ont rien Ă  se reprocher et attendent avec confiance la libertĂ© de la justice de la commission. Le 18 prairial an 2 de la RĂ©publique une et indivisible ». Plus tard, elle se reprochait d’avoir Ă©crit le mot confiance qui lui semblait faux et servile. Ma mĂšre Ă©tait une femme avisĂ©e. Je la laissais recopier de sa belle petite Ă©criture fine et prĂ©cise et me contentais de signer Ă  cĂŽtĂ© de son nom. La prison du Plessis ancien collĂšge, rue Saint-Jacques Nous attendĂźmes la rĂ©ponse. Le premier juillet 1794, sans explication, nous fĂ»mes transfĂ©rĂ©es Ă  la prison Du Plessis. C’était l’antichambre de la Conciergerie. Cet ancien collĂšge, rue Saint Jacques Ă©tait devenu sous le nom de Maison d’arrĂȘt de l’égalitĂ© » une des plus sinistres geĂŽles de la Terreur. On y Ă©tait enfermĂ© sur dĂ©signation spĂ©ciale de Fouquier-Tinville qui y puisait journellement les victimes qui complĂ©taient les fournĂ©es prises dans les autres maisons de Paris. Les sombres bĂątiments ressemblaient Ă  une mĂ©nagerie avec leurs ouvertures grillĂ©es derriĂšre lesquelles passaient les figures livides et velues des dĂ©tenus. A l’arrivĂ©e, on passait par la souriciĂšre, un cachot si Ă©troit qu’on ne pouvait s’y tenir debout. Je subis un nouveau rapiotage. Depuis longtemps je ne possĂ©dais plus rien. Chaque soir, on venait chercher ceux qui devaient ĂȘtre jugĂ©s le lendemain. Deux charrettes prĂ©cĂ©dĂ©es d’un messager de mort annonçaient que quarante d’entre nous n’avaient plus que quelques heures Ă  vivre. Les malheureux appelĂ©s dont les noms Ă©taient parfois Ă©corchĂ©s jusqu’à ĂȘtre incomprĂ©hensibles se prĂ©sentaient, nous disaient adieu, confiaient Ă  notre mĂ©moire leurs derniĂšres paroles pour ĂȘtre transmises Ă  leurs parents si par hasard nous survivions. Le temps passait, nous n’avions toujours pas Ă©tĂ© interrogĂ©es quand un Ă©vĂ©nement ineffable se produisit Robespierre, le tyran, venait de pĂ©rir 
Avant moi ! L’écho de l’explosion de joie dans les rues Ă©tait parvenu jusqu’à nous. Merveilleuse, dĂ©lirante nouvelle ! L’HumanitĂ© va triompher enfin. Je vais vivre ! Mais la guillotine fonctionnait toujours. Elle immolait maintenant ses pourvoyeurs de la veille et nous n’étions toujours pas libĂ©rĂ©es. Chaque jour qui passait augmentait mon inquiĂ©tude et mon impatience. Le 12 aoĂ»t 1794, jour de mes vingt ans, j’étais encore derriĂšre les barreaux. C’est justement ce jour-lĂ  que nous reçûmes la rĂ©ponse Ă  notre adresse Nous avions Ă©tĂ© soupçonnĂ©es d’intelligence avec le condamnĂ© Laborde pĂšre, ayant des parents Ă©migrĂ©s ». La municipalitĂ© de MĂ©rĂ©ville[82] envoya le 14 aoĂ»t des certificats de civisme. Nous allions ĂȘtre libĂ©rĂ©es. Alors, allongĂ©e sur mon grabat, j’osais rĂȘver. Je me laissais dĂ©licieusement glisser au fil de l’eau, ma main pendante au fil du courant. J’étais dans une barque, Ă  MĂ©rĂ©ville, sur cette petite riviĂšre aux eaux limpides et fraĂźches. Le courant de la Juine m’emportait lentement. Je serpentais au milieu du parc, passais sous le Pont des Roches, franchissais celui des Boules d’Or. BientĂŽt, j’allais aborder l’üle fleurie qui portait aussi mon nom. Plus loin, la grande cascade se prĂ©cipitait sur les cailles et les galets. Les ombrages me rafraĂźchissaient
 Dieu ! Comme il faisait chaud dans cette sinistre chambrĂ©e ! Comme les jours Ă©taient longs ! Un Ă©tĂ© perdu, celui de mes vingt ans. Depuis la chute de Robespierre, le rĂ©gime s’était un peu adouci. On nous fournissait du lait, des fruits. A l’intĂ©rieur du petit enclos, nous Ă©tions libres de circuler librement. Personne cependant ne s’intĂ©ressait plus Ă  nous. Et il y avait cinq mois que je flĂ©trissais sans air, sans propretĂ©. A nouveau, je sombrais dans le dĂ©sespoir quand on nous libĂ©ra le 9 vendĂ©miaire ou, comme je continuais Ă  compter, le 30 septembre 1794, ancien style ! Cette expĂ©rience m’avait profondĂ©ment changĂ©e. Je voulais profiter Ă  tout prix de la vie qui m’était offerte une deuxiĂšme fois. HĂ©las, par quelle aberration, j’eus tout Ă  coup le grand dĂ©sir de revoir l’homme qui m’avait si cruellement traitĂ©e, espĂ©rant contre toute raison que je saurais le sĂ©duire, qu’il m’aimerait enfin. » Natalie, victime d’elle-mĂȘme Nouveau voyage Ă  Londres, retour des Ă©migrĂ©s, retour Ă  la vie On ne se remet pas du jour au lendemain d’un tel cauchemar. Quand je fis part Ă  ma mĂšre de mon dĂ©sir de retourner Ă  Londres pour tenter une dĂ©marche prĂšs de mon mari, elle se montra comprĂ©hensive mais me mit en garde contre une trop grande prĂ©cipitation. - Regarde-toi dans un miroir ! Vois dans quel Ă©tat nous sommes toutes deux. Accorde-toi quelques jours pour refaire ta santĂ©. Il est vrai que j’avais beaucoup maigri et si ma taille Ă©tait fine, j’avais l’air d’un spectre. Nous n’étions pas les seules. Le peuple parisien souffrait de faim, de peur et d’incertitudes. Le pouvoir politique Ă©tait mal assurĂ©. Tout pouvait recommencer. Il nous fallait fuir. Nous ne savions pas oĂč aller Nos demeures parisiennes Ă©taient sous sĂ©questres, le chĂąteau de MĂ©rĂ©ville toujours mis en vente comme Bien National ». Les affiches Ă©taient publiĂ©es et la date retenue. VĂȘtements, linge, mobilier, tout Ă©tait sous scellĂ©s. Il fallait louer des chambres en ville pour se loger parfois Ă  plusieurs familles Ă  la fois. Nous n’avions plus la jouissance de nos biens, les assignats ne valaient plus rien. Tout Ă©tait horriblement cher. On comptait les rescapĂ©s. Nous apprĂźmes qu’à Londres mon frĂšre malade se remettait difficilement de son incarcĂ©ration Ă  La Mairie et se battait pour rassembler les dĂ©bris de sa fortune. Mon mari Ă©tait aussi Ă  Londres mais nous Ă©tions officiellement divorcĂ©s. Ma pieuse mĂšre considĂ©rait le mariage comme un acte sacrĂ© et indissoluble. Nous devions connaĂźtre les intentions de la famille Noailles ou du moins de ceux qui survivaient aprĂšs le massacre d’une partie de cette famille particuliĂšrement Ă©prouvĂ©e. Nous devions rencontrer Ă  Londres les rescapĂ©s Ă©migrĂ©s mais encore interdits de sĂ©jour en France car la RĂ©volution n’était pas terminĂ©e. Nous n’avions aucun papier, pas d’argent, plus de relations et la France Ă©tait en guerre contre une partie de l’Europe. Nous trouvĂąmes asile dans le pays de Gex oĂč un vieil ami de mon pĂšre loua pour nous une propriĂ©tĂ© oĂč nous allions nous reposer et nous prĂ©parer Ă  l’entrevue avec Monsieur de Noailles. Puis, passant par les Flandres, Bruxelles, la Hollande, accomplissant un long et pĂ©rilleux voyage fort coĂ»teux, nous arrivĂąmes Ă  Londres pour mon deuxiĂšme voyage. Je retrouvai la ville aussi animĂ©e et prospĂšre qu’à mon premier passage. Je retrouvai aussi mon Ă©poux aussi amoureux et occupĂ© ailleurs. Il avait seulement changĂ© de maĂźtresse. Cette fois, il avait jetĂ© son dĂ©volu sur Madame Fitz-Herbert[83], une femme qui avait vingt ans de plus que lui mais qui Ă©tait terriblement Ă  la mode ». N’avait-elle pas Ă©pousĂ© secrĂštement le Prince de Galles qui se montrait mĂȘme, paraĂźt-il, jaloux ? Charles balbutia quelques excuses, voulut assumer ses responsabilitĂ©s et proposa qu’on se remariĂąt dĂšs qu’il serait en mesure de rentrer en France avec tous les Ă©migrĂ©s. J’étais son Ă©pouse, la mĂšre de sa fille, tout cela lui semblait fort naturel. Pour le reste, il entendait mener sa vie Ă  sa guise et me laissait la libertĂ© d’en faire autant. Je sus ne pas l’importuner. Ma mĂšre Ă©tait avec moi pour me soutenir. Ces mois d’épreuves avaient Ă©prouvĂ© ma santĂ© mais du moins, je le croyais, ils avaient aussi fortifiĂ© ma volontĂ©. Je le dĂ©barrassai de ma prĂ©sence ». Marie Anne Fitzherbert, portrait par Thomas Gainsborough 1784 Nous rentrĂąmes assez vite en France. François Ă©tait soignĂ© par des amis sĂ»rs Ă  Londres, en relation avec des parents de ma mĂšre. Ils surent la rassurer. Connaissaient-ils son vĂ©ritable Ă©tat ? DĂ©sorientĂ©e, je retrouvais un Paris plein d’incertitudes. L’insĂ©curitĂ© Ă©tait d’autant plus grande que la famine menaçait la capitale malgrĂ© les multiples rĂ©quisitions de denrĂ©es alimentaires opĂ©rĂ©es dans les campagnes. Les queues s’allongeaient devant les boulangeries qui manquaient de farine. Des journĂ©es d’émeutes Ă©clataient Ă  nouveau Le 12 germinal an III, un soulĂšvement au faubourg saint Antoine agita tout Paris. La RĂ©volution recommençait-elle ? On aspirait au repos, les temps avaient changĂ©. Le RĂ©veil du Peuple » avait remplacĂ© La Marseillaise ». DiscrĂštement des Ă©migrĂ©s avaient commencĂ© Ă  rentrer. Certains mĂȘme osaient se montrer. Les dĂ©bris Ă©parpillĂ©s des salons de l’ancienne France rentrent au colombier », disait-on. Peu assurĂ©s, ils se cherchaient, s’appelaient, se retrouvaient sans tambour ni trompette car les espions avaient succĂ©dĂ© aux bourreaux. Pas de chevaux ni de voitures pour insulter » le citoyen ordinaire qui mourait de faim. Pas d’argenterie. Ainsi on Ă©tait censĂ© l’avoir donnĂ© Ă  la Monnaie quand la Patrie Ă©tait en danger. Le suprĂȘme bon ton Ă©tait d’ĂȘtre ruinĂ©, d’avoir Ă©tĂ© suspect, persĂ©cutĂ© ou mieux emprisonnĂ©. Pas de considĂ©ration sans exhiber sa levĂ©e d’écrou. Les plus dĂ©monstratifs avaient naturellement Ă©tĂ© les moins touchĂ©s. Les autres dont nous faisions partie cachaient leur douleur et tĂąchaient de ramasser les lambeaux de leur fortune. Ma mĂšre passa en vain le reste de sa vie Ă  cette tĂąche ingrate et humiliante. On restituait aux hĂ©ritiers les biens pas encore vendus mais ces hĂ©ritiers, s’ils Ă©taient portĂ©s sur la liste des Ă©migrĂ©s, devaient en ĂȘtre rayĂ©s. Ils ne l’étaient que sous certaines conditions soumises Ă  un Ă©norme trafic d’influences. Nous dĂ»mes, avant toute autre dĂ©marche, obtenir un certificat de civisme que le maire LĂ©onard Yvoy qui avait loyalement administrĂ© la commune pendant la Terreur voulut bien nous dĂ©livrer. Il Ă©tait assistĂ© de Jacques AndrĂ© et de PrĂ©vĂŽt[84]. Tous trois ainsi que d’autres Ă©taient arrivĂ©s de La FertĂ© Vidame pour travailler au chĂąteau nous Ă©taient restĂ©s fidĂšles en retardant en particulier le plus possible la vente du domaine. Avec cette prĂ©cieuse carte de couleur blanche ou bleue suivant l’ñge, renfermant notre Ăąge, notre domicile, notre signalement, nous avions le droit de vivre Ă  nouveau. Pendant la tourmente, aucune gestion convenable du domaine n’avait Ă©tĂ© faite. Les revenus Ă©chus pendant la confiscation Ă©taient perdus et il fallait payer les dettes immenses augmentĂ©es des intĂ©rĂȘts et les arrĂ©rages de rentes perpĂ©tuelles et viagĂšres dont notre fortune Ă©tait grevĂ©e. Ma mĂšre crut prudent d’accepter la succession de mon pĂšre sous bĂ©nĂ©fice d’inventaire. J’étais bien incapable de l’aider, n’ayant aucune lumiĂšre en ce domaine. Seul de nous tous François aurait su dĂ©mĂȘler ses affaires mais il se mourait Ă  Londres. Nous Ă©tions livrĂ©s aux hommes d’affaires. Jean-Baptiste Bretin notre fondĂ© de pouvoir passa plusieurs mois Ă  remettre de l’ordre, Ă  renouveler les baux des fermes et des moulins. Il fit mettre en adjudication les sainfoins du parc divisĂ© en parcelles. Il procĂ©da aux Ă©changes de terre promis en 1789, Ă  la vente urgente de certains biens fonciers que des accapareurs, profiteurs rĂ©els de la RĂ©volution s’empressĂšrent d’acheter. Puis il commença l’inventaire des biens restants. Pendant toute cette pĂ©riode, l’étude de MaĂźtre Serreau successeur de MaĂźtre Boreau n’eut guĂšre de loisirs. Il fallait aussi remettre de l’ordre Ă  l’intĂ©rieur du chĂąteau fermĂ© depuis plusieurs annĂ©es, livrĂ© Ă  l’humiditĂ© et au salpĂȘtre qui rongeait miroirs et tentures. Des objets prĂ©cieux, des meubles, du linge et toutes les garde-robes avaient Ă©tĂ© volĂ©s. Tous les livres de la prĂ©cieuse bibliothĂšque de mon pĂšre avaient Ă©tĂ© transportĂ©s Ă  Étampes. Le plomb des toitures avait Ă©tĂ© enlevĂ©. Mais dans l’ensemble, il y avait peu de dĂ©gĂąts si l’on compare avec la ruine totale de certains chĂąteaux et des Ă©glises. AprĂšs les premiers pillages, les commissaires locaux avaient veillĂ© jalousement sur ce qu’ils considĂ©raient un peu comme leur Ɠuvre Ă  tous. Le temps que nous passions Ă  dĂ©brouiller ces affaires Ă  MĂ©rĂ©ville aussi bien qu’à Paris ne rĂ©ussissait pas Ă  effacer mes blessures. Ma mĂšre s’inquiĂ©tait fort de mon Ă©tat. Des cauchemars effrayants me tiraient de mon sommeil. J’en avais si peur que je retardais sans cesse le moment de me coucher. Des maux de tĂȘte me surprenaient tout Ă  coup et je devenais morose. J’avais besoin de soins frĂ©quents et l’on me fit consulter un, puis deux, puis dix mĂ©decins. Tous m’examinaient, hochaient la tĂȘte d’un air savant, me rassuraient, ordonnant, l’un, des distractions, l’autre, le repos, le calme. Tous prĂ©conisaient les eaux » de Vichy, de Bourbonne, d’Aix ou d’ailleurs. C’est ainsi que je pris l’habitude de voyager tout en m’enfonçant dans un rĂŽle de victime, si difficile et si confortable Ă  la fois. Tout Paris, tout Londres avait connu ma malheureuse situation d’épouse dĂ©laissĂ©e et de femme dĂ©shonorĂ©e. On me prĂ©fĂ©rait dans ce rĂŽle Ă  celui de jeune femme riche et triomphante. Les hommes surtout ne manquĂšrent pas de m’entourer. Je me prĂȘtais Ă  leur jeu au grand scandale de la bonne sociĂ©tĂ© » qui me jugea coquette, lĂ©gĂšre. Ce que personne ne savait, c’est que j’avais Ă©tĂ© si blessĂ©e de mon aventure londonienne que je n’avais aucune confiance en moi et que je voulais tester mon pouvoir de sĂ©duction. L’homme qui m’avait prĂ©fĂ©rĂ© une vieille courtisane sur le dĂ©clin devait avoir ses raisons. Je me sentais laide. Dans le miroir, je dĂ©taillais un menton trop rond, un nez trop gros, des yeux exorbitĂ©s. Je ne me sentais pas assez petite, pas assez menue. Quand l’un de mes admirateurs vantait mes yeux d’un joli bleu violet », mon sourire Ă©clatant ou ma parfaite Ă©lĂ©gance, je pensais qu’il faisait par habitude des compliments bien tournĂ©s. Peut-ĂȘtre mĂȘme par pitiĂ© ? Quand je croisais un homme, maĂźtre ou valet, je quĂȘtais dans son regard une lueur de reconnaissance ou d’admiration. Quand il passait indiffĂ©rent, j’étais triste et parfois tentais de me mettre en valeur. On me crut vaniteuse, je n’étais pas assurĂ©e. Natalie de Laborde dans le parc de MĂ©rĂ©ville. Dutailly,1805. Alors, sans le vouloir, sans mĂȘme le savoir, la victime devenait bourreau. Je me rappelle maintenant avec douleur et remords l’acharnement que je mis Ă  dĂ©truire le pauvre Vintimille, toujours aussi amoureux. En 1803, il Ă©tait Ă  MĂ©rĂ©ville me suppliant encore. Il Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ©. Le 21 messidor 9 juillet 1794 son Ă©pouse, sa belle sƓur et sa mĂšre avaient Ă©tĂ© guillotinĂ©es Ă  la BarriĂšre du TrĂŽne, laissant quatre orphelins. Il Ă©tait seul. Je le repoussais une fois de plus. Et je perdis ainsi un vĂ©ritable ami, dĂ©sintĂ©ressĂ©, charmant et amoureux. Je me rappelle encore en 1799, le jeune Hippolyte Terray, le neveu du contrĂŽleur des finances. AprĂšs l’avoir attirĂ©, j’évitais de le rencontrer. Un matin, au Jardin des Plantes oĂč je suivais le cours de botanique de Desfontaines, j’eus l’occasion de l’apercevoir dans la salle. Assis Ă  cĂŽtĂ© du baron de FrĂ©nilly son ami, il conversait tranquillement quand il m’aperçut. Son visage changea de couleur, il tourna la tĂȘte, je me sentis terriblement mal Ă  l’aise et chassai de ma pensĂ©e ce jeune homme Ă  l’esprit fin sous une enveloppe rustique Ă  qui j’avais causĂ© du tort. Plus tard, Ă  Sannois[85], chez Madame d’Houdetot, j’étais venue avec un napolitain qui m’enseignait le chant en mĂȘme temps que Caroline MolĂ©. Il Ă©tait sincĂšre, ardent mais mortellement ennuyeux, je donnais congĂ© » Ă  Selvaggi qui en fit tout un drame. Il exprima ses regrets avec force dĂ©monstration d’affliction qui attira l’attention de Mathieu MolĂ© prĂ©sent. Celui-ci se fit fort de l’éclairer sur ma personne ». Cet incident suivait de peu une escapade Ă  Montmorency oĂč Mathieu m’avait conduite dans son cabriolet Ă  l’Ermitage de Jean-Jacques Rousseau. Assis sous les trois acacias qui Ă©voquaient les amours de Jean-Jacques et de Madame d’Houdetot dans le cadre oĂč il avait Ă©crit La Nouvelle HĂ©loĂŻse, je lui avais imprudemment ouvert mon cƓur. Il connut l’ampleur de mon dĂ©senchantement, je lui dis mon dĂ©goĂ»t de la vie ici-bas oĂč rien ne doit ĂȘtre pris au sĂ©rieux et surtout pas l’amour. Je rĂ©pĂ©tais les paroles de Vintimille Ă  Londres. Dans mon Ă©lan, je me moquai de ma tante d’Houdetot et du vieux Saint Lambert, toujours amoureux. J’ai mĂȘme dit empaillĂ©s et conservĂ©s tous deux » avec leurs quatre-vingts ans. Un peu gourmĂ©, un peu frustrĂ© comme d’habitude, Mathieu se replia sur lui-mĂȘme et se dĂ©fia longtemps de moi. Il ne comprenait pas ma profonde tristesse cachĂ©e sous les apparences de frivolitĂ© et de coquetterie. Matthieu MolĂ©, portrait par Ingres 1834 Je veux oublier ces annĂ©es passĂ©es sous le Directoire, annĂ©es de plaisir, de dissipation. Je revois des bals, des tourbillons de musique et de danses alors que le peuple souffrait encore. Le premier hiver fut trĂšs brillant. Les modes commençaient Ă  subir une rĂ©volution. Les hommes portaient des habits rayĂ©s ornĂ©s de larges boutons avec de longues basques Ă  l’arriĂšre, des bas de couleur voyante, chaussures Ă  bouts pointus, perruque Ă  oreille de chien », le chapeau bicorne. ArmĂ©s de gourdins, ils affectaient de ne plus prononcer le R » de RĂ©publique. Incoyable ! J’avais adoptĂ©, comme toutes les femmes Ă  la mode, le costume Ă  la grecque qui avait soulevĂ© un tollĂ© gĂ©nĂ©ral. Les corsets avaient disparu, puis les jupes de dessous, puis les manches. Le tout Ă©tait largement dĂ©colletĂ© et transparent. On dansait partout. Les jeunes filles Ă©taient plus aguerries, plus audacieuses, mieux armĂ©es que je ne l’étais Ă  leur Ăąge. Elles avaient les dents longues et aucune pitiĂ©. C’était l’effet de toute cette violence qu’elles avaient subi dans leur enfance. Je ne me sentais dĂ©jĂ  plus de leur temps. Ma fille Ă©tait Ă©levĂ©e chez Madame Campan oĂč elle nouait des amitiĂ©s fĂ©condes. Elle avait beaucoup d’esprit et l’art de la rĂ©partie. Elle se plaisait Ă  parodier ses amies de Saint Germain en particulier Hortense de Beauharnais un peu plus ĂągĂ©e qu’elle et qui, selon les rĂšgles de cette institution, lui servait de maĂźtresse et lui faisait rĂ©pĂ©ter ses leçons. GrĂące Ă  elle, nous Ă©tions entourĂ©s d’une nuĂ©e de jeunesse qui rivalisait de vie et de beautĂ©. Je me sentais vieille, je n’avais pas trente ans. Au milieu de toute cette agitation, il y eut cependant quelques haltes fructueuses et calmes qui me furent offertes par l’art. Le peintre David[86] ouvrait, pour des raisons d’opportunitĂ©, son Ă©cole Ă  tout le monde. Je dĂ©sirais apprendre Ă  dessiner auprĂšs d’un maĂźtre incontestĂ©. Je dĂ©testais cet ancien constitutionnel qui avait signĂ© l’acte d’arrestation de mon pĂšre. Mais il avait gardĂ© des relations politiques que je comptais utiliser pour permettre Ă  Alexandre de rentrer d’exil et pour rĂ©gulariser la situation de François. Et, dans les diffĂ©rentes thĂ©rapies conseillĂ©es par les mĂ©decins, figurait celle qui me proposait une activitĂ© rĂ©guliĂšre et utile. Dans l’atelier de David, DelĂ©cluze, Garat Munie de mes cartons et de mes crayons, ce ne fut pas sans apprĂ©hension que je me dirigeais vers le Louvre. Quel serait le succĂšs de mon entreprise ? Ce n’était pas la premiĂšre fois que je me rendais dans ce palais Ă  l’agonie. Dix ans avaient passĂ©. J’accompagnais alors mon pĂšre Ă  l’atelier d’Hubert Robert situĂ© le long de la Seine. Le peintre Ă©tait devenu notre familier, notre ami. Il avait Ă©chappĂ© par miracle Ă  la guillotine n’ayant pas entendu l’appel de son nom, trop occupĂ© par une partie de ballon qu’il organisait dans la cour de la prison. C’était bien de lui, l’artiste affable, toujours gai ! Tout en marchant, je songeais. RĂ©sistant Ă  l’envie de fuir, je parvins face Ă  la colonnade, hĂ©sitai sous le guichet avant de prendre l’escalier du cĂŽtĂ© de Saint Germain l’Auxerrois. Des gens de toutes sortes allaient et venaient dans les galeries Ă  l’intĂ©rieur desquelles on avait construit au fur et Ă  mesure des besoins une suite de logements ouverts sur la cour intĂ©rieure longeant le reste dans l’obscuritĂ©. Murs et charpentes Ă©taient Ă  nu. Tous les artistes de quelque renom ou tenant Ă©cole s’étaient installĂ©s lĂ  au fil des ans. David, le tout puissant David, craint et dĂ©testĂ© s’était octroyĂ© la partie situĂ©e Ă  l’angle de la colonnade et de la face nord prĂšs de l’hĂŽtel d’Angivilliers. Le long des grands murs noirs adossĂ©s Ă  la colonnade, des bacs immondes servaient de latrines et rĂ©pandaient un air infect. J’eus un haut le cƓur l’obscuritĂ©, l’odeur, l’humiditĂ© me rappelaient cruellement l’atmosphĂšre de la prison oĂč David et ses comparses nous avaient plongĂ©s pendant la Terreur. Des artistes, leurs femmes, des amateurs d’art vivaient lĂ  depuis des dĂ©cennies sans Ă©lever aucune protestation. Je connaissais les lieux mais j’apprĂ©hendais le moment oĂč je devrais affronter les Ă©lĂšves et leur maĂźtre. Je songeais ainsi tout en gravissant une espĂšce d’escalier raide, Ă©troit dont les planches craquaient Ă  chaque pas. Parvenue Ă  l’entresol, je ne pus m’empĂȘcher de pousser un cri dans un vaste espace sombre, au milieu des chĂąssis et des toiles Ă  peindre, de grands fantĂŽmes blancs avaient surgi Ce n’étaient que les mannequins drapĂ©s de blanc que David entreposait lĂ  pour servir d’objet d’étude. Les jours suivants, je ne pouvais m’empĂȘcher d’éprouver les mĂȘmes frayeurs. J’avisai une petite porte Ă©clairĂ©e d’une vitre sale et reprenant mon souffle, pĂ©nĂ©trai dans le fameux atelier des Horaces. Charles Moreau[87] qui m’avait introduite dans le cours de David, m’avait longuement dĂ©crit les lieux. Pourtant je m’arrĂȘtai interdite sur le seuil. Le silence Ă©tait complet. Le vaste espace Ă©clairĂ© par une seule ouverture assez haute au-dessus du plancher pour empĂȘcher la vue directe sur l’esplanade rappelait les salles communes oĂč on entassait les prisonniers. Mais je remarquais immĂ©diatement le fameux tableau du Serment des Horaces » face Ă  celui de Brutus ». J’avais dix ans lorsque David avait prĂ©sentĂ© cette toile si diffĂ©rente de celles de Greuze qu’affectionnaient alors nos parents. A l’époque, elle avait Ă©tĂ© jugĂ©e trĂšs nouvelle et avait provoquĂ© une sorte de scandale. Ce n’était pas le sujet prĂ©sentĂ©, cette histoire tragique lĂ©guĂ©e par Rome et transmise avec un grand succĂšs par Pierre Corneille Les trois frĂšres Horace prĂȘtent le serment de combattre jusqu’à la mort les trois frĂšres Curiace pour le bien de leur patrie, sans considĂ©ration de leurs attaches familiales. Mais la composition du tableau avec les bras et les regards convergents vers les Ă©pĂ©es brandies par le vieil Horace, l’étude prĂ©cise de l’anatomie, la rigueur du dessin, l’éclairage latĂ©ral accentuaient le langage dĂ©clamatoire qui annonçait le peintre Ă  message, engagĂ© et dĂ©cidĂ© Ă  transmettre un idĂ©al. Je fus frappĂ©e par l’aspect des femmes Ă©plorĂ©es assises Ă  l’écart, par la tendresse, l’amour sacrifiĂ© Ă  la force brutale. Ma contemplation s’interrompit soudain lorsque j’avisai deux hommes bien vivants mais mĂ©dusĂ©s. Ils me regardaient, assis devant leur chevalet. Le premier, Etienne DelĂ©cluze se leva pour me saluer et se prĂ©senter. Mais sans lui en laisser le temps, c’est moi qui l’abordai devinant en cet adolescent le compagnon dont m’avait parlĂ© mon ami Charles Moreau. L’autre, je le sus plus tard, Ă©tait Alexandre Casanova, fils de Francesco Giuseppe, singulier personnage protĂ©gĂ© par David qui me causa plusieurs frayeurs. Il avait parfois des airs de conspirateur et j’entendais parler de lui Ă  l’occasion du procĂšs de Babeuf dans lequel lui et Topino Lebrun avait trempĂ©. Ne sachant si je devais dire Monsieur » ou Citoyen », j’escamotai le dĂ©but de ma phrase. -Bonjour, sans doute ĂȘtes-vous mes compagnons de travail ? Votre maĂźtre vous a-t-il prĂ©venu de mon arrivĂ©e ? Je me prĂ©sente Natalie... Etienne avait rougi et balbutiait tout en me dĂ©signant de la main l’endroit oĂč je pouvais m’installer. Le feu allumĂ©, il fait bon ici, continuai-je. Devrai-je en ma qualitĂ© de derniĂšre arrivĂ©e me charger de ce soin demain matin ? C’était la coutume Ă©tablie dans les ateliers. Les deux hommes se rĂ©criĂšrent. Leur dĂ©sir Ă©tait de m’éviter la corvĂ©e. Ensuite, chaque matin, je trouvais le poĂȘle allumĂ©. Mais la timiditĂ© de l’un et les rĂ©ticences de l’autre rendaient malaisĂ©e la conversation. Ils m’observaient Ă  la dĂ©robĂ©e tandis que j’îtai ma pelisse doublĂ©e de fourrure noire et mon chapeau de mĂȘme teinte. Je dĂ©posais le tout sur une chaise en acajou couverte de laine noire Ă  l’étrusque », bordĂ©e de palmettes, sans me rendre compte que cette chaise ainsi que tout le mobilier de la piĂšce, des fauteuils en X, des chaises curule en bronze, un grand lit Ă  dossier dissymĂ©trique imitĂ© de l’antique et exĂ©cutĂ© sans doute par Jacob Ă©tait le mobilier d’atelier destinĂ© aux modĂšles et aux dĂ©cors. J’avais meublĂ© mon salon au goĂ»t du jour et ne m’étonnais pas de trouver le mĂȘme ici. Moreau n’étant pas encore arrivĂ©, je dis, pour les mettre en confiance Ce paresseux de Moreau n’arrive ici qu’à midi ! De la façon dont il se bichonne tous les jours, il est bien difficile qu’il arrive avant
 Ils me regardĂšrent tous deux stupĂ©faits C’était le maĂźtre de cet atelier et mon ton un peu moqueur les avait choquĂ©s. Je me promis d’ĂȘtre plus rĂ©servĂ©e Ă  l’avenir. ComparĂ© aux rapins du Louvre, Charles Moreau avait belle allure dans son habit bleu barbeau, ses pantalons gris clair et ses bottes Ă  la hussarde qui en faisaient un beau cavalier. Son linge exhalait un lĂ©ger parfum d’iris. Il avait la rĂ©putation – luxe suprĂȘme- de ne se raser qu’avec des lames anglaises. Il avait un certain renom acquis en 1792 avec un grand prix d’architecture et un second prix de peinture. Depuis, il n’avait guĂšre travaillĂ© ni rĂ©pondu aux espoirs de ses dĂ©buts. Mais en cet hiver 1796, David lui avait prĂȘtĂ© l’atelier des Horace pour qu’il y achĂšve un tableau intitulĂ© Virgnius montrant au decemvir Appius le couteau avec lequel il vient d’immoler sa fille » Brrr
 Le sujet tragique Ă©tait loin des bergeries » de Boucher ou des marines » de Vernet. L’AntiquitĂ© Ă©tait tellement Ă  la mode qu’elle avait envahi la peinture, l’architecture, la sculpture et mĂȘme je l’ai dĂ©jĂ  dit, l’art de se coiffer et de se vĂȘtir. Le tableau n’avançait guĂšre. Moreau n’était pas assidu. Passant prĂšs de lui pour corriger le travail, David avait remarquĂ© Prends garde, la nature est plus capricieuse que cela
Un peu froid ton tableau
 Tu as commencĂ© par l’architecture
Vois cette jambe, elle paraĂźt faite au tour, comme un balustre
 Courage ! N’oublie pas de rĂ©chauffer tout ça, infiniment. » L’Ɠuvre de Moreau lui ressemblait. Sa physionomie calme, son abord froid, ses silences cachaient un fond plein de bontĂ© et de politesse. Il Ă©tait avant tout un architecte et abandonna Virginius lorsqu’il fut chargĂ© de la restauration du Théùtre français. A ce moment, je travaillais dĂ©jĂ  dans l’atelier de GĂ©rard. Mais, avec Moreau j’appris l’art de la perspective. Je dessinais une sĂ©rie de colonnes, des draperies sur un modĂšle. Je m’appliquais de toute mon Ăąme Ă  tracer les traits, mesurer les Ă©carts, repĂ©rer les points, mettre les ombres. De longs moments de silence que personne n’osait interrompre permettaient Ă  chacun de travailler intensĂ©ment. La mort du jeune Bara, Jacques Louis David Parfois, sans m’en rendre compte, j’interrompais mon occupation, l’Ɠil fixĂ© sur une autre Ɠuvre de David inachevĂ©e et abandonnĂ©e. Sur un fond sombre uni, un enfant gisait mourant, une cocarde sur son cƓur. Son visage calme aurĂ©olĂ© de longs cheveux bouclĂ©s, ses yeux clos, la douceur poignante de son corps me rappelaient d’autres cadavres. C’était Bara, l’enfant hĂ©ros pour lequel David avait rĂ©glĂ© une fĂȘte au PanthĂ©on alors que notre famille plongĂ©e dans la douleur gĂ©missait sous la tyrannie de son ami Robespierre. A l’évocation de ce nom, je frĂ©missais comme s’ils avaient Ă©tĂ© encore vivants et menaçants. Robespierre, Couthon, Saint-Just, Marat, ces noms seuls me faisaient trembler. Alors, je sentais passer sur moi le regard de mes compagnons. Je reprenais mon ouvrage et parlais vivement de tout et de rien pour exorciser le souvenir. J’utilisais cet art de la conversation de salons oĂč l’on parle beaucoup pour ne rien dire. Plusieurs mois s’écoulĂšrent ainsi. David Ă©tait-il sourd Ă  ma requĂȘte ? Je multipliais les dĂ©marches. GrĂące Ă  Madame de Chastenay, j’avais fait antichambre au Luxembourg, chez Barras le tout puissant maĂźtre du jour. On y singeait l’ancien rĂ©gime qu’on avait honni. C’était Ă©trange, l’exagĂ©ration et la vulgaritĂ© ostentatoire s’y dĂ©ployaient. On Ă©tait loin de l’élĂ©gance et du bon ton qui rĂ©gnaient chez ma belle-mĂšre, la princesse de Beauvau ou de l’effervescence intellectuelle que faisaient naĂźtre les invitĂ©s de ma tante de la Briche au Marais. Au Luxembourg redevenu palais on avait effacĂ© les traces infectes de la prison oĂč tant de malheureux avaient passĂ© si peu de temps avant leurs derniers jours. Dans les galeries, je croisais des officiers, des fournisseurs, des dĂ©putĂ©s, des bellĂątres en culottes collantes, basques au vent, cheveux en saules pleureurs. Tous avaient comme moi quelque sollicitation en tĂȘte. Je fus reçue, invitĂ©e Ă  l’un de ces fastueux repas oĂč se cĂŽtoyait un monde hĂ©tĂ©roclite d’artistes, de rĂ©gicides, de journalistes, de nouveaux riches, une sociĂ©tĂ© hybride bigarrĂ©e de profiteurs. Je vis Barras, tentai de lui arracher une promesse. Il se mĂ©fia. Le titre, le nom que je portais furent-ils la cause de son ironie et de son refus ? Je regrettais ma dĂ©marche. BlessĂ©e, je retournais Ă  l’atelier. J’arrivais ponctuellement Ă  neuf heures. Le poĂȘle Ă©tait dĂ©jĂ  allumĂ©, mes instruments de travail, chevalet, crayons, menus objets Ă©taient prĂ©parĂ©s par une main attentive. Le jeune DelĂ©cluze m’attendait. Je le remerciais. Nous nous mettions au travail. La gĂȘne des premiers jours avait disparu. Je trouvais le jeune homme intelligent, fin. Il redoublait d’efforts pour dessiner mais progressait plus vite dans l’art de la conversation. Bien que rougissant toujours, il se laissa apprivoiser. Il me dit un jour que pour mieux avancer dans la connaissance de l’art grec, il Ă©tudiait les textes anciens et leur langue. Il parlait aussi la langue anglaise, critiquait dĂ©jĂ  avec luciditĂ© les poĂšmes d’Ossian et lisait les drames de Shakespeare. Il m’avoua en avoir dĂ©vorĂ© les vingt exemplaires dont se compose la traduction par Letourneur. Des discussions sans fin entre les principes antiques et l’art moderne s’engageaient entre nous. Pas Ă©tonnant qu’il soit devenu un grand critique d’art. A l’heure du dĂ©jeuner, c’était la trĂȘve. Nous nous approchions du poĂ«le. Je sortais mon petit panier. Nous partagions souvent les mets prĂ©cieux et les fruits rares en cette pĂ©riode de disette que la campagne beauceronne nous envoyait.[88] Durant ces courts moments, la conversation Ă©tait dĂ©tendue, presque familiĂšre. Nous n’épargnions pas notre mentor absent mais n’osions jamais aborder des sujets trop personnels ou politiques. L’air farouche de notre troisiĂšme compagnon retenait tout Ă©panchement. Parfois, sortant un livre, j’en faisais la lecture Ă  voix haute, ce qui fournissait des sujets intĂ©ressants de conversation. Mais le soir, tandis qu’Etienne DelĂ©cluze se penchait studieusement sur les auteurs classiques, je tĂąchais de m’étourdir. Moreau ou un autre m’accompagnait Ă  la comĂ©die ou au bal. A deux pas de chez moi, l’hĂŽtel ThĂ©lusson s’ouvrait chaque nuit pour des bals d’abonnĂ©s. Beaucoup, redoutant d’étaler leur fortune nouvellement acquise prĂ©fĂ©raient cette formule aux rĂ©ceptions privĂ©es. On s’y donnait rendez-vous. Mais le divertissement, je l’ai bien senti, n’apporte ni le calme ni la paix. Un jour, j’invitai DelĂ©cluze Ă  venir me rendre visite. Comme il Ă©tait farouche, je lui portai un dĂ©fi Ă  propos d’une Ă©tude Ă  peindre. Il vint. On parla Ă  bĂątons rompus de la nouvelle tragĂ©die de Lemercier au théùtre français, de l’effet que produirait la PsychĂ©e » de GĂ©rard chez qui j’avais l’intention de travailler plus tard, du prochain salon oĂč David devait exposer L’EnlĂšvement des Sabines ». Le lendemain, j’attendais Garat qui devait venir chanter. J’avais reçu depuis peu un superbe piano forte de Pleyel qu’il voulait essayer. Mes cousines de Bellegarde entrĂšrent avec lui, Ă©blouissantes dans leurs toilettes dĂ©colletĂ©es et leurs cheveux abandonnĂ©s. L’une d’elles servait de modĂšle pour reprĂ©senter Hersilie, la femme Ă  genoux dans Les Sabines » de David. Plein de fatuitĂ©, Garat chanta quelques romances Ă  la mode Te bien aimer, ĂŽ ma chĂšre ZĂ©lie
 Entre chacune d’elles, il se regardait dans le miroir, remontait son immense cravate et attendait le concert de louanges que nous ne manquions pas de lui adresser. Portrait prĂ©sumĂ© d'Étienne Jean DelĂ©cluze 1781-1863 par Joseph-Marie Bouton Le pauvre Etienne qui faisait ses dĂ©buts dans le monde s’étonnait de cette vanitĂ© et plongeait le nez dans son tableau. En venant dans mon salon, il gagnait de l’expĂ©rience et la considĂ©ration non dissimulĂ©e de ses compagnons de l’atelier de David. Juste au-dessus de l’atelier des Horace oĂč nous passions des jours calmes, se trouvait l’atelier des Ă©lĂšves peintres. Ils Ă©taient nombreux, bruyants, indiscrets et indisciplinĂ©s, venant de partout et payant tous douze francs par mois. David travaillait alors aux Sabine » dans une autre aile du Louvre, visitait gĂ©nĂ©ralement ses Ă©lĂšves vers midi. Alors, le silence s’établissait. Il passait en revue les travaux de chacun, corrigeant, expliquant, encourageant, parfois Ă©voquant l’Ɠuvre qu’il Ă©tait entrain d’accomplir dans le plus grand secret, comme c’était l’habitude pour les maĂźtres confirmĂ©s d’alors. L’atelier de David Ă©tait, sous le Directoire, une espĂšce de lieu d’asile oĂč venaient se rĂ©fugier ceux des Ă©migrĂ©s Ă  qui le dĂ©sir de peindre, feint ou rĂ©el, donnait le droit d’entrer. Selon toute apparence, David acceptait le rĂŽle de protecteur d’une classe d’hommes qu’il avait poursuivis quelques annĂ©es auparavant d’une maniĂšre si rigoureuse. Ce rĂŽle lui offrait le moyen de se dĂ©douaner vis-Ă -vis du nouveau rĂ©gime. Au bout de six mois environ, alors que je perdais tout espoir, David passa dans l’atelier et s’approchant de moi, nĂ©gligemment, me complimenta sur ce qui allait arriver d’heureux dans ma famille ». Le retour de mon frĂšre[89], Alexandre ! Me dis-je. Mon cƓur bondit de joie et pour la premiĂšre fois depuis longtemps, je respirais, soulagĂ©e. Comme une petite fille, je rĂ©pĂ©tai mille fois Alexandre ! Alexandre ! Alexandre fut l’un des premiers Ă  pouvoir rentrer officiellement en France. Il Ă©tait rayĂ© de la liste » des Ă©migrĂ©s. Le Consulat, l’Empire, Alexandre MĂ»ri par la guerre et l’émigration, Alexandre avait cependant gardĂ© un esprit lĂ©ger et le don du bonheur. Il avait vĂ©cu de loin les horreurs de la RĂ©volution enrance. Il m’apparut comme un homme accompli, aux maniĂšres distinguĂ©es, Ă  l’esprit ouvert, instruit par l’expĂ©rience du monde et s’étant frottĂ© la cervelle Ă  celle d’autrui ». Nous fĂźmes le compte de tous nos souvenirs communs il n’était mon aĂźnĂ© que d’une seule annĂ©e, le temps de notre sĂ©paration semblait aboli tant nous Ă©tions proches. Autrefois, dans la famille, sa distraction Ă©tait lĂ©gendaire et maintenant ses oublis meublaient la conversation de ses proches. Mais ce dĂ©faut le faisait apprĂ©cier de ses amis tant il mettait de gentillesse Ă  se faire pardonner. Alexandre n’avait que des amis. J’entrais dans leur cercle[90]. Pour me distraire, ils m’entraĂźnaient au bal, Ă  la comĂ©die chez les Français » dont l’ancienne troupe s’était retrouvĂ©e Ă  la belle salle du Palais Royal que Philippe EgalitĂ© avait autrefois fait construire. On y admirait le talent et le charme de Mademoiselle Mars entourĂ©e de toute la troupe avec MolĂ©, Fleury, Monvel, GranmĂ©nil, Raucourt, Dugazon. Talma, le grand Talma jouait encore et Mademoiselle des Garcins faisait pleurer tout Paris. Dupaty Ă©tait l’auteur favori et Cherubini, BoĂŻeldieu, les compositeurs habituels. Talma en Hamlet par Anthelme François LagrenĂ©e 1810 La bonne compagnie avait encore deux petits théùtres le Vaudeville et le Théùtre du Beaujolais devenu Théùtre des VariĂ©tĂ©s. Quant Ă  l’OpĂ©ra, il n’était plus le théùtre de gala d’autrefois. On venait en bottes au foyer et les loges dorĂ©es Ă©taient peuplĂ©es de belles volailles jacassantes et indiscrĂštes. Comme on Ă©tait Ă©loignĂ© des soirĂ©es oĂč la Reine faisait son entrĂ©e et qu’on exĂ©cutait un opĂ©ra de GlĂŒck ! AussitĂŽt, tout l’orchestre commençait le chƓur d’IphigĂ©nie Que de grĂąces, que de majesté  Tous les spectateurs se levaient, les hommes mettaient la main Ă  leur Ă©pĂ©e. Ils semblaient n’avoir qu’un seul cƓur pour dĂ©fendre la jeune souveraine. Mon pĂšre qui avait une loge adorait cette ambiance, cette musique. Mais hĂ©las, le temps avait passĂ© et tout Ă©tait devenu si diffĂ©rent ! AprĂšs l’OpĂ©ra, notre troupe terminait la soirĂ©e au Pavillon de Hanovre La grotte, Ă  l’entrĂ©e Ă©tait une grande attraction pour le public qui se pressait lĂ  chaque soir. Au milieu d’un monde mĂ©langĂ©, on se retrouvait au bal de la VaupaliĂšre ou Ă  Tivoli. La jeunesse qui s’y retrouvait se ralliera Ă  Bonaparte – non sans arriĂšre-pensĂ©es – mais ceux qui au milieu d’elle, pensaient que le jeune hĂ©ros dont l’étoile commençait Ă  briller, les laisserait savourer en paix le doux plaisir de la vie brillante et inutile, se faisaient des illusions. Jamais gĂ©nĂ©ration n’a autant marchĂ©, suĂ©, versĂ© son sang que celle-lĂ . En attendant, la volontĂ© de se soustraire au souvenir atroce d’un passĂ© encore trĂšs proche se manifestait par le choix d’une vie tout entiĂšre adonnĂ©e Ă  la frivolitĂ©. On portait Ă  peine le deuil, on avait le noir en aversion. Hiver comme Ă©tĂ©, on s’habillait en rose et en blanc. S’habiller ? Un grand mot vraiment ! Alors les galanteries » Ă©taient brutales, courtes, intermittentes et laissaient un goĂ»t d’amertume. La famille royale Ă©tait presque oubliĂ©e. On savait que Monsieur, frĂšre du Roi, et sa petite cour errait au nord de l’Allemagne, que le duc de Berri, les princes d’OrlĂ©ans et de CondĂ© Ă©taient en Suisse, en Angleterre ou en Allemagne peu de choses en rĂ©alitĂ©. Lors des complots royalistes, celui de Cadoudal en 1804 en particulier, nous fĂ»mes jetĂ©s dans un grand trouble. Alexandre, dont la tĂȘte n’était pas trĂšs politique s’était-il laissĂ© enrĂ©gimenter parmi eux ? La protection de Lucien Bonaparte son ami Ă©pargna cette tĂȘte folle ainsi que celles de nos amis dont on ignorait l’action tout en la redoutant. Pourquoi ne se contentaient-ils pas de mener joyeuse vie et de venir plus souvent Ă  MĂ©rĂ©ville, rĂ©chauffer le grand chĂąteau et rĂ©veiller le parc somnolent ? Je revois sous les grands chĂȘnes la belle Madame Visconti Ă©coutant les propos galants de mon frĂšre tandis que Lucien courtisait Madame Jouberthon et l’entraĂźnait dans la grotte fraĂźche et secrĂšte. Il l’épousera malgrĂ© l’opposition de son illustre frĂšre, marieur officiel de la famille. Je n’avais que vingt-cinq ans, j’étais dĂ©jĂ  dĂ©sabusĂ©e. Pourtant les succĂšs ne me manquaient pas. RĂ©confortĂ©e un instant, j’étais vite rebutĂ©e par ces Ă©cervelĂ©s PressĂ©s d’entrer aux affaires » et de jouir de tous les plaisirs, ils Ă©taient, nous Ă©tions, les enfants de la RĂ©volution Ă©levĂ©s Ă  la dure leçon de l’histoire. BientĂŽt, mon frĂšre choisit une vie plus rangĂ©e et Ă©pousa Marie-ThĂ©rĂšse Sabatier de Cabre, ma parfaite et aimable belle-sƓur. D’autres fois, plus souvent il me semble, mais invitĂ©e par ma mĂšre Ă  MĂ©rĂ©ville, une autre sociĂ©tĂ©[91] se rĂ©unissait, la sociĂ©tĂ© d’autrefois, calme et de bon ton qui s’efforçait de transmettre aux plus jeunes l’esprit qui animait les salons littĂ©raires. Le chĂąteau souriait discrĂštement devant les bonnes maniĂšres un peu dĂ©suĂštes, les jeux calmes, les bonnes lectures et la conversation sage de mes tantes, cousins, cousines que ma mĂšre rassemblait. Tous les Lalive se retrouvaient avec les de la Briche, d’Houdetot, de Vintimille, de Fezensac. Madame de Buffon, belle-fille du cĂ©lĂšbre savant venait se reposer. Amie du duc d’OrlĂ©ans, restĂ©e fidĂšle dans l’adversitĂ©, elle avait forcĂ© l’admiration pour sa conduite courageuse Ă  l’égard de ses enfants pendant la Terreur. Elle Ă©tait souvent dĂ©daignĂ©e ou mĂ©prisĂ©e par des gens trop prompts Ă  juger leurs semblables. Les Ă©tĂ©s Ă  MĂ©rĂ©ville Ă©taient agrĂ©ables. Le chĂąteau semblait un peu dĂ©modĂ© avec ses longs corridors, ses portes vitrĂ©es, ses chambres entourĂ©es de cabinets noirs et d’alcĂŽves, ses petites portes et ses couloirs mystĂ©rieux. Ma mĂšre conservait soigneusement le mobilier armoires et commodes de l’ancien temps, bergĂšres Ă  coussin, porcelaines, damas des Indes et vieux lampas qu’elle avait choisis du temps de mon pĂšre. Dans les salons, trĂŽnaient encore les toiles de Vernet Les douze heures du jour » et celles de Hubert Robert L’embarcadĂšre, Le Vieux Temple, Les Fontaines, L’ObĂ©lisque » Vertumne et Flore, placĂ©es sur leur piĂ©destaux prĂ©sidaient toujours les repas dans la grande salle Ă  manger. Les colonnes, les stucs, les cornes d’abondance dataient maintenant que tous sacrifiaient Ă  l’antique ». Ma mĂšre conservait MĂ©rĂ©ville comme une relique. On n’entrait dans le cabinet de travail de mon pĂšre, Ă  cĂŽtĂ© de la bibliothĂšque que sur la pointe des pieds. Claude Joseph Vernet - Le matin Tous les jours, elle faisait le tour du parc, accompagnĂ© des enfants qui l’adoraient. Elle s’arrĂȘtait parfois pour se reposer sur un banc, pour dĂ©signer du doigt une espĂšce vĂ©gĂ©tale rare qui croissait au dĂ©tour d’une allĂ©e ou bien racontait la genĂšse d’un monument Ă©levĂ© dans le parc la colonne rostrale, souvenir de ses deux fils ensevelis dans les eaux lui rappelait que son compagnon jetĂ© dans la fosse commune Ă©tait lui aussi sans sĂ©pulture. Les enfants escaladaient les cent quatre-vingt dix marches de la tour, tĂąchant de se mĂ©nager des peurs dĂ©licieuses dans les endroits obscurs, s’interpellant les uns, les autres. L’aĂŻeule leur criait - Ne vous penchez pas ! Vous allez tomber ! Mais le son de sa voix se perdait. Alors soupirant et s’en remettant Ă  la grĂące de Dieu qui ne l’avait cependant pas Ă©pargnĂ©e, elle rentrait Ă  petits pas, parlant peu, attentive aux besoins de tous. C’était l’étĂ©. Du haut de la tour, quelqu’un avait dĂ©signĂ© un petit tas de maisons, au milieu des champs, Ă  plusieurs lieues de MĂ©rĂ©ville. - Nous irons lĂ -bas, demain, s’il fait beau. On attelait le char Ă  bancs et en route ! On allait se rafraĂźchir Ă  Chalou, Ă  la fontaine Sainte-Apolline qui accomplissait des miracles. D’autres fois, on allait jusqu’à Semainville, au moulin d’oĂč l’on actionnait la cascade. D’autres fois encore, on pouvait boire le lait de la ferme de Villeneuve, au-delĂ  des bois de Quatrevaux et de la ferme de Puiselet. Mais le plus souvent, cĂ©dant Ă  la mode[92], toute la troupe s’installait dans le parc, devant son chevalet, principalement devant le Moulin du Pont qui attirait par son pittoresque les artistes en herbe. Rares Ă©taient ceux qui sortaient sans leur carnet Ă  dessins, leurs fusains ou leurs crayons. On esquissait les silhouettes des nymphes du parc » avec leurs longues robes lĂ©gĂšres et leurs capelines fleuries, tĂąchant de rendre le plus de naturel, le plus de vie possible. Comme au Marais[93], chez Madame de la Briche, on prĂ©parait des comĂ©dies et proverbes mais cependant sans en faire de vĂ©ritables reprĂ©sentations pour les villageois aux alentours. Deux Ă©vĂ©nements Ă©mergent de la monotonie de ces Ă©tĂ©s pendant le Consulat. En 1800, Ă  la faveur de l’amnistie, François, mon frĂšre et Charles de Noailles rentrĂšrent en France.[94] La sociĂ©tĂ© de MĂ©rĂ©ville vers 1805, dessin, Collection J. de Pange François se dĂ©battait au milieu de difficiles problĂšmes, tentant de mettre de l’ordre dans les affaires et les biens de notre pĂšre Ă  l’étranger en Angleterre, en Hollande, en Autriche, en Espagne. La guerre, le blocus, la mort de François ĂŽteront toute espĂ©rance de retrouver notre fortune. Les plantations de Saint Domingue, la dissolution de la Compagnie des Indes ne nous donnĂšrent que des dĂ©boires jusqu’à l’anĂ©antissement total. Mais la ruine n’était rien Ă  cĂŽtĂ© de l’état de François. Dans les geĂŽles de la Terreur, il avait perdu sa santĂ© et ses illusions. Il semblait peu enclin Ă  se rĂ©installer en France. L’Angleterre lui avait offert asile et amis sĂ»rs. Cette annĂ©e-lĂ  ma mĂšre eut la joie de voir ses deux fils rĂ©unis pour une chasse aux loups sur les terres et les bois de MĂ©rĂ©ville. En effet, les loups avaient rĂ©apparu, constituant un danger pour les fermes isolĂ©es et les voyageurs attardĂ©s. AssistĂ©s de quatre gardes du chĂąteau et de nombreux paysans du village, ils organisĂšrent des battues et pour un temps, compagnons de chasse, ils Ă©voquĂšrent les beaux jours de la formation de la Garde Nationale quand le pays Ă©tait en liesse et cĂ©lĂ©brait la fraternitĂ©. François tenta de rĂ©soudre ses problĂšmes, demandant la restitution de ses meubles, de ses papiers, de ses effets toujours sous sĂ©questre et placĂ©s dans des dĂ©pĂŽts nationaux. Mais l’administration avait Ă©tĂ© plus prompte Ă  saisir qu’à rendre. Il s’impatientait et finalement rĂ©solut de dĂ©lĂ©guer ses pouvoirs Ă  Charles PezĂ©, son homme d’affaires. Il regagna l’Angleterre. Nous ne le revĂźmes que deux ans plus tard, Ă  son chevet en octobre 1802. Le destin continuait son Ɠuvre. Avant de partir, il tint Ă  rĂ©unir une espĂšce de conseil de famille. Il semblait inquiet de mon avenir de femme divorcĂ©e. Ce divorce m’avait permis de conserver mes biens propres, n’étant plus l’épouse d’un Ă©migrĂ©. L’acte de divorce avait Ă©tĂ© un acte de circonstances. Les circonstances avaient changĂ©. Charles de Noailles devait redevenir mon Ă©poux. -Bien sĂ»r, je connais vos diffĂ©rends, dit François, parlant au nom de notre pĂšre. Mais le temps efface les rancunes les erreurs de jeunesse doivent ĂȘtre oubliĂ©es. Il est rentrĂ© Ă  Paris. Reçois-le. Il dĂ©sire beaucoup te revoir. Et je le revis. Plus mĂ»r, plus sĂ©duisant encore. Je me laissais facilement convaincre. D’ailleurs, il me semblait qu’en manifestant le dĂ©sir de redevenir mon Ă©poux, il reconnaissait implicitement ses torts envers moi et dĂ©sirait rĂ©parer. Mon amour propre y trouvait son compte et je pensais ne jamais avoir cessĂ© de l’aimer. Peu intĂ©ressĂ©e par les affaires et d’ailleurs totalement ignorante en ce domaine, je laissai ma mĂšre et mon frĂšre aĂźnĂ© discuter du nouveau contrat de mariage. Ce remariage permettait de rĂ©gler le contentieux qui demeurait entre nous La fameuse dette contractĂ©e Ă  Londres et que mon frĂšre avait rĂ©glĂ©e intĂ©gralement. La signature du nouveau contrat effaçait cette dette et prononçait la sĂ©paration de biens entre nous. Depuis, je dois dire que, lui faisant entiĂšrement confiance, je donnai Ă  mon mari toutes les procurations dont il pouvait avoir besoin pour agir en mon nom. On signa le nouveau contrat le 19 mars 1803. Le mariage eut lieu Ă  la mairie du deuxiĂšme arrondissement sans aucune cĂ©rĂ©monie. L'hĂŽtel de Noailles, rue de l'UniversitĂ© J’étais redevenue comtesse de Noailles. Pleine de bonnes dispositions, je m’installai Ă  l’hĂŽtel de Noailles, rue de l’UniversitĂ©. J’employais toute la force de mon caractĂšre Ă  dompter la vivacitĂ© de mon tempĂ©rament pour Ă©viter toute querelle. Je cherchais une occupation qui pĂ»t remplir mes moments de dĂ©tresse qui n’avaient pas disparu. Je fis arranger un atelier dans lequel je pouvais peindre Ă  mon aise et j’entrepris de copier des tableaux de maĂźtre. AprĂšs David, François GĂ©rard qui avait terminĂ© PsychĂ© et l’Amour et montrait tant de talents pour peindre les portraits, m’avait admise parmi ses Ă©lĂšves. Faute de commandes, il faisait des vignettes pour les grandes Ă©ditions de Virgile et de Racine publiĂ©es par Didot. Il m’avait enseignĂ© les rudiments de la peinture et j’allais utiliser ses conseils. Ce travail m’intĂ©ressait et mon mari au dĂ©but sembla prendre quelque intĂ©rĂȘt Ă  cette passion. EnchantĂ©e de ses Ă©loges, je redoublais de zĂšle. J’occupais aussi mes loisirs[95] Ă  chercher des livres anciens. On trouvait alors des livres prĂ©cieux jusque sur les quais. Un beau volume reliĂ© en maroquin coĂ»tait vingt ou trente francs. Je trouvais de beaux in-douze d’autrefois solidement reliĂ©s en veau fauve ou marbrĂ©. J’écumais d’une main heureuse les boites modestes des libraires en plein vent. Ma fille m’accompagnait et c’est ainsi qu’elle devint une bibliophile avertie et heureuse sachant apprĂ©cier le veloutĂ© d’une reliure. Mon Ă©poux apprĂ©ciait moins cette distraction, pas plus que l’étude des scĂšnes de la nature Ă  laquelle je m’étais toujours intĂ©ressĂ©e. Il se moquait de moi La Docte Natalie » apprĂ©ciait peu d’ĂȘtre comparĂ©e Ă  BĂ©lise. . Ma belle-mĂšre, princesse de Poix[96] nĂ©e Beauvau tenait un salon frĂ©quentĂ© par un petit cercle choisi. Outre les dames, on y rencontrait le chevalier de Coigny, le duc de Liancourt, le prince de Salm, Monsieur de Lally. Madame de Simiane et ses frĂšres de Damas, l’abbĂ© de Montesquiou venaient aussi. C’était un salon mondain, conservateur, tel qu’on l’avait connu sous l’ancien rĂ©gime avec ses charmes et ses faiblesses. Personne dans ce cercle fermĂ© ne se rendait compte des efforts que je faisais pour me contraindre et changer de vie. IrritĂ©e, irritable, je supportais mal cet entourage. Mon mari lui-mĂȘme finissait par me paraĂźtre un esprit mĂ©diocre, suffisant, ennemi dĂ©clarĂ© de tout ce qui Ă©tait nouveau. Evidemment, je ne me rendais pas compte du choc[97] que ces seigneurs avaient subi Ă  leur retour d’émigration. RestĂ©e en France, j’avais beaucoup souffert mais sans m’en rendre compte, j’avais progressivement vĂ©cu les transformations de la sociĂ©tĂ©, obligĂ©e de m’adapter progressivement aux idĂ©es et aux mƓurs nouvelles. Notre fortune[98] Ă©tait compromise. Ma mĂšre s’efforçait d’y mettre de l’ordre mais la plupart de nos ressources avaient disparu. Nous savions seulement dĂ©penser l’argent que nous ne savions plus gagner comme mon pĂšre l’avait su. Cette situation ne fera que s’aggraver au fil des annĂ©es. Alexandre, le prodigue Alexandre Ă  la fois auteur et promoteur se lançait dans de luxueuses Ă©ditions d’albums qui ne se vendraient pas. L’arrivĂ©e au pouvoir de NapolĂ©on ne facilita pas la situation de la famille. Il battit aussitĂŽt le rappel de la noblesse afin d’asseoir son prestige et soumettre les grands comme l’avait fait Louis XIV. L’épouse d’Alexandre avait Ă©tĂ© nommĂ©e Dame de la Maison de Madame MĂšre. C’était une espĂšce de ralliement des Laborde Ă  l’Empire. Pour ma part, je ne pouvais me rĂ©soudre Ă  renoncer Ă  toute libertĂ© de penser et d’agir attachĂ© Ă  cette fonction. J’étais devenue Ă  la fois victime et fille de la RĂ©volution. De la mĂȘme façon, je renonçais totalement Ă  l’idĂ©e de succĂ©der aux dignes duchesses de Mouchy, vertueuses et prolifiques qui m’avaient prĂ©cĂ©dĂ©e dans ces titres. Dans cet hĂŽtel glacĂ©, inchangĂ© depuis des lustres malgrĂ© les bouleversements historiques, je m’ennuyais. J’avais appris Ă  vivre seule et libre et supportais difficilement la moindre contrainte. Cette fois, je savais que je serais la cause de ce nouvel Ă©chec conjugal. La famille Noailles me laissa toute libertĂ© d’agir Ă  ma guise mais j’ignorais comment je pourrais combler le grand vide qui Ă©tait en moi. J’ignorais surtout que l’ennui n’était pas dĂ» aux conditions de ma vie Ă  l’hĂŽtel Beauvau mais qu’il Ă©tait en moi, oĂč que ce fĂ»t. Comment vivre ? Pourquoi vivre ? AttachĂ© Ă  l’ambassade de Lucien Bonaparte Ă  Madrid en 1801, Alexandre avait eu une nouvelle occasion de parcourir les provinces de la pĂ©ninsule ibĂ©rique qu’il connaissait bien pour y avoir sĂ©journĂ© pendant ses derniĂšres annĂ©es d’émigration, Ă©tudiant l’histoire, les mƓurs de ses habitants et se perfectionnant dans la langue castillane. Il parlait des monuments antiques, des vestiges musulmans avec admiration, en avait rapportĂ© des croquis, et projetait de publier un ouvrage Ă  l’usage des voyageurs peu pressĂ©s, le complĂ©tant par un guide des routes et des auberges. Il lui fallait rĂ©unir une Ă©quipe de dessinateurs, prĂ©parer l’itinĂ©raire. Je n’osais espĂ©rer le bonheur de participer Ă  cette expĂ©dition passionnante. Encore une fois je me heurtais aux prĂ©jugĂ©s contre mon sexe. Ma rencontre avec Monsieur de Chateaubriand C’est alors que le hasard fit que je rencontrais l’homme[99] qui allait bouleverser ma vie. Je ne l’avais jamais vu mais j’étais sĂ©duite d’avance par le prestige de sa renommĂ©e. J’avais lu comme tout le monde Atala ». J’aurais aimĂ© secrĂštement avoir Ă©tĂ© l’inspiratrice de ce roman dont le succĂšs Ă©tait prodigieux. Rien de pareil depuis l’Émile » de Rousseau. Les gazettes ne tarissaient pas d’éloges. Comme la jeune chrĂ©tienne Atala, j’aurais pu enivrer les bourreaux et hasarder ma vie pour dĂ©livrer de ses liens l’homme que j’aimais et qui m’aimait. Avide d’imprĂ©vu, disposĂ©e Ă  l’aventure, j’étais prĂȘte Ă  le suivre. Je m’exaltais Ă  cette pensĂ©e. Je n’étais pas la seule... Atala au tombeau - Anne-Louis Girodet 1808 Une fois de plus, je ne pouvais pas plus mal choisir car Monsieur de Chateaubriand, comme je le nommais Ă  l’époque, ne savait aimer que Monsieur de Chateaubriand et pourtant, combien de fois ne m’a-t-il pas assurĂ©e de son amour en ces dix annĂ©es d’exaltation et de douleur, si intense que ma raison a plus d’une fois chavirĂ©. La Petite SociĂ©tĂ© [100]» qui se rĂ©unissait chez Pauline de Beaumont, rue Neuve du Luxembourg s’était dispersĂ©e Ă  la mort de son hĂŽtesse Ă  Rome en 1803. Joubert, Fontanes, Pasquier, MolĂ©, ChĂȘnedollĂ© se retrouvĂšrent alors chez ma cousine de Vintimille[101]. Je rencontrai donc Joubert le fin lettrĂ©, subtil, perfectionniste, le plus souvent retirĂ© Ă  Villeneuve-sur-Yonne dans sa campagne ; Fontanes, le sage devenu plus tard grand maĂźtre de l’UniversitĂ© ; ChĂȘnedollĂ©, le poĂšte amoureux jusqu’au dĂ©lire de Lucile, la sƓur bien aimĂ©e de Chateaubriand. Il y avait aussi Madame KrĂŒdener, Madame de Pastoret, des femmes douĂ©es et sensibles. Tout le monde savait que Delphine de Custine, la Reine des roses », avait succĂ©dĂ© Ă  l’Hirondelle » dans le cƓur de Chateaubriand. Il avait beaucoup pleurĂ© Ă  Rome la pauvre mourante. Il l’avait vite remplacĂ©e. DorĂ©navant, il s’enchantait Ă  Fervacques prĂšs de Lisieux. InvitĂ©e naturellement par Louise de Vintimille, j’entrai dans La Petite SociĂ©tĂ© ». Un jour, heureux ? Malheureux ? Je ne sais mais j’avoue que je dĂ©sirais attirer son attention. Peut-ĂȘtre allais-je l’intĂ©resser, lui plaire ? Il avait le prestige dĂ©jĂ  des gĂ©nies et se comportait comme tel. Pariant sur la magie, je me dis que si j’arrivais Ă  lui parler, seulement Ă  lui parler, tous les maux dont je souffrais disparaĂźtraient grĂące Ă  lui. Pourtant, j’évitai d’abord de m’exposer, de me dĂ©voiler. Je reculai le plus possible le moment de l’approcher, de le regarder mĂȘme. Tout mon ĂȘtre Ă©tait tendu dans cette attente. Enfin, nos regards se croisĂšrent et s’arrĂȘtĂšrent. Je le vis, il me vit et tout fut scellĂ©. L’attente prenait fin. DĂ©s que nous fĂ»mes prĂ©sentĂ©s, dĂ©daignant les banalitĂ©s ou les compliments d’usage, au mĂ©pris mĂȘme des rĂšgles de courtoisie, il s’entretint avec moi comme si une longue habitude nous avait dĂ©jĂ  rĂ©unis. Il me parla de son travail, de ses projets. -Vous avez lu naturellement Le GĂ©nie du Christianisme ? Avez-vous remarquĂ© le dessein qui m’animait dans cette apologie ? Il continuait - La religion catholique toute puissante dans les Ăąmes ingĂ©nues, l’inspiratrice des artistes, imposante dans ses cĂ©rĂ©monies
Elle est l’antidote de nos passions. -Ah ! M’émerveillais-je, dĂ©jĂ  passionnĂ©e. -Je voudrais, continua-t-il, confirmer mes thĂ©ories par un exemple et aller sur place Ă©tudier les ruines et les paysages oĂč je vais placer l’action de mon prochain ouvrage sur les Martyrs. Je devrais passer par Venise, visiter la GrĂšce, Constantinople, la Palestine puis revenir par Tunis, l’Espagne, peut-ĂȘtre. -Ah ! L’Espagne ! Repris-je. ÉtonnĂ©e et fiĂšre que cet homme illustre me confie dĂ©jĂ  ses projets, Ă  l’insu de tous, me semblait-il, je demeurais songeuse. -L’Espagne, vous aussi ? Insistai-je. Mais peut-ĂȘtre est-ce l’inverse ? Je ne me souviens plus tant j’étais troublĂ©e lequel des deux parla le premier de l’Espagne ni mĂȘme si nous en avons parlĂ© dĂ©s ce premier soir. Nous en avons tant parlĂ© ensuite. DĂ©jĂ  ce soir lĂ , d’autres admiratrices s’affairaient autour de nous une nuĂ©e de mouches » qui le dĂ©tournaient sans cesse de moi. DĂ©jĂ , dĂ©s le premier soir ! Maintenant, quand il parle de moi, je sais qu’il Ă©voque la pauvre mouche », s’apitoyant vaguement, exerçant son dĂ©dain sur mon titre depuis que je suis devenue duchesse de Mouchy et certainement, me chassant de son esprit comme on se dĂ©barrasse d’un insecte d’un simple revers de la main en pensant Ă  autre chose. J’ouvrais une nouvelle page de ma vie. J’oubliais pour un moment mon douloureux passĂ©. Je savais, je savais pourtant que l’amour est cruel. Cependant, aucun conseil ne pouvait m’empĂȘcher de me prĂ©cipiter une fois de plus dans un gouffre. Maintenant que tout est fini entre nous, toutes les vieilles cicatrices, celles qu’on croit fermĂ©es Ă  jamais s’ouvrent Ă  nouveau, cent fois plus douloureuses. Elles finissent par dĂ©truire tout Ă©lan de vie. François RenĂ© de Chateaubriand vers 1787, pastel marouflĂ© BientĂŽt, je l’invitai Ă  MĂ©rĂ©ville. Il y vint. Il s’y plut. Je le connus mieux. Seuls dans les allĂ©es du parc, nous nous dĂ©couvrĂźmes une multitude de points communs. Victime lui aussi de la RĂ©volution, il me raconta sa guerre[102] dans l’armĂ©e des princes, sa blessure, ses annĂ©es d’exil Ă  Londres, sa misĂšre, la tragique disparition d’une partie de la famille de son frĂšre, les Rosambo, les Malesherbes et bien sĂ»r les Chateaubriand, guillotinĂ©s, emprisonnĂ©s, ruinĂ©s. Je connus les dĂ©tails de l’arrestation de son Ă©pouse, CĂ©leste et de sa sƓur, Lucile, Ă  Rennes le 23 octobre 1793, leur libĂ©ration, le 5 novembre 1794. Mentalement, je pouvais suivre le calvaire de ces deux femmes puisque j’avais subi le mĂȘme. Il Ă©voquait sa sƓur, leur enfance Ă  Combourg, leur parfaite sympathie. Sans cesse, il revenait Ă  Lucile, vĂ©ritable obsession dont je devenais Ă  la fois la complice et la rivale. -Vous lui ressemblez, me disait-il MĂȘme passion, mĂȘme exigence d’absolu, mĂȘme lueur indĂ©chiffrable dans vos yeux. Vos yeux qui ressemblent Ă  la mer. Pourtant, vous ĂȘtes la lumiĂšre, elle Ă©tait l’ombre. Vous ĂȘtes le soleil, elle Ă©tait les tĂ©nĂšbres
 Vous ĂȘtes mes amours
 Comment rĂ©sister ? Cet aveu me plongeait dans le bonheur et dans l’angoisse. Je l’interrogeais sans fin sur leurs jeux, leurs escapades, leur isolement dans les lointaines landes bretonnes. - Parlez-moi de votre pĂšre, lui demandais-je aussi. Alors, inlassablement, il recommençait, Ă©prouvant un rĂ©el plaisir Ă  se confier Les tours de Combourg, les longs couloirs sombres, les bruyĂšres, les ajoncs et puis toujours la mer
 À mon tour, j’évoquais mes malheurs. Il m’écoutait. M’écoutait-il vraiment ? Nous marchions Ă  pas lents, remplis de nos propres chagrins, apitoyĂ©s chacun sur notre propre sort. Il avait retrouvĂ© une Ăąme fraternelle. Je me prenais pour Lucile. Plusieurs semaines passĂšrent ainsi. Nos relations hĂ©sitaient entre l’amitiĂ© et un attachement plus prĂ©cis. - Vous ĂȘtes belle, m’affirmait-il. - HĂ©las, rĂ©pondais-je. Je ne suis pas la seule. Delphine de Custine, aussi, n’est-ce pas ? Mais il n’entendait pas. La comtesse de Custine Ă  Fervacques Ă©tait loin de MĂ©rĂ©ville, loin de ses yeux, loin de son cƓur. D’autres que ma coquetterie avait naguĂšre attirĂ©s puis repoussĂ©s avaient prononcĂ© les mĂȘmes mots, fait les mĂȘmes compliments, parfois mĂȘme d’une maniĂšre plus Ă©tonnante Belle Ă  amollir les pierres » murmurait le baron de FrĂ©nilly, Eclatante, ravissante, gĂ©nĂ©reuse » me disait FrĂ©dĂ©ric d’Houdetot qui n’osait plus me regarder depuis que je ne m’occupais plus exclusivement de lui. La plus Ă©lĂ©gante » ajoutait le pauvre Terray. Toute la panoplie des sĂ©ducteurs, je la connaissais bien. Mais la bouche qui prononçait ces derniers mots possĂ©dait des charmes inconnus, des accents nouveaux. Et ses yeux Ă©taient ceux d’un enchanteur. Tous ceux qui autour de nous assistaient aux prĂ©mices de notre amour le croyaient sans lendemain, attendant la rupture. Ils ne comprenaient pas que le sentiment qui allait nous unir prenait le temps de mĂ»rir doucement, empruntant les tours et dĂ©tours, les surprises d’un parcours mystĂ©rieux et inĂ©luctable pour lui aussi bien que pour moi[103]. Je savais d’instinct que, pour ne pas ĂȘtre une simple passante dans la vie de ce sĂ©ducteur, je devais ĂȘtre autre chose qu’une crĂ©ature de Dieu offerte au plaisir d’un dieu. La richesse intellectuelle de ce gĂ©nie avait besoin da se dĂ©verser dans une vasque attentive et soumise. Pauline de Beaumont, la douce hirondelle » l’avait Ă©tĂ©. Je le serais aussi. Mais il avait besoin aussi de frĂ©quenter un esprit d’élite capable de lui donner la rĂ©plique sans lui porter ombrage dans le monde, capable de faire Ă©clore le gĂ©nie qui l’habitait. Mathieu MolĂ© avait Ă©tĂ© au temps de sa jeunesse ce disciple en maĂŻeutique lorsqu’ils allaient marcher en plein air dans le champ aux lapins » prĂšs de la rue de la Ville-l’ l’ÉvĂȘque. Leur entretien roulait sur tous les sujets propres Ă  Ă©lever l’esprit, et la dĂ©licate et sĂ»re balance de l’esprit » de Mathieu enrichissait, perfectionnait la pensĂ©e de RenĂ©. J’essaierais par tous mes talents d’assurer cette tĂąche. Bien sĂ»r, RenĂ© proclamait bien haut qu’il n’aimait pas les femmes savantes. Pourtant il apprĂ©ciait ma conversation et mon appĂ©tit de connaissances mais il savait aussi que je n’avais pas le goĂ»t ni l’envie de lui faire ombrage. Jamais je ne tenterais d’ĂȘtre une Madame Roland, ou une autre Germaine de StaĂ«l qui osait se comparer aux plus grands, dĂ©frayant la chronique et se risquant Ă  se mesurer avec l’orgueilleux auteur du GĂ©nie » en critiquant son Ɠuvre. Je serais son disciple, son amie, son inspiratrice, peut-ĂȘtre. Pas seulement sa sƓur » en tous cas comme le proclame Ă  tout venant cette perfide amie, Madame de Duras », qui ne saura jamais quels dĂ©lices j’ai goĂ»tĂ©es Ă  ne pas me contenter de ce titre. Qui saura mieux que moi lui faire perdre la tĂȘte Bien sĂ»r, comparĂ© Ă  mon beau Noailles, RenĂ© n’était pas un homme dĂ©sirable. Il Ă©tait petit, assez mal fait mais ses yeux Ă©taient magnifiques et son charme irrĂ©sistible. Pourquoi employer le passĂ© N’est-il pas toujours le mĂȘme charmeur ? Combien de pauvres mouches sont tombĂ©es sous ce regard ? Je dois me consoler en me rappelant que Monsieur de Chateaubriand a prĂ©fĂ©rĂ© Natalie Ă  toute autre pendant dix Ă©tĂ©s. Ensuite, il a repris ses errances de jardin en jardin, chez les Madame » comme disait si drĂŽlement CĂ©leste, sa spirituelle Ă©pouse. C’est Juliette RĂ©camier la belle des belles », dit-on, qui recueille maintenant ce qui reste dans ce jardin livrĂ© bientĂŽt aux glaces de l’hiver. Seule, maintenant, je me souviens et je pleure. Allons, courage ! Ne pas se laisser aller Ă  la mĂ©lancolie ou Ă  l’amertume inutile. Mais je reviens au rĂ©cit de ma vie. L’écriture m’oblige Ă  ordonner mes pensĂ©es et apaise mes angoisses prĂ©sentes. Dans le parc de MĂ©rĂ©ville... ChargĂ©e du poids d’annĂ©es tumultueuses, incertaines et faciles, j’aspirais Ă  retrouver une certaine innocence d’ñme et de cƓur afin d’aborder en sa compagnie un rivage serein, un pays neuf Je rĂȘvais depuis mon enfance de la lointaine AmĂ©rique, des dĂ©serts du Nouveau Monde, du pays de Chactas. Il me raconta ses aventures, j’écoutais. Je fis durer le plaisir de l’attente. En cette premiĂšre saison, le parc nous accueillait chaque nuit. Chaque banc, chaque peuplier attendait notre passage. Chaque fleur attendait pour clore ses pĂ©tales. RenĂ© et Natalie jouaient la comĂ©die de l’amitiĂ©, de la sincĂ©ritĂ© et s’épanchaient. Nous Ă©tions rongĂ©s d’impatience. Mais il fallait attendre. Dans la journĂ©e, enfermĂ©e Ă  l’écart de tous, le grand homme travaillait sur les Martyrs ». Natalie, l’impatiente, rĂȘvait sous les grands chĂȘnes, Natalie, la bavarde, apprenait le silence, Natalie, la violente, se faisait douce, la tapageuse Natalie se faisait discrĂšte, l’impĂ©rieuse Natalie Ă©tait soumise et Monsieur de Chateaubriand attendait. Mais Natalie la fantasque devait lui mĂ©nager des surprises afin d’étonner cette pauvre Ăąme si semblable Ă  la sienne, ce hĂ©ros mĂ©lancolique et blasĂ©. Ce jeu dura plusieurs saisons. Qui chantera un jour les dĂ©lices de l’attente ? Il venait[104], partait, revenait TantĂŽt Ă  Paris sous les combles de l’hĂŽtel Coislin oĂč il rejoignait sa douce » Ă©pouse, tantĂŽt Ă  Fervacques oĂč Delphine tĂąchait de le retenir de tout son amour dĂ©chirĂ©, tantĂŽt Ă  Clermont-Ferrand, Ă  Lyon, Ă  Chamonix, accompagnĂ© par extraordinaire de Madame. Tous deux passĂšrent Ă  MĂ©rĂ©ville tout un mois au printemps 1805. Puis, il vint seul herboriser » et recueillir des plants pour sa VallĂ©e. InstallĂ© dans l’appartement du premier Ă©tage du Moulin du Pont tout proche du chĂąteau, RenĂ© me retrouvait Ă  l’insu de tous. Son projet de voyage en Orient se prĂ©cisait. Il avait enfin rĂ©uni les fonds nĂ©cessaires Cinquante mille francs que Madame KrĂŒdener sollicitĂ©e lui avait obtenu de l’impĂ©ratrice Élisabeth de Russie, Ă©pouse d’Alexandre 1er et grande admiratrice du vicomte. De mon cĂŽtĂ©, j’avais convaincu mon entourage qu’un voyage serait profitable Ă  ma santĂ©. J’avais proposĂ© Ă  mon frĂšre Alexandre de l’aider Ă  illustrer son ouvrage par les croquis des monuments historiques. C’était un travail Ă©norme pour lequel il avait embauchĂ© des dessinateurs professionnels. Ma dĂ©cision avait soulevĂ© des torrents de protestations. Certaines objections Ă©taient parfaitement fondĂ©es. Il Ă©tait difficile de voyager dans ce pays qui mĂ©ritait sa mauvaise rĂ©putation mauvaises auberges, mauvais chemins, mauvaises rencontres, tout devenait encore plus dangereux pour une femme seule. J’avais rĂ©ponse Ă  tout Oui les borricos » sont des animaux rĂ©tifs ; il est incommode de les monter avec un bĂąt grossier et chancelant. Mais j’aurai ma voiture. Oui, il faut ĂȘtre armĂ©, avoir l’air d’ĂȘtre prĂȘt Ă  se dĂ©fendre en cas d’attaque. Mes domestiques sont sĂ»rs et forts. Oui, il faut se munir de monnaie du pays avant de passer la frontiĂšre. Oui, je sais la diffĂ©rence entre les pasadas », les ventas » et les fondas ». Oui, oui, oui
 Alexandre m’avait prĂ©venue de tout et puis, ajoutai-je, avec hypocrisie mon Ă©poux pouvait m’accompagner, s’il le dĂ©sirait. - Non, rĂ©pondait ce dernier, quel besoin cette femme a-t-elle de bouger ainsi ? D’autres obstacles tenaient Ă  la mentalitĂ© qui Ă©tait en train de changer. AprĂšs le grand laisser-aller[105] du Directoire succĂ©dait l’ordre impĂ©rial et le code civil. Pour le maĂźtre de la France, la femme devait rester Ă  la maison et fabriquer beaucoup de petits soldats qui obtiendraient la lĂ©gion d’honneur sur les champs de bataille de l’Europe. Voyager pour son plaisir, fi ! Dans cette sociĂ©tĂ© conformiste, une femme pouvait Ă  la rigueur prendre les eaux », mais aller Ă  l’étranger pour un voyage d’études ! Donc, avant mĂȘme d’avoir posĂ© le premier pas en Espagne, j’étais perdue de rĂ©putation. Plus encore que la frivolitĂ© ou la coquetterie, l’acte d’indĂ©pendance que j’allais accomplir Ă©tait mal jugĂ©. De ce jour en effet, j’eus mauvaise rĂ©putation. Actuellement, mes accĂšs de dĂ©sespoir ne suscitent pas seulement la pitiĂ© mais aussi le sentiment d’une justice rĂ©manente Elle rĂ©colte ce qu’elle a semĂ©. Une femme ne peut se dire libre et indĂ©pendante et agir Ă  sa guise au mĂ©pris des lois naturelles ». Ce jugement n’est pas uniquement celui des hommes, il est aussi celui des femmes, hĂ©las. Tous ces obstacles ne m’empĂȘchĂšrent pas de prĂ©parer avec soin mon dĂ©part selon les indications prĂ©cises d’Alexandre. Passeports, provisions de voyage, bagages adaptĂ©s au climat et au pays, Ă©quipement, chevaux, tout fut inventoriĂ©, contrĂŽlĂ©. Je choisis les domestiques avec soin, n’emmenant avec moi que ceux qui le dĂ©siraient et qui Ă©taient jeunes et capables de rendre des services prĂ©cis. Je voulais ĂȘtre sĂ»re d’eux et n’eus en effet qu’à me louer de mon choix. L’Espagne m’était d’abord apparue Ă  travers les rĂ©cits que mon pĂšre nous faisait de ses dĂ©buts dans le grand nĂ©goce. Il aimait ce pays dont les souverains l’avaient comblĂ© de bienfaits, oĂč avaient commencĂ© sa grande fortune et son ascension. Autour de moi, on pensa que j’allais sur les pas de mon pĂšre. C’était par piĂ©tĂ© filiale que j’entreprenais ce voyage. Je finissais par le croire aussi. Un soir, tandis que nous Ă©voquions notre prochaine sĂ©paration, je lançai Ă  Chateaubriand une sorte de dĂ©fi - Et si, au retour de votre voyage en Orient, nous nous rencontrions par hasard sur les routes d’Espagne oĂč je serai ? Avait-il pensĂ© lui aussi Ă  cette Ă©ventualitĂ© ? - Un hasard un peu organisĂ©, un peu prĂ©mĂ©ditĂ© ? Il s’enflamma immĂ©diatement pour cette extravagance, nĂ©gligeant d’emblĂ©e les difficultĂ©s pratiques d’une telle rencontre aprĂšs un long voyage, plein d’incertitudes et d’alĂ©as. Pourtant, cette idĂ©e devint le centre de toutes nos conversations. Une chimĂšre
Tellement tentante ! Ce serait une rĂ©compense, dit-il, aprĂšs des mois de sĂ©paration, d’attente, de dĂ©sir. Ce voyage sera une Ă©preuve initiatique, ajoutai-je. La dĂ©cision Ă©tait prise, comme si elle avait toujours fait partie de nos plans, comme si elle allait de soi. Nous nous gardĂąmes bien d’en parler Ă  qui que ce soit. C’était notre secret. OĂč allions-nous nous rejoindre ? L’idĂ©e ne nous effleura mĂȘme pas de choisir un lieu de villĂ©giature, une auberge, un relais de poste. Pour des ĂȘtres d’exception, il fallait un lieu d’exception Le plus haut sommet ? Le cap le plus dangereux ? Une Ăźle dĂ©serte ? L’Espagne n’offrait aucun de ces sites naturels porteurs de symboles comme il en existe en GrĂšce, en Italie ou en France. N’allait-il pas Ă  la recherche de civilisations anciennes, au-devant de l’Histoire du monde ? Alors pourquoi pas SĂ©ville ? Cordoue ? Nous finĂźmes par convenir qu’il n’y avait qu’un seul dĂ©cor, qu’un seul lieu capable de prĂ©sider aux retrouvailles de RenĂ© et de Nathalie l’Alhambra ! Grenade ! Juxtaposition de plusieurs mondes, rencontre de plusieurs civilisations qui se sont combattues et finalement enrichies l’une par l’autre. Tout ce qui se passa ensuite n’eut plus de raison d’ĂȘtre que de nous prĂ©cipiter vers cet Ă©trange rendez-vous. Le pĂšlerin de JĂ©rusalem dĂ©fenseur du Christianisme renaissant finirait son voyage prĂšs de Marie-Madeleine pas encore repentie. C’était en Juin 1806. Son dĂ©part approchait. Il m’assurait qu’il serait de retour au mois de Novembre, peut-ĂȘtre dĂ©cembre, au plus tard, au dĂ©but de l’annĂ©e 1807. Il dĂ©barqua en effet Ă  AlgĂ©siras le 30 mars 1807 et me chercha
 Mais n’anticipons pas, mĂȘme si j’ai tant envie de me remĂ©morer ces jours Ă©tonnants d’Espagne. Le Voyage en Espagne Un problĂšme le tourmentait Comment nous retrouver seuls au rendez-vous espagnol si son importune Ă©pouse l’accompagnait ? Partis tous les deux par Lyon jusqu’à Venise[106], celle-ci prĂ©tendait continuer avec lui le voyage d’Orient. TrĂšs persuasif, le traĂźtre ! Il sut lui dĂ©montrer l’impossibilitĂ© d’une telle expĂ©dition pour une femme. Comment naviguer sur n’importe quel bateau, vivre Ă  cheval, coucher sous la tente et peut-ĂȘtre faire le coup de feu avec les Turcs, les Arabes ou les brigands, accompagnĂ© d’une faible, faible femme ? -Je vous apporterai le plus beau schall[107] que je trouverai, lui promit-il et ensuite, c’est jurĂ©, je resterai toujours prĂšs de vous. Comme il savait bien parler et mentir ! Naturellement, elle se rĂ©signa et alla l’attendre Ă  Villeneuve-sur-Yonne chez Joubert. Nous l’avions Ă©chappĂ© belle ! Quant Ă  moi, j’attendis la fin de l’automne, tĂąchai de correspondre avec lui. Mais la distraction d’un domestique nous en empĂȘcha ce qui ensuite rendit difficile et incertaine notre rencontre. De relais en relais, j’arrivais Ă  La JonquiĂšre de Figueras oĂč je rencontrai Don Pedro de Souza, Holstein et Monsieur de Lima, frĂšre de l’ambassadeur du Portugal Ă  Paris qui m’offrirent de me faire escorte jusqu’à Barcelone. Le voyage s’annonçait bien. Ils partagĂšrent avec moi ces premiĂšres heures sur le sol de ce beau pays. Le 8 octobre, je quittai Barcelone pour Montserrat en Catalogne. Sortie de Barcelone par le route de San Antonio, je passai l’Hospitalet, San Felice, traversai la riviĂšre de la Noya et aperçus le Mont Serrat qui m’apparut surmontĂ© d’un tas d’édifices informes et ruinĂ©s. Au loin, ses flancs ne montraient que des rochers gris foncĂ© parsemĂ©s d’une vĂ©gĂ©tation noirĂątre et poussiĂ©reuse. A mesure que j’avançais, j’étais Ă©merveillĂ©e des beautĂ©s de ce site Des cĂŽnes cylindriques immenses, des pains de sucre semblables Ă  des pyramides placĂ©s sur une assise de rochers, isolĂ©s dans la campagne et Ă©levĂ©s Ă  plus de trois mille pieds au-dessus d’elle Mont Serrat, monts en dents de scie. La montagne calcaire est minĂ©e de longs et vastes souterrains, de grottes secrĂštes. Les eaux de ruissellement ont formĂ© des ravins impressionnants et c’est dans ce paysage grandiose que les moines de l’Ordre de Saint BenoĂźt et les ermites ont fait vƓu de rester toujours dans ce lieu. J’admirais et prenais des notes, justifiant ainsi ma prĂ©sence insolite dans ce lieu. Site et abbaye bĂ©nĂ©dictine de Montserrat Le monastĂšre est un grand bĂątiment adossĂ© Ă  la montagne avec l’infirmerie, l’hospice des Ă©trangers, pĂšlerins ou pauvres Ă  qui l’on distribue une grande Ă©cuelle de soupe et un pot de vin deux fois par jour. Il reçoit des moines, des enfants de chƓur parfois recrutĂ©s dans les grandes familles et des frĂšres convers. Douze ermites vivent dans des cellules Ă©tagĂ©es dans la montagne et suivent une rĂšgle austĂšre Maigre toute l’annĂ©e, exercices de piĂ©tĂ© et de priĂšres. Ils cultivent leurs lĂ©gumes et fabriquent de petites croix pour occuper le temps. Parmi ces ermites, il y a ceux qui cherchent dans la solitude un asile contre l’injustice des hommes et ceux qui embrassent la vie religieuse par vocation. Je me rappelle l’ermite peint par Chateaubriand dans Atala. OĂč donc avait-il eu la rĂ©vĂ©lation de cette vie solitaire ? Il faudra qu’il me raconte la genĂšse de cette Ɠuvre, pensai-je tout haut en suivant le pĂšre bibliothĂ©caire qui m’accompagnait Ă  la grotte de la Vierge au milieu d’une nature silencieuse et immobile. Je passai lĂ  quatre jours de solitude et d’exaltation religieuse inattendue et intense. DĂ©s quatre heures du matin, j’assistai aux offices, les ermites dans le chƓur chantaient dĂ©jĂ  la gloire du Seigneur. Puis je fis la tournĂ©e des ermitages. Celui de sainte Anne oĂč l’ermite plein de douceur et de sagesse, ĂągĂ© de cinquante ans Ă©tait retirĂ© du monde depuis vingt-cinq ans et ne regrettait rien de ce qu’il avait connu avant. Il vivait dans la compagnie des oiseaux qu’il apprivoisait. J’allais Ă  l’ermitage de saint Sauveur puis Ă  celui de sainte Catherine oĂč l’ermite Ă©tait un ancien soldat, celui de saint Jean occupĂ© par le plus jeune, tout en haut et qui me dit naĂŻvement qu’il Ă©tait moins ennuyĂ©, l’hiver, quand il n’avait pas de visite. Je le quittai aussitĂŽt. Bonne Ă©lĂšve, scrupuleuse, je notais tout, recueillant l’histoire de chaque ermite, copiant la rĂšgle stricte du monastĂšre, me renseignant sur les moyens d’existence, la part des charitĂ©s. C’est aussi avec un grand plaisir que j’exerçais mes talents[108] de dessinatrice, travaillant mĂȘme Ă  la plume certains croquis. J’en fis autant plus tard dans les auberges, saisissant sur le vif, caricaturant mĂȘme les personnages les plus pittoresques. A Montserrat, je regagnais le soir ma cellule glacĂ©e. J’étais repue de fatigue mais le temps avait passĂ© vite. Je mĂ©ditais sur la vie monastique. Prisonniers volontaires, ces hommes m’apparaissaient sublimes et simples Ă  la fois
Vie difficile, mais tentante aussi. Je n’étais pas encore prĂȘte pour une telle vie. Il me fallait satisfaire un besoin impĂ©rieux qui accaparait toute ma volontĂ© et, en attendant d’avoir repris mon libre-arbitre, suivant le programme minutieusement Ă©tabli, je repris ma route. J’avais trois mois d’avance pour le rendez-vous de l’Andalousie. En me rapprochant de ce lieu, il me semblait que j’allais accĂ©lĂ©rer le cours du temps. J’errais deux mois dans ce beau pays. J’attendis Ă  Grenade, dessinant tous les monuments que les Mores y ont laissĂ©s. Grenade J’étais livrĂ©e Ă  des moments de dĂ©couragement pendant lesquels je me tenais seule, terrĂ©e dans une auberge, en proie Ă  des cauchemars Quelqu’un m’apparaissait, un naufragĂ© peut-ĂȘtre, m’appelant Ă  son secours mais mon corps paralysĂ© refusait de se mouvoir. Ma femme de chambre habituĂ©e Ă  ces bizarreries veillait sur moi avec la tendresse d’une sƓur. Ma mĂšre avait une confiance absolue dans sa patience et son dĂ©vouement et n’avait cĂ©dĂ© Ă  mes priĂšres que dans la mesure oĂč Julie avait acceptĂ© de m’accompagner. Dans cette Espagne cosmopolite, j’eus aussi l’occasion de faire des rencontres intĂ©ressantes des Anglais, des Portugais et quelques Français exilĂ©s du rĂ©gime impĂ©rial, des nĂ©gociants, des politiciens, des oisifs. De tous, je recueillais des informations sur les plus beaux monuments du pays, m’enthousiasmais pour sa civilisation, ses coutumes. J’appris Ă  danser les pas du folklore local, la seguedille, la jota. Je jouais passablement de la guitare et m’entraĂźnais aux castagnettes. J’adoptais les costumes du pays, frĂ©quentais les indigĂšnes et perfectionnais mes connaissances dans la langue et la littĂ©rature de ce pays. Jean Guillaume Hyde de Neuville 1776-1857 A Cadix, je fis la connaissance de Hyde de Neuville[109] et de sa jeune femme qui se prĂ©paraient Ă  embarquer sur le Golden Age » pour les États-Unis. Ils Ă©taient peu pressĂ©s. Nous nous dĂ©couvrĂźmes un grand nombre de relations communes Ă  Paris. Hyde de Neuville avait Ă©tĂ© de tous les complots royalistes. Il passait sa vie Ă  Ă©chapper Ă  toutes les surveillances, Ă  toutes les polices. Il me narra ses nombreuses arrestations avec beaucoup de gaĂźtĂ©. A Londres, Ă  Jersey, il avait rencontrĂ© tous les personnages de l’émigration l’évĂȘque d’Arras, le duc de LĂ©vis, le comte de Vaudreuil, le duc de Bourbon et naturellement le comte d’Artois. Il me parla de Cadoudal, du Cordon rouge », de leurs Ă©checs. Hyde Ă©voquait les gens de Paris avec cette grande libertĂ© qu’on ressent loin de sa patrie avec des amis devenus soudain intimes parce qu’ils parlent la mĂȘme langue et qu’on Ă©prouve dĂ©jĂ  un peu de nostalgie. Il Ă©tait si drĂŽle, si plein d’imprĂ©vu que les jours s’écoulĂšrent plus vite auprĂšs de ce couple charmant. La semaine sainte commençant, c’était le moment de visiter SĂ©ville, cette curieuse citĂ© dont les processions cĂ©lĂšbres font accourir de loin des foules hystĂ©riques souvent en dĂ©lire Ă  force de mysticisme, parfois mĂȘme indĂ©centes. Nous visitĂąmes plusieurs Ă©glises renfermant des trĂ©sors de peinture La chapelle des Capucins et celle de la CharitĂ© qui possĂ©dait les plus beaux Murillo. Je restai un long moment Ă  admirer la Sainte Élisabeth » et MoĂŻse frappant le rocher ». Je fus trĂšs impressionnĂ©e par les cĂ©rĂ©monies Ă  la cathĂ©drale, le soir du Vendredi Saint. Dans cet espace immense Ă  la majestĂ© indicible, ce soir-lĂ , on reprĂ©sentait le supplice du Christ. Douze annĂ©es auparavant, mon pĂšre avait Ă©tĂ© suppliciĂ© ainsi un vendredi saint. Cet anniversaire me rendait encore plus vulnĂ©rable. Le sanctuaire seul Ă©tait Ă©clairĂ©, les fidĂšles prosternĂ©s dans une priĂšre silencieuse. Cette scĂšne me renvoyait Ă  la grandeur de Dieu et au nĂ©ant de l’homme. L’impression que je ressentais Ă©tait si puissante que je pensais me consacrer Ă  Dieu, renoncer au monde, oublier Paris. J’aspirais Ă  la vertu, Ă  la retraite, au silence du cloĂźtre. Mais comme je n’avais cessĂ© de parler Ă  mes amis de l’espoir du bonheur plus terrestre qui m’habitait, ils m’invitĂšrent Ă  la rĂ©flexion, Ă  la patience. C’était plus sage, en effet. Puis il fallut se quitter, leur dĂ©part approchait, je me rendais Ă  Cordoue oĂč je comptais travailler non seulement sur la MosquĂ©e-CathĂ©drale mais aussi sur les paysages du Guadalquivir et les vestiges du Pont Romain » qui l’enjambe. C’est alors qu’attendant en vain des nouvelles de l’Orient, je reçus de France un message inattendu qui raviva tout un passĂ© douloureux. Ma cousine Vintimille m’annonçait le dĂ©cĂšs accidentel » de Charles Vintimille du Luc. Une mort mystĂ©rieuse qu’elle n’expliquait pas. Mes vieux dĂ©mons du malheur me visitĂšrent de nouveau. Je savais qu’il Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ© par mes refus. Notre derniĂšre rencontre m’avait laissĂ© un souvenir dĂ©chirant. La qualitĂ© rare de cet homme, victime comme moi d’un monde cruel et libertin avait forcĂ© mon amitiĂ© et mon pardon. Pour lui, c’était insuffisant et inutile. AccablĂ©e, me sentant vaguement coupable, je pris le deuil. Et l’on vit Natalie, la douloureuse, retourner Ă  Grenade une derniĂšre fois, presque sans espoir. Les dieux de l’amour l’avaient abandonnĂ©e. Je me remis Ă  parcourir les collines rouges, laissant mes domestiques au pied des rochers, errant comme une Ăąme en peine, seule et sans amis. Je songeais Ă  rentrer Ă  Paris[110]. Le destin en dĂ©cida autrement. L’homme ne dirige pas sa vie. Le charme magique qui, selon la croyance populaire, protĂšge l’Alhambra allait agir sur nous. Je rĂ©solus de passer une derniĂšre journĂ©e dans le palais de Charles Quint oĂč l’Empereur avait vĂ©cu les rares heures de bonheur de son existence et sa lune de miel avec Isabelle de Portugal. Je passais un long moment immobile devant le plafond de la salle des ambassadeurs dont les peintures reprĂ©sentent les sept cieux dont parle le Coran. J’avais copiĂ©, sans savoir les dĂ©chiffrer, les arabesques qui dansent sur les arcs des alcĂŽves, imaginant les tailleurs de pierre, les ciseleurs de bois, les modeleurs de plĂątre, les assembleurs d’azulejos qui Ă©difiĂšrent ce palais d’ombre et de lumiĂšre. Avant de quitter dĂ©finitivement ce lieu d’enchantement, je m’installai pour la derniĂšre fois dans la cour des Lions lĂ  oĂč se dĂ©roulait la vie privĂ©e du Sultan. J’étais assise dans le patio prĂšs de la fontaine d’oĂč l’eau jaillit de la gueule des douze lions, j’avais sorti mon chevalet. C’est alors que le miracle se produisit. Il me toucha lĂ©gĂšrement le bras. Je levai les yeux et manquai mourir d’émotion en le reconnaissant. -Je vous attendais, murmurais-je simplement. -Je suis lĂ , rĂ©pondit mon Sultan. D’épreuves en Ă©preuves, il avait touchĂ© au port, il avait gagnĂ© la rĂ©compense de l’initiĂ© que j’avais promis de lui offrir au terme de son voyage. Les heures qui suivirent nous donnĂšrent un aperçu du paradis. Tout s’était liguĂ© pour rĂ©unir Natalie et RenĂ© dans le plus beau des dĂ©cors, sous le soleil le plus fabuleux. -Dieu l’a voulu ainsi, me dit-il. Il fallut refaire connaissance, ĂŽter les hardes de deuil qui offusquaient le soleil et cĂ©lĂ©brer le jour. Noirci par le soleil, exaltĂ© par ses aventures, rempli de la supĂ©rioritĂ© de l’Orient, victorieux des dangers courus en Palestine, Chateaubriand se prenait pour un hĂ©ros de la chrĂ©tientĂ©. Il parlait de JĂ©rusalem comme de Montmartre et se montrait d’une gaĂźtĂ© sans rĂ©serve, d’une verve inconnue. L’ennui, le mal de vivre, la mĂ©lancolie, c’était bon pour Paris, bon pour Combourg. Mais Ă  Grenade, ce fut la fĂȘte paĂŻenne et le dĂ©fenseur du christianisme devint mon faune, mon prisonnier volontaire. Pour lui, DolorĂšs joua des castagnettes, dansa la Jota. Un couple insolite apparaissait une andalouse et un grand vizir qui se jouaient mutuellement la comĂ©die, riant, s’enlaçant, parlant sans cesse, tous les deux Ă  la fois puis se taisant pour mieux se caresser et ressentir le plaisir intense de la petite mort. De longs moments de plaisir encore et encore recommencĂ©s, Ă  peine interrompus par une fatigue inconnue et bienfaisante qui nous terrassait. Nous Ă©tions dĂ©barrassĂ©s de toutes les contraintes mondaines, de tout dĂ©sir de paraĂźtre, nous Ă©tions vivants enfin, et jeunes encore. Il Ă©tait gai, insouciant, bon enfant. Je laissais Ă©clater ma fantaisie, heureuse pour la premiĂšre fois de ma vie d’ĂȘtre une femme. Pour sa part, RenĂ© avait oubliĂ© Lucile. Rien ne peut exprimer cet Ă©blouissement de plaisir. Mais ce qui se passa entre nous resta un grand mystĂšre pour tous. Notre secret fut bien gardĂ©. Carpe diem ! Disait ce paĂŻen de retour des lieux saints. Nous profitĂąmes du jour et de la nuit. Par les soirs embaumĂ©s, dans le dĂ©cor des sierras, nous Ă©tions bien prĂȘts de croire que ce palais grandiose n’avait pour destin que celui d’abriter notre extraordinaire rencontre. Nous avions mĂȘme oubliĂ© que nous en avions fixĂ© le rendez-vous ! RenĂ© grava nos noms enlacĂ©s, pour l’éternitĂ©, pensions-nous, sur l’une des colonnes de la Cour des Lions. Quelqu’un les a effacĂ©s volontairement mais le souvenir de ces lettres mĂȘlĂ©es reste Ă  jamais inscrit dans nos cƓurs. Si Chateaubriand entreprend un jour d’écrire ses mĂ©moires, quelqu’un, peut-ĂȘtre, effacera aussi son rĂ©cit de l’Espagne afin d’en effacer Ă  jamais la mĂ©moire, insoutenable, pour toutes celles qui ont occupĂ© sa vie aprĂšs moi. Retour en France Tout a une fin ici-bas. On ne peut arrĂȘter le cours du temps. Celui du bonheur passe vite. Inutile de demander quelques moments encore. Un matin, semblant s’éveiller d’un songe, RenĂ© regarda son image dans l’eau des fontaines et redĂ©couvrit Monsieur de Chateaubriand. Quand il eut mis au point pour la postĂ©ritĂ© les chapitres de l’ItinĂ©raire de Paris Ă  JĂ©rusalem, qu’il eĂ»t Ă©puisĂ© tous les ensorcellements de l’Andalousie, qu’il eĂ»t fait provision de souvenirs et d’impressions, il lui tarda de montrer son gĂ©nie Ă  la France, au monde. Nous pliĂąmes bagage et fouette cocher ! MĂ©lancoliquement blottis au fond de la grande berline, main dans la main, les yeux tournĂ©s vers le paysage, nous nous laissĂąmes emporter par les six mules tintinnabulantes. C’est presque en hĂąte que nous remontĂąmes par Aranjuez, Madrid et l’Escurial, Burgos, Vittoria. A Bayonne dĂ©jĂ , il fallut se sĂ©parer. Toujours cette contrainte sociale, mon pĂšre Ă©tait un personnage connu Ă  la Cour en Espagne. Quelqu’un pouvait nous reconnaĂźtre. Les convenances sociales, misĂ©rables lois non Ă©crites saccageaient ma vie avec une constance implacable. Il traĂźna encore Ă  Bayonne, Ă  Pau, Ă  Bordeaux. - Tu seras encore prĂšs de moi, mĂȘme Ă  cent lieues, me disait-il alors que mon chagrin Ă©clatait en nous quittant. - Rendez-vous Ă  Angerville, Ă  l’auberge quand j’y passerai dans peu de temps.[111] Je rentrai vite, trĂšs vite Ă  MĂ©rĂ©ville et seule, comme j’en Ă©tais partie. Alors, mon miraculeux bonheur commença Ă  glisser de mes doigts, grain Ă  grain, jour aprĂšs jour. Je savais que le bonheur n’est qu’une illusion, qu’il s’échappe dĂ©s qu’on croit le saisir, je connaissais dĂ©jĂ  les ruses que mon amant allait employer pour me fuir. Je ne le verrais plus qu’en passant, au milieu d’une foule de gens qui m’ennuyaient d’avance. Cette derniĂšre nuit Ă  Angerville avait dĂ©jĂ  le goĂ»t de la nostalgie des fins de chapitre d’un roman rĂ©ussi mais trop court. Alexandre de Laborde, Voyage pittoresque et historique de l'Espagne Monsieur de Chateaubriand fit son entrĂ©e Ă  Paris le 5 juin 1807, pas tout Ă  fait un an aprĂšs son dĂ©part. Julien, son valet de chambre qui en savait long sur ce voyage Ă©tait aux cĂŽtĂ©s de son maĂźtre. Il savait garder les secrets. Le retour du voyageur fut fracassant. Comme un artiste sur la scĂšne, le grand homme mĂ©nagea son entrĂ©e. Lorsque mon frĂšre publia son Voyage pittoresque et historique en Espagne », Chateaubriand lui fit naturellement l’honneur d’un article[112] dans le Mercure de France » oĂč il faisait l’éloge de Mesdames de France dont il avait vu le tombeau et profita de l’occasion pour attaquer NapolĂ©on Lorsque dans le silence de l’abjection, on n’entend plus retentir que les chaĂźnes de l’esclavage et la voix du dĂ©lateur, lorsque tout tremble devant le tyran et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mĂ©riter sa disgrĂące, l’historien paraĂźt chargĂ© de la vengeance des peuples c’est en vain que NapolĂ©on prospĂšre, Tacite est dĂ©jĂ  dans l’Empire ». Quelle insolence ! Quel crime de lĂšse-majestĂ© ! S’indigna aussitĂŽt le cardinal Fesch qui dĂ©testait le vicomte[113] et qui s’empressa de faire parvenir l’article Ă  l’Empereur. Il ne faut pas sĂ©vir, plaida le cher Fontanes, l’honneur d’ĂȘtre comparĂ© Ă  un tel gĂ©nie rejaillira sur vous. C’est ainsi qu’au lieu d’ĂȘtre sabrĂ© sur les marches des Tuileries », notre cher Tacite fut seulement exilĂ© Ă  quelques lieues de Paris. Il acheta la VallĂ©e aux Loups[114], une petite maison Ă  Aulnay, prĂšs de Sceaux, une espĂšce de grange sans cour avec un verger plantĂ© de mauvais pommiers. La tour Velleda Ă  la VallĂ©e aux loups Je me rendis souvent en visite obligĂ©e ou mieux seule et clandestine, passionnĂ©e du gĂ©nie qui composait les plus belles pages de son Ɠuvre dans cet asile aux champs. Franchissant la petite porte, j’allais le retrouver. Le maĂźtre Ă©tait parfois d’humeur sĂ©rieuse. Une rĂ©flexion s’engageait Ă  propos des moralistes. Montaigne lui Ă©tait suspect ainsi qu’il l’avait Ă©tĂ© Ă  Pascal, Ă  Malebranche, comme Ă  tous ceux qui, reconnaissant que l’homme est imparfait, faible, vicieux cherchent Ă  le discipliner, Ă  le rĂ©former. L’homme avait-il son libre arbitre ? Je soutenais qu’il Ă©tait supĂ©rieur Ă  l’animal parce qu’il a su recevoir la VĂ©ritĂ© et qu’il peut la refuser. Nous nous liguions contre Voltaire, coupable d’avoir rĂ©pandu des idĂ©es philosophiques dont s’étaient emparĂ© des hommes brutaux et barbares Tous les maux qu’on a fait naĂźtre appartiennent Ă  celui qui fut leur premiĂšre origine ; les autres n’en sont que les instruments, les manƓuvres ». D’autres soirs, nous recommencions Ă  jouer la comĂ©die. Il lisait un chapitre des Martyrs puis, s’arrĂȘtait, me regardait Ă©trangement - Regarde-moi, Tu es VellĂ©da [115]! - Que vais-je devenir ? -Prends la faucille d’or, tranche-toi la gorge ! Ton amour criminel est dĂ©couvert ! -Eudore, je t’en supplie ! Sauve-moi ! C’était Ă  la fois tragique et comique. Incorrigibles, nous jouions encore. Il m’aimait. Du moins, il me le disait, jusqu’au jour oĂč ce fut Je vous ai aimĂ©e ». Alors je fus importune. J’espĂ©rais encore. L'arboretum de la VallĂ©e aux Loups Se sentant du goĂ»t pour les jardins, il transforma le terrain du Val en une superbe plantation d’arbres d’ornement qu’il venait chercher Ă  MĂ©rĂ©ville[116] des catalpas, des sophoras, des mĂ©lĂšzes et surtout des cĂšdres du Liban. C’était au dĂ©but un prĂ©texte Ă  de nouvelles rencontres. CĂ©leste de Chateaubriand habitait la VallĂ©e aux Loups. Elle y recevait une sociĂ©tĂ© dans laquelle je n’étais pas toujours conviĂ©e. RenĂ© ne m’appartenait plus. Je guettais les moindres attentions qu’il accordait aux dames prĂ©sentes. Un seul regard surpris Ă  une autre me jetait dans les affres de la jalousie la plus douloureuse. Sans cesse mĂ©fiante, je le harcelais de questions. AdorĂ©, adulĂ© par toutes, il s’impatientait de mon attitude. Nos relations Ă©taient moins confiantes, plus tendues. -Vous ĂȘtes pire que CĂ©leste, me lançait-il. Je serrais sur mon cƓur le petit bijou, la grenade, qu’il m’avait offert Ă  notre retour d’Espagne. Je lui avais jurĂ© de ne jamais m’en sĂ©parer. Lors de nos querelles, je le lui jetai au visage, le ramassant ensuite dans des sanglots de dĂ©sespoir et de confusion et il me pardonnait. Pendant ses sĂ©jours Ă  MĂ©rĂ©ville, il se montrait affable mais occupĂ©, travaillant seul, lisant Ă  haute voix le soir les chapitres travaillĂ©s la veille. Toute la compagnie Ă©tait assemblĂ©e dans le grand salon. Il avait soigneusement prĂ©parĂ© ses lectures, indiquant par des signes la mĂ©lodie de la phrase, annotant certains mots, marquant les arrĂȘts respiratoires. Je recopiais parfois quelques chapitres comme Pauline de Beaumont son amie dĂ©cĂ©dĂ©e Ă  Rome l’avait fait autrefois, comme Juliette RĂ©camier le fait peut-ĂȘtre maintenant. Je ne pouvais m’empĂȘcher d’admirer l’harmonie de sa phrase, le choix prĂ©cis des mots. A un tel gĂ©nie de la langue tout devait ĂȘtre pardonnĂ© et je ne cessais de le tourmenter. Je me morigĂ©nais, lui promettant plus de patience. Quand je lui annonçais mes intentions, il souriait et acceptait les excuses. Il improvisait aussi des contes pour distraire les invitĂ©s. Un soir, ce fut celui du revenant Un moine apparaissait Ă  un jeune chevalier dans un chĂąteau et le conduisait dans le caveau sĂ©pulcral oĂč se trouvait un trĂ©sor. Le chevalier marchait le premier devant l’ombre qui le suivait. Il ne fallait pas se retourner. C’était effrayant. J’étais plus que tout autre impressionnable mais n’aurais voulu pour rien au monde manquer ces expĂ©ditions nocturnes avec lui. Nous descendions dans les caves du chĂąteau Ă  la faible lueur d’une chandelle. Il y a lĂ  les vestiges d’une ancienne tour. Ce n’était pas Combourg mais l’imagination aidant, RenĂ© frissonnait le premier, me tendait la main. Comme Lucile qu’il avait tant aimĂ©e, pleine d’angoisse, n’osant me retourner, je le suivais. Quand le temps le permettait, nous allions faire ces expĂ©ditions dans les Grottes, et le chemin qui nous y conduisait Ă©tait un prĂ©lude Ă  l’émotion profonde que je ressentais Ă  ces promenades nocturnes. Comme je souffrais de mille maux – imaginaires, ricanaient certains – ma mĂšre avait fait appel Ă  un cĂ©lĂšbre mĂ©decin de Paris dont j’ai oubliĂ© le nom, j’en ai tant vu ! Au cours du voyage, sur le chemin de la vallĂ©e de Saclas, il eut un grave accident de voiture. Lorsqu’on apprit la nouvelle, me sentant responsable, je sombrai tout Ă  coup dans un accĂšs de larmes que rien ne pouvait calmer. Tous s’affairaient autour de moi, sauf celui que j’appelais dans le fond de moi. Il restait tranquillement assis au fond d’une bergĂšre, feuilletant une gazette, sans un mot, sans un regard. La vie reprit, ponctuĂ©e de scĂšnes auxquelles il rĂ©sistait aisĂ©ment tandis que je m’épuisais. Pour le fuir, pour me fuir, je dĂ©cidais de voyager, saisissant toutes les occasions Prendre les eaux, visiter un pays inconnu, rendre visite Ă  un parent. A peine mes bagages Ă©taient-ils dĂ©faits que je songeais Ă  une nouvelle destination. J’accompagnais parfois mon Ă©poux Charles de Noailles pour une visite Ă  Mouchy oĂč sa famille vivait le plus discrĂštement possible afin de ne pas attirer l’attention du maĂźtre de la France qui ne songeait qu’à s’emparer des hommes, soit pour les placer dans son administration, soit pour les enrĂŽler dans ses rĂ©giments, soit pour les marier s’ils ne l’étaient pas encore Ă  quelque parti utile Ă  sa gloire. Il appelait cette opĂ©ration le ralliement » de l’ancienne noblesse. A la fois admiratifs et effrayĂ©s, la famille Ă©tant partagĂ©e Ă  son sujet, nous passĂąmes ainsi l’Empire. L’annĂ©e 1812 fut terrible. Pour la premiĂšre fois de sa vie, Madame d’Houdetot manqua Ă  ses amis ». Le charmant abbĂ© Delille en fit autant. Ils Ă©taient si ĂągĂ©s tous deux qu’on pouvait aisĂ©ment les croire morts depuis longtemps. Tout un monde disparaissait avec eux. BientĂŽt, ce qui devait constituer l’avenir de la France disparut Ă  son tour Toute la belle jeunesse ensevelie dans les glaces de la retraite de Russie. Une armĂ©e entiĂšre vaincue DĂ©sastre incroyable aprĂšs les campagnes si glorieuses qui avaient prĂ©cĂ©dĂ©. LĂ©ontine n’aura connu que trois annĂ©es de bonheur conjugal. Quand elle apprit comme tant d’autres que son mari avait Ă©tĂ© tuĂ© au passage de la BĂ©rĂ©sina, son chagrin d’abord fit peine Ă  voir, puis pleine de ressentiment, elle commença Ă  attendre la chute de ce monstrueux empire. Mais la main ferme de NapolĂ©on avait Ă©touffĂ© toutes les passions politiques. Pour ma part, je prĂ©voyais et redoutais les calamitĂ©s qui accompagneraient la fin du tyran. L’arbitraire de son despotisme devenait insupportable, la conscription s’abattait sur tous et l’on ne savait plus rien. Lettres, journaux, conversations, tout Ă©tait censurĂ©. Plus dramatique encore On commençait Ă  souhaiter la victoire des ennemis de la patrie au prix de sa propre tranquillitĂ©, de sa propre ruine mĂȘme. Alors, ce furent les campagnes d’Allemagne puis de France pendant lesquelles les nouvelles reçues le matin Ă©taient dĂ©menties Ă  midi, frappant d’incertitude les plus dĂ©terminĂ©s. Une gazette arrive. Nous apprenons l’entrĂ©e des AlliĂ©s dans Paris, le mouvement royaliste, l’entrĂ©e du comte d’Artois Ă  Nancy, la formation d’une Garde Royale de laquelle mon Ă©poux brigue le commandement. Le Roi Louis dix-huit » avait quittĂ© Harwell et dĂ©barquait Ă  Boulogne. 31 Mars 1814, Paris capitulait. Et tandis que l’Empereur vaincu rejoignait son exil Ă  l’Ile d’Elbe, le 3 mai, le Roi faisait son entrĂ©e Ă  Paris. Une charte Ă©tait octroyĂ©e aux Français et si les nominations ne comblaient pas les ambitions des fidĂšles dĂ©concertĂ©s, on voulait croire en la paix. A peine avions-nous compris ces changements que NapolĂ©on dĂ©barquait Ă  Golfe Juan le premier mars 1815. Il se prĂ©parait Ă  faire une entrĂ©e triomphale Ă  Paris. Un vĂ©ritable coup de théùtre pour tous les royalistes Ă  peine installĂ©s dans leurs nouvelles sinĂ©cures. Ce que personne ne savait, c’est que NapolĂ©on ne disposait que de cent jours pour assurer son trĂŽne contre l’Europe entiĂšre coalisĂ©e contre lui. Le 18 juin, l’incroyable aventure s’achevait par la dĂ©bĂącle la plus complĂšte. La France aura-t-elle un poĂšte[117] pour pleurer sur cette morne plaine de Waterloo ? Dans l’ombre cependant, des FouchĂ©, Talleyrand et autres arrivistes complotaient vilainement. NapolĂ©on repartait en exil, le Roi revenait, Monsieur revenait, la cour revenait. Vaste chassĂ©-croisĂ© angoissant pour chaque Français qui se demandait ce que demain lui apporterait. Quand donc tout cela finirait-il ? Et comment? L’étranger occupait Paris, les Cosaques sautaient le mur du parc de MĂ©rĂ©ville, enfonçaient les croisĂ©es, vidaient les magasins d’approvisionnement. Non, ils ne mangeaient personne comme la rumeur s’était rĂ©pandue. Ils avaient besoin de vĂȘtements chauds et arrachaient les tentures pour se couvrir. Ils avaient faim mais exigeaient d’abord du fourrage pour leurs chevaux. Les dĂ©bris de l’armĂ©e française inondaient les routes et les dĂ©serteurs isolĂ©s, plus dangereux que l’armĂ©e rĂ©guliĂšre, s’égaraient dans les campagnes. Tous Ă©taient de pauvres diables, Ă©clopĂ©s, dĂ©figurĂ©s, Ă©puisĂ©s qui mendiaient leur pain ou un abri. La confusion Ă©tait partout. Mais l’ambition, la fourberie, la lĂąchetĂ©, toutes ces hautes vertus politiques se dĂ©ployaient en plein jour. Le midi subissait la Terreur blanche. On fusillait, on pendait
 Tout allait donc recommencer ? Je ne bougeais plus de MĂ©rĂ©ville. Qui craindre le plus des royalistes, des jacobins ou des bonapartistes ? Alexandre, mon frĂšre, qui avait Ă©tĂ© nommĂ© maire de MĂ©rĂ©ville par l’Empire fut aussitĂŽt destituĂ© par le nouveau gouvernement royaliste. C’est en parcourant les champs, Ă  pied, que je tentais de me calmer. Mais la plupart du temps, j’étais la proie d’une invincible angoisse. Je pensais avec inquiĂ©tude qu’il faudrait vendre le chĂąteau, les fermes, les moulins, les terres dont l’entretien Ă©tait devenu trop lourd depuis que la prodigieuse fortune de mon pĂšre avait sombrĂ© dans la dĂ©bĂącle. J’espĂ©rais pouvoir acheter une chaumiĂšre » pour m’accueillir comme la VallĂ©e aux Loups avait accueilli Monsieur de Chateaubriand. Il venait encore me voir parfois[118], promettant de venir plus souvent. Mais la rupture dĂ©finitive approchait. Je la sentais mais je ne l’aurais pas imaginĂ©e aussi cruelle. Depuis la chute de l’Empire, il Ă©tait Ă  nouveau en proie Ă  ses ambitions politiques. Je le dissuadais de se prĂ©cipiter, lui conseillant d’attendre. Plein d’impatience, il n’écoutait pas, comptant sur Madame de Duras[119] sa chĂšre sƓur » dont j’étais affreusement malheureuse. Pourtant, par une conduite injustifiable, je me confiais Ă  cette amie. De son cĂŽtĂ©, elle en faisait autant. Je connaissais l’amĂšre dĂ©ception que lui causait sa fille aĂźnĂ©e, FĂ©licie, qui Ă©pousait la cause de Monsieur de la Rochejacquelin[120] dont elle l’avait dĂ©tournĂ©e de toutes ses forces. Claire et moi, nous Ă©tions amies et malgrĂ© ses dĂ©nĂ©gations, nous Ă©tions rivales. Toutes deux angoissĂ©es et jalouses. Le 20 septembre 1816, Monsieur de Chateaubriand par une conduite que j’avais su prĂ©voir et contre laquelle je l’avais mis en garde perdit son titre et sa pension de Ministre d’Etat. Il dut se rendre Ă  l’évidence Ses embarras financiers devenaient tels qu’il dut mettre en vente sa belle bibliothĂšque puis sa chĂšre maison en loterie. C’était une vĂ©ritable tragĂ©die. Tant de souvenirs l’attachaient, nous attachaient Ă  cette maison ! Juliette RĂ©camier vers 1807, par Firmin Massot. MusĂ©e des Beaux-Arts de Lyon Or j’appris bientĂŽt que Juliette RĂ©camier, la belle des belles » venait de la louer Ă  M. de Montmorency qui avait finalement achetĂ© la VallĂ©e aux Loups. J’entrevis toute l’horreur de cette situation. A force de scĂšnes violentes et inutiles, Natalie et RenĂ© avaient brisĂ© leurs liens aprĂšs une scĂšne plus violente. Il m’avait rendu les souvenirs que je lui avais donnĂ©s. J’en avais fait de mĂȘme. Dix annĂ©es de relations passionnĂ©es s’achevaient. Mais j’espĂ©rais encore. Or, avec son installation Ă  La VallĂ©e, par un extraordinaire tour de passe-passe, Juliette RĂ©camier, la froide, l’orgueilleuse, l’impĂ©rieuse[121], allait rĂ©gner Ă  ma place, j’en Ă©tais dĂ©jĂ  sĂ»re, dans la vie de Monsieur de Chateaubriand, mon sultan bien-aimĂ©. Un soir, dans la grande cheminĂ©e du salon Ă  MĂ©rĂ©ville, je jetai tout, brĂ»lant les billets, les lettres, les portraits que j’avais dessinĂ©s de lui, et mĂȘme les ouvrages que nous avions lus ensemble et qui m’avaient ensorcelĂ©e. Je croyais que tous les signes de notre rencontre ayant disparu, son souvenir mĂȘme s’évanouirait. Je me trompais. N’ayant plus rien de lui, plus rien ne me retenait Ă  la vie. J’avais Ă©tĂ© VellĂ©da. Elle avait une faucille d’or, J’allais m’en servir. Mais Natalie n’en avait pas. Ce stupide dĂ©tail arrĂȘta mon bras. Je me surprenais Ă  dĂ©lirer et m’en affligeais. AbandonnĂ©e de tous et de tout, je sombrais dans un dĂ©sespoir profond. Ma mĂšre une fois encore eut grande pitiĂ© de sa pauvre enfant et vint Ă  mon secours. Un petit sĂ©jour aux eaux de Vichy pendant la saison 1816 allait me permettre de reprendre mon souffle. EscortĂ©e de ma femme de chambre et de mon domestique, comme c’était l’usage, j’arrivai le 19 mai, m’inscrivis parmi les buveurs d’eau » de la station. Madame de Duras et sa fille Clara me tenaient compagnie. Pendant ce sĂ©jour, Chateaubriand Ă©crivit pour nous inviter Ă  venir le rejoindre pour oublier sous le beau soleil, au milieu des arts, la politique, les petites gens et les trop longues inquiĂ©tudes qui nous agitent depuis tant d’annĂ©es ». Je lui avais racontĂ© mes promenades avec Mathieu MolĂ© qui Ă©tait venu lui aussi prendre les eaux dans le but de rĂ©tablir sa santĂ© dĂ©labrĂ©e ». Chateaubriand ne l’apprĂ©ciait guĂšre, il jugeait que je ne ferais rien de MolĂ©, qu’il n’y avait ni fond ni Ă©lĂ©vation chez lui ». Quant Ă  moi, il me jugeait aussi toujours aussi lĂ©gĂšre » quoique au fond excellente » ! Mathieu[122], de son cĂŽtĂ© s’acharnait Ă  dĂ©truire l’image adorĂ©e que je portais en moi. L’intention Ă©tait louable, il tentait de me consoler. Mais en le dĂ©truisant, il me dĂ©truisait en mĂȘme temps. Il fallait aussi, me disait-il, me repentir, faire amende honorable » Mais de quoi ? Protestai-je, d’avoir osĂ© vivre ? De l’avoir aimĂ© ? Une fois de plus, nous nous quittĂąmes, peu contents l’un de l’autre. Fort Ă©prouvĂ©, il se rendit ensuite aux eaux de Saint Sauveur et se rĂ©pandit en lamentations sur mon compte. Je rencontrais aussi la duchesse d’AngoulĂȘme, la jeune et belle Comtesse de Castellane et beaucoup d’autres, les cures Ă©tant l’un des passe-temps favoris de cette bonne sociĂ©tĂ© que je frĂ©quentais encore. Joseph Auguste Lucas, mĂ©decin inspecteur des eaux minĂ©rales de Vichy mĂ©decin personnel de la Duchesse d'AngoulĂȘme Je recevais les soins du baron Lucas, inspecteur des eaux. Vichy Ă©tait une petite station et je permis Ă  ce mĂ©decin d’amĂ©nager devant l’hĂŽpital une place qui pourrait servir de promenade aux malades. La place s’appellerait Rosalie du nom de ma mĂšre. Je mettais un point d’honneur Ă  poursuivre la tradition de charitĂ© de la famille de Noailles Ă  l’égard de l’hĂŽpital. Je m’intĂ©ressais aussi Ă  la plantation des arbres. Ces travaux m’engagĂšrent Ă  prolonger mon sĂ©jour au-delĂ  de la saison. Annet Noyer qui remplaçait le baron Lucas lorsqu’il rĂ©sidait Ă  Paris en hiver, habitait La Maison du Rocher, prĂšs de l’hĂŽpital. C’est lĂ  qu’il consultait et prenait parfois des pensionnaires. Victor Noyer, son fils avait fait ses Ă©tudes de mĂ©decine grĂące Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© des Laborde. Reconnaissant, il s’intĂ©ressa Ă  moi, patiente insolite. Abandonnant la sociĂ©tĂ©, je me soumettais Ă  l’épreuve de la solitude, passais mes jours sans prononcer une parole. Je me rendis vite compte que je n’avais pas plus d’un mois de fonds Ă  prendre sur moi-mĂȘme et qu’au bout de ce temps, il fallait refaire des provisions dans le monde, Ă©couter les conversations stĂ©riles et se forcer Ă  sourire alors que le cƓur saigne. Mais surtout hĂ©las alimenter une curiositĂ© nuisible Que devient-il ? Sur qui son regard se pose-t-il ? Plusieurs fois, je renouvelais l’expĂ©rience de l’isolement volontaire. Des occupations utiles et enrichissantes pour meubler mes jours et oublier mes petits chagrins ne manquaient pas. J’allais lire la vie des grands hommes, l’AntiquitĂ© fournissait une rĂ©serve presque inĂ©puisable. LĂ , je trouverais des exemples Ă  suivre. Le monde me rĂ©pugnait par son hypocrisie et son mensonge et je me disais que la seule comĂ©die permise est celle du courage. Ce n’est point en imposer que cacher ses souffrances. Tout ce qui part de l’élĂ©vation de l’ñme est louable et c’est une preuve d’estime de soi-mĂȘme que de ne pas vouloir se montrer dans un Ă©tat d’avilissement ou simplement de faiblesse. Pendant ce temps, les langues allaient bon train sur mon compte. La duchesse de Duras mon amie » se rĂ©pandait Ă  mon sujet. Chateaubriand rĂ©pondait Il n’y a rien que je ne fisse ou que je donnasse pour voir Mouche heureuse, pour tout le bonheur qu’elle m’a donnĂ©. Je ne puis rien pour elle ! ChĂšre sƓur, c’est une dĂ©plorable impuissance que celle des amitiĂ©s humaines ». Quand Claire me rapportait ces paroles de consolations, je me sentais rĂ©confortĂ©e et je me reprenais Ă  espĂ©rer. Tout allait recommencer, comme Ă  Grenade. Mais une autre m’avait dĂ©jĂ  succĂ©dĂ© dans le cƓur inconstant de mon sultan bien-aimĂ©. Trop tard hĂ©las ! . Je me retire du Monde » C’est alors que je pris la rĂ©solution de me soustraire Ă  ce monde futile et ingrat auquel j’appartenais malgrĂ© moi. Je repris de plus belle ce que j’appelais mes errances et d’autres, les savants mĂ©decins, une manie dĂ©ambulatoire ». IrrĂ©sistiblement il me fallait partir, fuir ou me fuir, je ne sais. J’occupais mon temps Ă  voyager[123]. La comtesse de Noailles et Ramond de CarbonnniĂšres au Pic du Midi d'Ossau Tous les prĂ©textes Ă©taient bons Ă©tude d’un pays, visite des glaciers des Alpes, cures aux meilleures sources Ă  PlombiĂšres, ContrexĂ©ville, BarĂšges, retrouvailles avec des relations perdues de vue. A peine descendue de la voiture qui me ramenait Ă  Paris, j’envisageais un nouveau dĂ©part. Je croyais toujours que je serais mieux ailleurs. Des mĂ©decins m’avaient autrefois encouragĂ©e Ă  me distraire en voyageant. J’en avais pris le goĂ»t. Je ne pouvais plus m’en passer. DĂ©s les annĂ©es 1810, je sus que nous allions devoir nous sĂ©parer de MĂ©rĂ©ville devenu une trop lourde charge pour nos revenus. Je commençais Ă  explorer la campagne Ă  la recherche d’un petit domaine comme celui de la VallĂ©e aux loups. Je louais successivement plusieurs maisons proches de Paris. Je me fixais ensuite Rue Buffon dans un hĂŽtel proche du Jardin des Plantes oĂč je prenais des cours de botanique. Puis j’allai demeurer Ă  Boulogne sans y rester, un sĂ©jour trop Ă©loignĂ© de mes habitudes. C’est au printemps 1819 que s’accomplit le dernier acte du chemin de croix de ma mĂšre. La mort dans l’ñme, elle vendit le domaine de MĂ©rĂ©ville, chĂąteau, mobilier, Ɠuvres d’art, parc, fabriques et la plupart des terres et des fermes. C’était une nĂ©cessitĂ©. Nous en avions souvent parlĂ© mais cette vente fut un moment cruel comme si notre pĂšre dont c’était l’Ɠuvre, disparaissait une seconde fois. Elle ne survĂ©cut Ă  ce drame que pendant deux annĂ©es. A quatre-vingt-trois ans, elle s’éteignit pieusement chez mon frĂšre Alexandre dans son hĂŽtel rue d’Artois. Sa mort fut pour moi un coup terrible. Je perdais mon ange gardien. C’était une femme aimante, indulgente, prĂ©sente sans me contraindre. Elle avait partagĂ© ma cellule pendant la Terreur et savait ce que j’avais endurĂ© dans l’attente Ă  chaque instant de l’appel fatal. HĂ©ritiĂšre de son hĂŽtel, je le mis en location et aspirais une fois encore Ă  me retirer du monde. J’abandonnais les tracas matĂ©riels Ă  mon Ă©poux en signant une procuration Ă  son profit afin qu’il s’occupe au mieux des restes de ma fortune. Ancien hĂŽtel de Joseph Bonaparte rue du Rocher, lithographie d'Alphonse Bichebois vers 1840 J’achetais, rue du Rocher[124], la maison que j’habite en ce moment. C’est un petit hĂŽtel particulier idĂ©alement situĂ© Ă  la fois Ă  Paris et Ă  la campagne. Le quartier est excentrĂ©, proche des barriĂšres, entourĂ© de potagers. Des Folies » ont Ă©tĂ© construites au cours du siĂšcle dernier au milieu de boutiques, d’ateliers, de remises, d’épiceries, de buvettes. Celle-ci date de 1772. Construite pour les deux sƓurs Grandis de l’opĂ©ra, elle fut achetĂ©e par Joseph Bonaparte qui l’habita avec sa mĂšre et ses deux frĂšres pendant la campagne d’Égypte. En 1801, elle appartint Ă  Laetitia puis au marĂ©chal Gouvion-Saint-Cyr. J’aime connaĂźtre ceux qui m’ont ainsi prĂ©cĂ©dĂ©e dans cet asile qui constituera ma derniĂšre demeure. Mon pĂšre, durant le temps de sa splendeur avait commencĂ© Ă  mettre en valeur ce quartier. Les suppliciĂ©s de la Terreur ont Ă©tĂ© ensevelis non loin de lĂ , dans une fosse commune. Il repose parmi eux, sans sĂ©pulture. Perdue dans un monde qui me semblait tout Ă  coup trop grand, j’ai restreint mon univers Ă  cette demeure, rĂ©alisant ce rĂȘve insensĂ© de me retirer dans une retraite. Je n’y reçois personne, je n’ai pas de jour de rĂ©ception, ce qui paraĂźt inconcevable pour mes anciennes relations qui pensent que j’ai totalement perdu la raison. J’ai condamnĂ© ma porte aux importuns. Je suis seule. Ma fille et mon Ă©poux me rendent visite de temps en temps et s’affligent de ma rĂ©solution. Je me tiens au rez-de-chaussĂ©e dont les portes et les fenĂȘtres ouvrent Ă  la fois sur la cour et le jardin. Un parc de presque un hectare entoure la maison. Je peux jardiner, cultiver des fleurs et prendre l’air. Je ne passe plus la porte qui donne sur la rue. Tout m’y est devenu Ă©tranger. A l’intĂ©rieur, des fauteuils, des canapĂ©s, des bergĂšres rescapĂ©es de la rue Cerruti, quelques meubles en acajou. J’ai aussi conservĂ© les bustes de Turenne et de CondĂ© qui se trouvaient chez ma mĂšre. L’endroit le plus remarquable pour moi est sans aucun doute la bibliothĂšque avec les Ɠuvres des anciens, celles de philosophes, les auteurs classiques, des rĂ©cits de voyage. Je possĂšde aussi les cartes de Cassini et je peux voyager par l’imagination. Un grand nombre de mes livres sont Ă©crits dans la langue originale de leur auteur. Je m’applique autant que je peux Ă  lire dans le texte et, armĂ©e d’un dictionnaire, je tente d’en Ă©crire la traduction. Ainsi, si mon univers physique est Ă©troit, ce n’est pas le cas de mon esprit et mon temps est occupĂ©. Ne m’avait-il pas autrefois appelĂ©e sa docte fĂ©e ? Le premier Ă©tage est l’univers des domestiques. J’y occupe seulement une piĂšce qui me sert de bureau oĂč j’entrepose mes dessins et mes cartons. Je pourrais finir mes jours ici dans une grande paix mais les Ă©vĂ©nements que j’ai vĂ©cus pendant la Terreur m’ont laissĂ© un sentiment continuel de peur, que je suis incapable de dominer. Parfois ce sentiment devient plus aigu. Une nouvelle imprĂ©vue, un bruit insolite, une attente un peu longue exacerbe mon mal Ă  tel point que je suis paralysĂ©e. Je n’ose plus lire une gazette et je suis sans cesse sur le qui-vive. Il m’arrive de perdre conscience. Il m’arrive de crier ma douleur. J’ai besoin d’ĂȘtre rassurĂ©e. Je ne fais confiance Ă  personne, sauf Ă  mes fidĂšles domestiques que ma mĂšre en mourant a placĂ©s Ă  mon chevet, comme gardes-malades. A ma grande honte, il m’arrive de douter de leur fidĂ©litĂ©, de les dĂ©tester et de tenter de surprendre leur complot quand je les entends murmurer dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Il me semble alors que je vais mourir, incessamment. D’autres fois, j’ouvre les Essais et je retrouve Montaigne, un ami, le dernier avec lequel j’aurai parlĂ©. Dans mes meilleurs moments, je lui suis reconnaissante de me permettre d’oublier mes souffrances en m’occupant de philosophie. Il a toute mon estime lui qui sut au milieu des temps troublĂ©s couler dans l’eau trouble sans y pĂȘcher ». J’aurais pu parler avec lui avec dĂ©lices, du bien et du mal, du juste et de l’utile, de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et de l’intĂ©rĂȘt particulier, de l’homme public et de l’homme privĂ©, du libre arbitre de l’homme. Je suis scrupuleusement les chapitres des Essais » et j’écris mes propres commentaires[125]. Montaigne est un ami incomparable qui ne me déçoit jamais. J’apprĂ©cie son extrĂȘme vĂ©ritĂ©, son originalitĂ©, la soliditĂ© de son commerce. J’apprends qu’on peut prendre ses distances avec les Ă©vĂ©nements. Je mesure aussi le chemin que je dois encore parcourir, moi la passionnĂ©e, avant d’atteindre le stoĂŻcisme de mon philosophe. Une philosophie doit ĂȘtre pragmatique, ce qui implique l’obligation de se rĂ©gler sur des prĂ©ceptes. Le meilleur est je crois celui qui dit Ne fais pas Ă  autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fĂźt ». Que de malheurs seraient Ă©pargnĂ©s si on pouvait l’appliquer ! Je repasse dans ma tĂȘte tous les Ă©vĂ©nements de ma vie. Je me croyais libre, indĂ©pendante. J’étais une femme lĂ©gĂšre, coquette, fantasque, romanesque. J’ai alimentĂ© les chroniques Ă  scandales et les commĂ©rages mais il n’y avait en moi aucun calcul, aucune hypocrisie, aucune mĂ©chancetĂ© et si j’ai travesti la vĂ©ritĂ©, c’était pour ne pas effrayer ma famille et la sociĂ©tĂ© bonne et charmante que maman rĂ©unissait Ă  MĂ©rĂ©ville. Cette sociĂ©tĂ© Ă©tait bien incapable de me comprendre parce qu’elle n’allait pas au-delĂ  de l’enseignement du confesseur. AprĂšs la folie terroriste, j’ai assistĂ© aux dĂ©chirements familiaux entre ceux qui ralliaient l’Empire et ceux qui demeuraient des royalistes intransigeants. Comme nous nous Ă©tions trompĂ©s, nous, les constitutionnels de bonne volontĂ© ! Des idĂ©alistes qui croyaient l’homme naturellement bon. L’homme est un barbare qu’il faut Ă©duquer. Il faut commencer par les filles porteuses de l’avenir. Elles sont capables d’ĂȘtre autre chose que des objets dĂ©coratifs, des faire-valoir comme je l’ai souvent Ă©tĂ©. J’aurais pu me rendre utile mais personne ne m’a jamais prise au sĂ©rieux. MĂȘme Claire de Duras qui se hĂąta malgrĂ© mes conseils de remettre M. de Chateaubriand au gouvernement lors de la premiĂšre Restauration. Elle voulait se rendre indispensable mais en rĂ©alitĂ© elle voulait me prendre mon ami et clamait partout qu’elle Ă©tait pour lui une sƓur, l’hypocrite ! Claire de Duras Maintenant ni elle ni lui ne sont plus mes amis. Je ne suis l’amie de personne. Personne ne me connaĂźt plus. Personne n’a besoin de moi. Mes amis m’ont trahie. Je suis abandonnĂ©e, seule. Je vais commencer mon testament[126] car peu Ă  peu je disparais, Ă©tonnĂ©e d’avoir survĂ©cu Ă  tous ces malheurs qu’un sort injuste et cruel a jetĂ©s sur notre trop brillante famille. Destin tragique, rigueur Ă  nulle autre pareille ! Quoiqu’elle puisse dire ou Ă©crire, Claire[127] n’a qu’un but, m’éliminer ! Je n’ai pas perdu la tĂȘte, je vois bien qu’en parlant comme elle le fait, elle tend Ă  me supprimer. Comment lutter contre toutes ces forces rĂ©unies contre moi ? Mais je me mets Ă  errer de nouveau. Je suis si seule ! Ceux que j’ai aimĂ©s sont si loin de moi maintenant. 





.. A partir d’aujourd’hui, je ne veux plus de calendrier. Les jours pour moi s’écouleront comme le fleuve entre ses rives. C’est toujours le mĂȘme fleuve, jamais la mĂȘme eau mais qu’importe ? Je suis Ă  la fois la rive et le fleuve. J’ai toujours Ă©tĂ© un personnage diffĂ©rent Ă  chaque moment de ma vie. J’ai mis des masques pour dissimuler mes angoisses et plaire Ă  mes amis. Dans cette galerie de portraits imposĂ©s par la sociĂ©tĂ© qui ai-je Ă©tĂ©, comment me voyait-on ? Mademoiselle », disaient les domestiques du chĂąteau, Comtesse de Noailles, Duchesse de Mouchy, Citoyenne Laborde-fille, DolorĂšs Ă  l’Alhambra, PĂ©nitente Ă  Montserrat, Armide, Diane-chasseresse ou l’une des Sabine immortalisĂ©e par le tableau de David ? Ou seulement Natalie, la pauvre Mouche[128] ? Est-ce bien moi cette statue altiĂšre, si pure, si merveilleusement belle que Pajou destinait au petit temple de la PiĂ©tĂ© Filiale ? Me reconnaĂźtra-t-on dans la malheureuse VellĂ©da ? Il y a si longtemps que je ne suis plus la Sylphide et longtemps qu’on l’a oubliĂ©e. J’ai fait enlever tous les miroirs de la maison. C’est comme si je n’existais plus. 






 Je ne compte plus les jours ; en quelle annĂ©e sommes-nous? Je n’écris plus, j’ai abandonnĂ© mes pinceaux et mes crayons et je ne lis plus. Montaigne m’a aussi abandonnĂ©e. Je ne sais plus oĂč aller. Je suis perdue. N’allumons pas la chandelle. Ce soir, les ombres vont revenir. Elles aiment le silence et l’obscuritĂ©. Leur cortĂšge d’outre-tombe s’effraie au moindre signe de vie ici-bas. Moi seule sais les apprivoiser. Elles me parlent depuis si longtemps, Ă  l’insu de tous, du moins je le croyais jusqu’à ce soir oĂč j’entendis LĂ©ontine parler Ă  voix basse Ă  ce nouveau mĂ©decin Ma mĂšre, disait-elle, nous a toujours semblĂ©e sujette Ă  des bizarreries que la supĂ©rioritĂ© de son esprit savait dissimuler ou faire supporter. Nous ignorions, hĂ©las, qu’il s’agissait de la marche inexorable d’un mal vers une fin affreuse ». Ainsi mes proches et ma famille me disent malade et dĂ©finitivement perdue ? Qui les a informĂ©s ? Quel homme instruit de la maladie des Ăąmes peut ainsi juger implacablement et dĂ©finitivement les ĂȘtres qui lui sont confiĂ©s ? Que savent-ils ces mĂ©decins impatients, incapables d’écouter ? Que savent-ils de cette mĂ©lancolie qui remplit mon Ăąme depuis si longtemps ? Je me sens comme dĂ©possĂ©dĂ©e de moi-mĂȘme, nue et sans dĂ©fense. Quand serai-je dĂ©livrĂ©e du fardeau de la vie ? Des forces invisibles m’accablent, mes ennemis m’entourent, me traquent. Je voudrais disparaĂźtre, me terrer dans un coin toute recroquevillĂ©e comme un animal aux abois. Cependant, une voix lointaine, celle de Lucile[129], chante comme dans un murmure Combien j’ai douce souvenance / Du joli lieu de ma naissance/ Ma sƓur, qu’ils Ă©taient beaux/ Les jours de France, ĂŽ mon pays / Sois mes amours, toujours. »... LĂ , s’achĂšvent ces mĂ©moires imaginaires, reflet le plus fidĂšle possible des Ă©vĂ©nements rĂ©ellement vĂ©cus et des sentiments qu’une femme Ă©prouve en lisant le rĂ©cit d’une telle vie. Natalie de Laborde, comtesse de Noailles, duchesse de Mouchy, princesse de Poix, aprĂšs de longues annĂ©es de solitude, oubliĂ©e de tous, s’éteignit le 23 dĂ©cembre 1835, dans son hĂŽtel particulier rue du Rocher Ă  Paris, veillĂ©e par plusieurs fidĂšles domestiques. Seuls, son Ă©poux et sa fille lui rendaient visite. On la disait devenue folle. Elle avait abandonnĂ© le Monde et le Monde ne lui pardonna pas. Elle est inhumĂ©e dans la crypte du chĂąteau de Mouchy, Ă  cĂŽtĂ© de son mari dĂ©cĂ©dĂ© un an avant elle. La crypte du chĂąteau de Mouchy Son acte de dĂ©cĂšs La duchesse de Mouchy est dĂ©cĂ©dĂ©e le 14 janvier 1836 Ă  son domicile, rue du Rocher, dĂ©cĂšs constatĂ© par Ch. Goillot, Officier d’Etat civil sur dĂ©claration de Conrad Jacques Vabrane de NicolaĂŻ rentier ĂągĂ© de 58 ans et de François Bousquet ĂągĂ© de 40 ans » Le certificat de notoriĂ©tĂ© est signĂ© par Antonin Claude Dominique, Just de Noailles, duc de Poix, commandeur de l’ordre royal de la LĂ©gion d’honneur, ancien ambassadeur, Place Beauvau Ă  Paris et par Armand Maximilien François Joseph de Saint Georges marquis de VĂ©rac, 21 rue de Varennes Ă  Paris. Elle a laissĂ© pour seule hĂ©ritiĂšre de ses biens, sa fille. » NOTES [1] Natalie Luce LĂ©ontine de Laborde 1775-1835 Fille cadette de Jean-Joseph de Laborde, banquier de la cour de Louis XV et de Rosalie Nettine, fille de Barbe-Louise Stoupy, banquiĂšre de la cour d’Autriche Ă  Bruxelles et de feu Mathias Nettine, trĂ©sorier du duc de Lorraine. [2] Durand Yves, Les fermiers gĂ©nĂ©raux au XVIIIĂšme siĂšcle. Maisonneuve et Larose, 1996. p 484, Bronne Carlo Un couple brillant, les Laborde », Revue de Paris, novembre 1969. [3] D’Ormesson Jean Mon dernier rĂȘve sera pour vous, une biographie sentimentale de Chateaubriand, LattĂšs 1982, p. 121 et suivantes. L’enchanteur » est François RenĂ© de Chateaubriand 1768-1848 qui rencontra Natalie en 1805. [4] Chateaubriand peint Natalie sous les traits d’Armide dans le GĂ©nie du Christianisme. [5] Laborde fait travailler les artistes de son temps Vernet, peintre de marines qui lui rappelle Bayonne et son pays natal, Greuze qui peint les portraits de sa famille, Hubert Robert, peintre des ruines » qui invente son pittoresque parc. [6] La FertĂ©-Vidame dans le Perche. Jean-Joseph de Laborde avait achetĂ© cette illustre seigneurie en 1764 Ă  la petite fille hĂ©ritiĂšre du duc de Saint-Simon et s’était attachĂ© Ă  transformer l’antique forteresse en une demeure princiĂšre, au sein d’une forĂȘt bien entretenue, magnifique terrain de chasse. [7] de Laborde Jean-Joseph MĂ©moires des principales circonstances de ma vie que j’ai rĂ©digĂ©es pour servir d’instruction Ă  mon fils et qui contiennent, avec mes principes et mes opinions sur le commerce, sur les finances et sur les parties relatives Ă  ces deux objets d’administration, les Ă©vĂ©nements qui se sont passĂ©s sous mes yeux, depuis que le Roi m’a choisi pour son banquier ». 132 pages achevĂ©es en 1766 et conservĂ©es dans des archives privĂ©es. Ce document a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© par Yves-RenĂ© Durand dans l’Annuaire de la SociĂ©tĂ© de l’Histoire de France, annĂ©es 1968-1969. Paris, Librairie Klincksieck. Un deuxiĂšme volume annoncĂ© n’a pas Ă©tĂ© retrouvĂ©. [8] Petit de Bachaumont Louis, MĂ©moires secrets pour servir Ă  l’Histoire de la RĂ©publique des lettres en France rééditĂ© Ă  Londres chez John Adamson 1788 Tome 31, p 270, 272 et suivantes Ce cĂ©lĂšbre et talentueux mĂ©morialiste est connu pour avoir la dent dure. M. de Laborde fait exĂ©cuter ici un jardin anglais, sans contredit un des plus curieux qu’on puisse imaginer. D’ailleurs, il n’y avait qu’un pareil CrĂ©sus capable d’y suffire ». AprĂšs avoir dressĂ© ce portrait peu flatteur, Bachaumont change d’avis aprĂšs une visite Ă  MĂ©rĂ©ville en avril 1786 J’avais une fort mauvaise idĂ©e de ce financier ; mais je me suis rĂ©conciliĂ© avec lui depuis que j’ai vu qu’il faisait cet usage, sinon le meilleur mais au moins agrĂ©able et utile, de ses richesses ». [9] Pauline, Louise, JosĂšphe de Laborde 1767-1792, l’ainĂ©e des deux filles, Ă©pouse en 1783 Jean-François de PĂ©russe, baron des Cars 1747-1822, futur duc. [10] Deux des quatre fils Laborde, Edmond, de Laborde de Marchainville nĂ© en 1762, lieutenant de vaisseau et Ange Joseph de Laborde de Boutervilliers nĂ© en 1766, qui participaient Ă  l’expĂ©dition de La PĂ©rouse pĂ©rirent le 13 juillet 1788 aux cĂŽtes de la Californie » alors qu’ils portaient secours Ă  des compagnons en dĂ©tresse. Une inscription sur la colonne rostrale dans le parc de MĂ©rĂ©ville rappelle le tragique accident. [11] Maurois AndrĂ© Adrienne ou la vie de Madame de La Fayette, Hachette, 1960, p 63. [12] Durand Yves, Op citĂ©. p. 372. Tableau de Greuze La bonne mĂšre peint en 1769 conservĂ© aux archives privĂ©es Laborde. Une copie de ce tableau est conservĂ©e au musĂ©e de Tournus, ville natale de Greuze. Le tableau reprĂ©sente Rosalie de Laborde et sa mĂšre Barbe Stoupy, toutes deux pressĂ©es d’enfants, dans un cadre chaleureux et simple. Elles accueillent le maĂźtre de maison Jean-Joseph de Laborde, de retour de la chasse. Le public fut enthousiasmĂ© par cette image de famille. Madame Geoffrin au contraire dĂ©nigre cette ribambelle d’enfants ». Le couple eut sept enfants François 1761-1802, Edmond, 1762-1788, Ange, 1766-1788, Pauline, 1767-1792, Justine nĂ©e en 1767 dĂ©cĂ©dĂ©e au berceau, Alexandre 1773-1842 et Natalie 1774 -1836. [13] Baron de FrĂ©nilly 1768-1848, Souvenirs d’un ultraroyaliste, Histoire en MĂ©moires, Perrin 1987, p 37, n. 4. [14] De Laborde Jean Joseph MĂ©moires p. 116. [15] Le duc de PenthiĂšvre Louis Jean Marie de Bourbon 1725-1793, petit fils lĂ©gitimĂ© de Louis XIV et de Mme de Montespan, avait hĂ©ritĂ© d’un patrimoine foncier considĂ©rable. En 1784, Louis XVI s’empara de sa chasse de Rambouillet et lui proposa pour le dĂ©dommager d’acheter La FertĂ©-Vidame qui appartenait Ă  Laborde. Celui-ci, contraint de vendre dut se rabattre sur MĂ©rĂ©ville. En octobre 1785, Ă  Fontainebleau, le roi confĂšre Ă  Laborde le titre de marquis, transmissible. [16] Allusion Ă  Louis XIV qui, en 1661, invitĂ© Ă  Vaux-le-Vicomte Ă  la somptueuse rĂ©ception offerte par Fouquet son surintendant des finances et Ă©bloui de tant de beautĂ©, de richesses et d’art, ne put contenir sa jalousie et fit enfermer son hĂŽte Ă  la forteresse de Pignerol oĂč il mourut vingt ans plus tard. [17] Minutier central de Paris, Acte de vente chez Me Duclos-Dufresnoy XLVIII C 290. AchetĂ© Ă  la famille de La Tour du Pin en octobre 1784, MĂ©rĂ©ville Ă©tait un manoir modeste avec l’avantage cependant d’ĂȘtre plus proche de Paris ou Versailles. [18] De Cayeux Jean Hubert Robert Fayard, 1989. 19 Documents microfilmĂ©s aux AD 91 Cote 329. [20] Cette large voie, d’abord appelĂ©e avenue Laborde, a Ă©tĂ© rebaptisĂ©e en 1945 avenue du GĂ©nĂ©ral de Gaulle. On peut encore y voir quelques maisons caractĂ©ristiques de cette Ă©poque. [21] Inventaire des objets qui se sont trouvĂ©s Ă  MĂ©rĂ©ville, Maison de Laborde ci-devant banquier de la cour condamnĂ© Ă  mort. BibliothĂšque centrale du Museum national d’Histoire naturelle. Classement LinnĂ© selon le rapport de Thouin, 1794. Chateaubriand CĂ©leste de, MĂ©moires et lettres, Jadis et naguĂšre », Henri JonquiĂšres Ă©diteur, 1929. p 19 et 22. CĂ©leste de Chateaubriand qui venait aussi parfois Ă  MĂ©rĂ©ville, Ă©crit en 1830 Ces pins, tirĂ©s des pĂ©piniĂšres de MĂ©rĂ©ville et que nous devons Ă  M. de Laborde sont actuellement des arbres que les Alpes ne renieraient pas ; les cĂšdres surtout sont d’une beautĂ© remarquable ». [22] Registre paroissial de MĂ©rĂ©ville du 14 mars 1788 Ă  18 h Le temple, presque achevĂ©, s’enfonce de plus de 25 pieds du cĂŽtĂ© de la riviĂšre ensevelissant cinq compagnons. [23] 89 en Essonne, n°1 ComitĂ© de Recherches sur les RĂ©volutions en Essonne p 54 Ă  60. Deux articles sur l’orage du 13 juillet 1788 qui balaya et dĂ©vasta entiĂšrement les rĂ©coltes Ă  la veille de la moisson. [24] Le tableau du peintre Nicolas AndrĂ© Masiau intitulĂ© Louis XVI donne ses instructions Ă  La PĂ©rouse » rappelle les prĂ©paratifs de cette importante expĂ©dition scientifique partie le 29 juin 1785, jamais revenue. Il est possible que Laborde ait financĂ© une partie de cette expĂ©dition, les deux frĂšres ayant Ă©tĂ© exceptionnellement embarquĂ©s comme surnumĂ©raires. Le tableau a Ă©tĂ© commandĂ© sous la Restauration par Louis XVIII en 1817 pour montrer l’intĂ©rĂȘt de son frĂšre aĂźnĂ© pour les entreprises maritimes. [25] La PĂ©rouse de, Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole LD/DĂ©couverte 1991, p 112 et suivantes. Dans la baie des Français, sur une stĂšle dressĂ©e au 58°37’lat. N et 139°50’ Long. O, on peut lire A l’entrĂ©e du port, ont pĂ©ri vingt-et-un braves marins ; qui que vous soyez, mĂȘlez vos larmes aux nĂŽtres. » Hans-Otto Messmer, La PĂ©rouse, le gentilhomme des mers, Printer Industria, Paris France Loisirs 1990 p 194. [26] - Lesseps de Le Messager de LapĂ©rouse, Du Kamchatka Ă  Versailles, rĂ©cits introuvables, PĂŽles d’images, 77630 Barbizon. [27] Pasquier Etienne-Denis 1767-1815, Souvenir du Chancelier Pasquier Hachette 1964, ch. II, La RĂ©volution », p 41 et suivantes. Baron de FrĂ©nilly, p 91. [28] Durand Yves MĂ©moire de Jean-Joseph de Laborde » op citĂ©, p 95. Madame du Deffand, 1742-1780 Lettres. Le Temps retrouvĂ© », Mercure de France, 2002. Dans une lettre du 3 mars 1770 Ă  Horace Walpole p 327, 328, 329, elle raconte M. de Choiseul apprit cet Ă©vĂ©nement, dont, si l’on n’y avait remĂ©diĂ© promptement, il pouvait s’ensuivre une banqueroute gĂ©nĂ©rale. [29] BruguiĂšre Michel Gestionnaires et profiteurs de la RĂ©volution, Paris, Olivier Orban, 1989, p 37. François NoguĂ© a Ă©pousĂ© la sƓur aĂźnĂ©e de Laborde, Jeanne Orosie de Laborde [30] de Laborde François, Opinion de M. de Laborde de MĂ©rĂ©ville sur le plan proposĂ© Ă  l’AssemblĂ©e nationale par le comitĂ© chargĂ© de l’examen des plans de finances et Discours pour l’établissement d’une banque publique 5 dĂ©cembre 1789 Paris Imprimerie nationale 1789 MĂ©moires de l’AbbĂ© Morellet ; Sur l’AcadĂ©mie française, sur le XVIIIĂšme siĂšcle et la RĂ©volution, Paris, Mercure de France, Le Temps retrouvĂ© », t. LII, 1988, p. 278-280. [31] Ce fut l’un des grands dĂ©bats de l’AssemblĂ©e constituante. Fallait-il inscrire, Ă  cĂŽtĂ© du mot droits » le mot devoirs ? [32] Le code noir avait Ă©tĂ© Ă©laborĂ© par Seignelay, fils cadet de Colbert, en 1685 pour fixer un rĂšglement entre les maĂźtres et leurs esclaves afin d’éviter les abus. [33]- Rousseau Jean-Jacques Discours sur l’origine et le fondement de l’inĂ©galitĂ© parmi les hommes 1755. Natalie laisse Ă©clater son amertume contre l’idĂ©alisme du philosophe lors d’un pĂšlerinage » au tombeau de Rousseau Ă  Montmorency en compagnie de MolĂ© amoureux d’elle et qui a Ă©tĂ© bouleversĂ© par ses propos MĂ©moires de MolĂ©. [34] Registres de dĂ©libĂ©rations du conseil municipal de MĂ©rĂ©ville Forteau Charles MĂ©rĂ©ville sous la RĂ©volution », registres municipaux, Etampes 1899 et 89 en Essonne, ComitĂ© de Recherches sur les RĂ©volutions en Essonne Cahier n°6, p 3 Ă  15 [35] DelĂ©cluze Etienne J., David, son Ă©cole et son temps, Macula 1983. [36] Ozouf Mona, La fĂȘte rĂ©volutionnaire 1789-1799 Folio histoire 22 p. 91 La fĂȘte de la FĂ©dĂ©ration Ce n’est pas seulement splendeur esthĂ©tique, c’est aussi que le simple fait du rassemblement paraĂźt alors une prodigieuse conquĂȘte morale ». [37] Etampes-Histoire cahier n° 17 annĂ©e 2020 Regards sur la Tour Trajane. [38] De Laval Xavier, Le songe de Thermidor, Madame Tallien dans la tourmente, 1988, Ed. Soline. ThĂ©rĂ©sia Cabarrus 1771-1835. [39] Archives nationales Minutier central Etude Duclos Dufresnoy XLVIII 339, Le contrat fut signĂ© Ă  Paris le 23 mai 1790. [40] De Zurich Pierre, Une femme heureuse, Madame de la Briche. De son cĂŽtĂ©, la duchesse de Chaulnes, lors du mariage de son fils avec la sƓur du financier Bonnier de la Mosson, s’excuse avec cynisme de ce qui est pour elle, une mĂ©salliance Il faut bien du fumier pour engraisser ses terres », dit-elle. - Journal de la marquise de la Tour du Pin. Chapelot 1913. p 134 239, 265 et 266. La marquise de la Tour du Pin, Ă©voque le mĂ©pris de la vieille noblesse qu’elle n’approuve pas Ă  l’égard des anoblis parvenus. [41] Rousseau Jean-Jacques RĂȘveries d’un promeneur solitaire. Certains herbiers sont conservĂ©s au Museum d’Histoires naturelles. [42] Futur Louis XVIII, Ă©migrĂ© en Russie puis en Prusse orientale, il rentra en France 25 ans plus tard, Ă  la chute de NapolĂ©on, en 1815 [43] Charles de Noailles-Mouchy, l’époux de Natalie 1771-1834, est le fils aĂźnĂ© de Philippe Louis Marc Antoine 1752-1819 prince de Poix et de la duchesse Anne Louise de Beauvau 1750-1834. [44] Elle n’a pas reçu seulement l’éducation des jeunes filles accomplies qui savent tenir leur rang dans le monde mais elle possĂšde aussi une instruction Ă©clectique puisĂ©e dans la bibliothĂšque de son pĂšre et qu’elle enrichira tout au long de sa vie. Elle peut donner la rĂ©plique Ă  Chateaubriand sur l’AntiquitĂ© et le Moyen-Age Il l’appelle sa docte fĂ©e, elle lit et commente Montaigne, parcourt le monde sur les mappemondes et les cartes avec ses frĂšres et se montre particuliĂšrement douĂ©e pour tous les arts, surtout le dessin. [45] Languedoc » Les Noailles sont de vieille noblesse d’épĂ©e. Languedoc rappelle le nom de son rĂ©giment. [46] - Comte Pierre de Zurich, Une femme heureuse, Madame de la Briche 1755-1844, Paris Boccard 1934. Le bal qu’elle Ă©voque fut un Ă©pisode exceptionnel de la vie mondaine en 1791 Blanche et rose sous sa couronne de cheveux blonds, resplendissante de grĂące et de beautĂ© faite de la puretĂ© des lignes illuminĂ©es de la puretĂ© de la premiĂšre jeunesse, elle Madame de Noailles fit une telle impression dĂšs ses premiers pas dans le salon que toute conversation cessa net. Souple de taille, la physionomie Ă  la fois hautaine et douce, pure et voluptueuse, contraste piquant et d’une sĂ©duction incomparable, elle salua la maitresse de maison et fut s’asseoir d’une façon de reine ». RapportĂ© par Jacques Marquet de Montbreton, Norvins dans ses MĂ©moires. Voir aussi CĂ©lestine de Vintimille, comtesse de Greffulhe puis comtesse Philippe de SĂ©gur qui Ă©voque de maniĂšre semblable un bal qu’elle situe Ă  l’ambassade de Naples. Madame de La Fayette, La Princesse de ClĂšves Cercle du bibliophile 1962 ; Le bal p. 42. [47] Marquise de la Tour du Pin 1770-1853 Journal d’une femme de cinquante ans. Le temps retrouvĂ©, Mercure de France XXVIII p 135 J’allais souvent au spectacle avec la jeune Mme de Noailles, dont la mĂšre, Mme de Laborde, ne sortait pas. D’ailleurs, la fiertĂ© des Mouchy, des Poix, son beau-pĂšre, qui m’aimait beaucoup ne se serait pas arrangĂ©e d’un pareil chaperon. On avait bien voulu des Ă©cus de Mlle de Laborde mais on reniait un peu ses parents ». [48] Pauline dĂ©cĂšde au Mont Dore en 1792 oĂč elle Ă©tait allĂ©e se soigner. [49] Le comte d’Artois, deuxiĂšme frĂšre de Louis XVI, futur Charles X; il quitte Paris le mĂȘme jour que la famille royale, prend un autre chemin et rĂ©ussit Ă  Ă©migrer. La monarchie ayant Ă©tĂ© restaurĂ©e » en 1815, il sera roi Ă  la mort de son frĂšre Louis XVIII. [50] Comtesse de Boigne, nĂ©e d’Osmond. MĂ©moires, rĂ©cit d’une tante. Mercure de France XXIII T 1 p 78-85. RĂ©cit de la fuite du roi racontĂ© par son pĂšre, M. d’Osmond qui Ă©tait Ă  la Cour Ă  ce moment-lĂ  et dans la confidence du dĂ©part. MĂ©moires de la Marquise de la Tour du Pin, op. citĂ©. [51] Antoinette, Charlotte, Rosalie, LĂ©ontine de Noailles, 22 juillet 1791- 1851 Ă  Mouchy-le-ChĂątel. [52] RebaptisĂ©e rue Cerutti aprĂšs le dĂ©part en Ă©migration du Comte d’Artois devenu ennemi de la Nation. [53] A la fin de juillet 1789, les paysans alarmĂ©s par des rumeurs sont pris de panique et pillent les chĂąteaux, brĂ»lent les registres des impĂŽts seigneuriaux. C’est la grande peur qui fait fuir intendants et nobles. Ce fut la premiĂšre Ă©migration. Vidalencq Jean Les Ă©migrĂ©s français 1789-1825 - Espinchal Joseph Thomas Anne, comte d’ Journal d’émigration p 38, 74, 153,218, 253, 286,315, 347,405Arsenal NF 41411 Turquam Joseph Les femmes de l’émigration 1789-1818 p 133 et suivantes, BibliothĂšque Mazarine 67762. 26985; Reinach-Foussemagne Comtesse de 1764-1842 La marquise de Lage de Volude en Ă©migration 1764-1842 Librairie acadĂ©mique Perrin, 1908. 3Ăšme Ă©dition ch. IV [54] VigĂ©e-Lebrun Elisabeth 1755-1842 Souvenirs tome 1 Lettre XII p 131. Elle quitte la France en catastrophe en 1790 sans avoir eu le temps de faire le portrait de Natalie Il s’agissait seulement de sauver sa tĂȘte. En consĂ©quence, je fis charger ma voiture et j’avais mon passeport pour partir le lendemain avec ma fille et sa gouvernante ». Elle parcourt l’Europe Italie, Allemagne, Russie, Autriche pendant les 11 annĂ©es de son Ă©migration, vivant partout avec succĂšs de son art. [55] De Cayeux Jean, Hubert Robert, Fayard, 1989, p. 291, 292. ArrĂȘtĂ© lui aussi le 29 octobre 1793, suspect pour avoir peint et frĂ©quentĂ© des personnages de la Cour. [56] La noblesse est divisĂ©e profondĂ©ment. La haute aristocratie bĂ©nĂ©ficiaire de pensions » Ă  la Cour forme le groupe des Ultras et rejette les nouveaux arrivĂ©s en Ă©migration qui ont adoptĂ© la constitution et ont fui aprĂšs le 10 aoĂ»t. [57] D’Espinchal Joseph Thomas Anne, comte d’, Journal d’émigration 1791 BibliothĂšque de l’Arsenal, usuels Nous apprenons le passage du comte d’Artois Ă  Vienne le 18 aoĂ»t... Il a logĂ© chez l’ambassadeur d’Espagne ne voulant pas voir le constitutionnel marquis de Noailles... » !!! [58] Charge importante et lucrative qui permet d’ĂȘtre le reprĂ©sentant du roi auprĂšs des agents Ă©trangers et des princes ; il organise les rĂ©ceptions et distribue les subsides Ă  l’armĂ©e Ă  l’étranger. [59] - MĂ©moires de la Marquise de la Tour du Pin p 145 le corps d’armĂ©e commandĂ© par La Fayette pour passer en pays Ă©tranger, avec une niaiserie de confiance qui ne saurait s’expliquer... » - D’Espinchal op. CitĂ©. Arsenal NF 41411 Perrin 1912 - Castries duc de La Fayette Taillandier 1981 Le 19 aoĂ»t 1792, menacĂ© d’arrestation Ă  Paris, La Fayette, rejoint par Alexandre de Lameth et vingt-et-un officiers d’Etat-Major dont La Tour-Maubourg et Charles de Noailles tente d’émigrer. Mais ils furent arrĂȘtĂ©s par des sentinelles autrichiennes vers LiĂšge. Seul, Lafayette resta en prison. [60] Barante baron de Archives lettre de Natalie Ă  Barante 1791 j’ai trouvĂ© mes parents M. et Mme de Laborde tranquilles et de fait et d’esprit...Ils croient passer l’hiver ici Ă  MĂ©rĂ©ville, espĂ©rant bien vous y voir et n’y prĂ©sument pas d’obstacles ; je ne suis pas aussi assurĂ©e qu’eux». Natalie a raison Son pĂšre sera arrĂȘtĂ© Ă  MĂ©rĂ©ville sur dĂ©nonciation de Paris. [61] Archives MĂ©rĂ©ville, registre des dĂ©libĂ©rations du Conseil Municipal. Madame de la Briche, nĂ©e PrĂ©vost fille d’un fermier gĂ©nĂ©ral, veuve du sixiĂšme Lalive de la Briche. Le premier juin 1793, quittant son chĂąteau du Marais oĂč elle ne se sent plus en sĂ©curitĂ©, accompagnĂ©e de Marie PrĂ©vost 74 ans sa mĂšre, d’Alexise, 11 ans dite Caroline et de deux femmes de chambre, Madame de la Briche est enregistrĂ©e Ă  MĂ©rĂ©ville oĂč elle vient se rĂ©fugier. C’est lĂ  qu’elle commence la rĂ©daction d’un journal fait pendant la RĂ©volution en France ». [62] Marquise de la Tour du Pin, p 135. Je soupais souvent Ă  l’hĂŽtel de Laborde, rue d’Artois, avec Mme de Poix. On y entendait toujours de la trĂšs bonne musique, exĂ©cutĂ©e par tous les meilleurs artistes de Paris ». Et p 20 S’il avait sa loge Ă  l’OpĂ©ra, ce n’était pas pour se montrer mais pour jouir du spectacle ». [63] Le 5 septembre 1793, la Terreur est mise Ă  l’ordre du jour », avec la loi des suspects qui organise des comitĂ©s rĂ©volutionnaires avec tribunaux d’exception envoyĂ©s en mission dans les dĂ©partements et des comitĂ©s de surveillance. La Terreur prend fin avec la conjuration contre Robespierre le 9 thermidor, mais pas la disette, ni la guerre, ni les rĂšglements de compte. La Terreur blanche remplace la Terreur rouge. [64] Le terme de paquebot, dĂ©rivĂ© de l’anglais packet boat, dĂ©signait Ă  l’époque des navires transportant le courrier et parfois quelques passagers. [65] D’Ormesson Jean 1924-2017 Mon dernier rĂȘve sera pour vous, une biographie sentimentale de Chateaubriand opus citĂ© p 122 et suivantes Cosson Chevalier de alias Nossac » 1769-1861 MĂ©moires BibliothĂšque de l’Arsenal Usuels Daudet Ernest Histoire de l’émigration. BibliothĂšque de l’Arsenal. [66] A Londres, les Ă©migrĂ©s choisissent leur quartier de rĂ©sidence selon leurs moyens et se regroupent par classes sociales ; certains, oisifs, ne vivent que du crĂ©dit sur leur nom prestigieux, d’autres inventent des travaux utiles pour survivre. [67] Vintimille du Luc CĂ©lestine MĂ©moires. Du Hausset Madame MĂ©moires sur Louis XV et sur Madame de Pompadour Mercure de France T. XL. Charles RenĂ© FĂ©lix comte de Vintimille du Luc 1766-1806, fils de Charles-Emmanuel Vintimille du Luc nĂ© en 1741 Ă  la Cour fils naturel de Louis XV et de Pauline de Mailly, surnommĂ© Demi-Louis tant il ressemblait Ă  Louis XV. Il Ă©pouse en 1783, Marie-Gabrielle Artois LĂ©vis 1765-1794 DĂšs 1789, il Ă©migre, laissant sa famille Ă  Paris. Son Ă©pouse, sa sƓur et leur mĂšre la MarĂ©chale de LĂ©vis sont guillotinĂ©es Ă  la barriĂšre du TrĂŽne le mĂȘme jour, 10 juillet 1794 ; les 3 petites filles du couple abandonnĂ©es Ă  Paris sont cachĂ©es, sous la garde de Julie leur bonne. De retour en France, il sĂ©journe Ă  MĂ©rĂ©ville avec ses filles avant de partir Ă  l’armĂ©e d’Italie oĂč il disparut. [68] Turquan Joseph Les femmes de l’émigration. BibliothĂšque Mazarine 67762 Rosalie GĂ©rard dite la DuthĂ© 1748-1830 ou Mlle DuthĂ©, danseuse Ă  l’OpĂ©ra, ancienne maĂźtresse du comte d’Artois rĂšgnait encore sur la vie mondaine des exilĂ©s riches Ă  Londres. [69] Jeanne Orosie de Laborde 1717-1792, sƓur de Monsieur de Laborde, Ă©pouse de François NoguĂ©. Leur fille, Jeanne-Marie, veuve de Rollin d’Ivry, sera guillotinĂ©e avec son mari dans la mĂȘme charrette » que Laborde. [70] Note 63 p 25 La loi des suspects, dite de prairial, dĂ©cret du 17 septembre 1793 permettait d’arrĂȘter tous ceux et toutes celles qui, par leurs relations de famille ou d’amitiĂ©, leur attitude ou leur rĂŽle en public, leurs discours prĂ©sents ou passĂ©s, leur classe sociale, doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme dĂ©favorables au rĂ©gime nouveau. » [71] HĂ©rissay Jacques Les aumĂŽniers de la guillotine 1793-1794 Bloud et Gay 1935 p 141 De Noailles Louise Charlotte Journal des Prisons 1745-1832. [72] Acte enregistrĂ© Ă  l’Etat civil de MĂ©rĂ©ville. [73] W 19 /965. Dossier Ă  la PrĂ©fecture de Police de Paris, rue des Carmes 1bis. IncarcĂ©rĂ© Ă  la Mairie dĂ©pĂŽt, puis Ă  la Conciergerie puis transfĂ©rĂ© Ă  l’hospice le 27 pluviĂŽse an II, François Laborde disparaĂźt des registres Ă©tant dĂ©clarĂ© mort. On racontait qu’il avait Ă©tĂ© sorti avec les morts grĂące Ă  des complicitĂ©s largement payĂ©es. [74] Malade, il meurt en 1802. [75] PrĂ©fecture de Police, rue des Carmes, Paris. Dossier Jean-Joseph de Laborde, ci-devant banquier de la Cour IncarcĂ©rĂ© au Luxembourg 23 brumaire an II , 13 novembre 1793, transfĂ©rĂ© Ă  la Maison de santĂ© Mahay le 5 dĂ©cembre, extrait le 31 janvier 1794, envoyĂ© Ă  Sainte PĂ©lagie le 3 avril, rĂ©intĂ©grĂ© chez Mahay le 18 avril, dĂ©posĂ© Ă  la Conciergerie, condamnĂ© Ă  mort. 173. DelĂ©cluze Etienne David. P 42, 43, 44. Enfant, Etienne, avec sa mĂšre, assiste par hasard au passage du convoi il remarqua un vieillard de haute stature portant noblement sa tĂȘte jusqu’au moment suprĂȘme c’était le pĂšre de Madame de Noailles, M. de Laborde, Banquier de la Cour.... » [76] Blanc Olivier La corruption sous la Terreur 1792-1794 Aubin imprimeur p 157. Certaines maisons de santĂ© s’étaient opportunĂ©ment reconverties. Les tenanciers en profitaient pour accueillir des prisonniers malades » et surtout fortunĂ©s qu’ils rejetaient en prison quand ils ne pouvaient plus payer. Laborde alla dans la maison de la citoyenne Marie-Catherine Mahaye, femme Reuche, rue du Chemin vert le 18 pluviĂŽse. La Maison Belhomme fut la plus cĂ©lĂšbre de ces pensions. [77] Perey Lucien Histoire d’une grande dame au XVIIIĂšme siĂšcle, La Comtesse HĂ©lĂšne Potocka Paris Calmann-Levy p 296 datĂ© aprĂšs l’abolition de la liste des Ă©migrĂ©s en avril 1802. [78] AN W 173 Acte d’accusation EnvoyĂ©s au Tribunal rĂ©volutionnaire le 21 germinal an II Pour avoir conspirĂ© contre le peuple français », condamnĂ©s Ă  mort le 21 mars 1794 et guillotinĂ©s le 24. C 5408 Per 8°1053 Le passage quotidien des charrettes du tribunal rĂ©volutionnaire par la rue Saint-HonorĂ© jusqu’à la rue royale indisposait ce quartier populaire saisi de dĂ©goĂ»t et d’horreur, obligĂ© de fermer chaque jour les boutiques sur le passage. Leurs dolĂ©ances furent entendues et Ă  partir du 9 juin 1794 21 prairial, l’échafaud fut transportĂ© Ă  la Porte Saint-Antoine. [79] AN Dossier Laborde Dernier billet de Madame Delaborde Ă  son mari Ă  la Conciergerie Le citoyen Gauthier veut bien se charger, mon cher ami, de vous remettre cette lettre ; prenez courage mon ami, ayez l’énergie qui convient Ă  votre innocence. Je suis sans cesse avec vous. Ah, mon ami, je vous aime avec une tendresse sans Ă©gale. Cette lettre Ă©tait Ă©crite hier soir, mon cher ami, j’y ajoute ce matin suivant les avis du citoyen Gauthier. Du courage mon ami, et Dieu nous bĂ©nira. Je vous aime au-delĂ  de toute expression. » [80] Le Luxembourg Ă©tait amĂ©nagĂ© en prison la grille extĂ©rieure surĂ©levĂ©e, palissades et cordon de sentinelles empĂȘchaient de s’approcher pour faire signe aux prisonniers Ă  l’intĂ©rieur. [81] PrĂ©fecture de Police 1 bis rue des Carmes. Feuilles de prison W85/202, 177, 95. La prison de La Force, anciennement l’hĂŽtel des ducs de la Force, Ă©tait affectĂ© Ă  la dĂ©tention des filles de mauvaise vie. AprĂšs le 10 aoĂ»t la Petite Force devint une prison politique oĂč furent dĂ©tenus Madame de Tourzel, sa fille, la princesse de Lamballe, Vergnault, Kersaint et d’autres. InculpĂ©es de manƓuvres contre-rĂ©volutionnaires », Natalie et sa mĂšre y furent d’abord incarcĂ©rĂ©es puis transfĂ©rĂ©es Ă  la Maison de la Justice et de l’EgalitĂ© dite Duplessis l’ancien hĂŽtel des Fermes transformĂ© en prison Registres 317-318 pour 1793 et 300 pour 1794. [82] La municipalitĂ© de MĂ©rĂ©ville a continuellement tentĂ© de protĂ©ger les personnes et les biens Laborde. Protestation contre l’arrestation, retard de la vente du domaine. Le maire Sans-Culottes, Yvoy avait Ă©tĂ© le maĂźtre serrurier de Laborde Ă  La FertĂ©-Vidame et l’avait suivi Ă  MĂ©rĂ©ville. Voir le n°7 de 89 en Essonne Nouveaux pouvoirs et citoyennetĂ©. Le domaine mis sous scellĂ©s ne sera finalement pas vendu. La municipalitĂ© installe Natalie et sa mĂšre dans le logement inoccupĂ© du ci-devant qui leur appartenait. [83] Autre cĂ©lĂ©britĂ© C’était en 1784 que le Prince de Galles avait rencontrĂ© Maria Fitz-Herbert 1756-1837, deux fois veuve. Il finit par Ă©pouser secrĂštement cette bourgeoise irlandaise et catholique le 15 dĂ©cembre 1785. Mais ce mariage est considĂ©rĂ© comme nul par la monarchie. Il se marie donc officiellement avec Caroline de Brunswick en 1795 et n’en continue pas moins les relations avec Maria tout en restant l’intime de Charles de Noailles. [84] Le rĂ©gisseur du chĂąteau. [85] Chevignard Bernard, Souvenirs de Saint John CrĂšvecoeur onnage de Julie dans La Nouvelle HĂ©loĂŻse. Amie intime du poĂšte Saint-Lambert, elle reçoit tous les Ă©crivains, artistes, scientifiques, voyageurs Ă©trangers dans son salon, le jeudi, pendant plus d’un demi-siĂšcle et semble avoir Ă©tĂ© un personnage apprĂ©ciĂ© par tous pour son Ă©quanimitĂ© et sa bienveillance. [86] DelĂ©cluze Etienne-Jean David, son Ă©cole et son temps Souvenirs Ed. Macula 1983. Nouvelle Ă©dition annotĂ©e par Mouilleseaux. Jean-Pierre Collection Vivants piliers. et 2 p 33 et suivantes. Louis David 1748-1825 Peintre de scĂšnes historiques ; il rĂšgne Ă  la fois pendant la Terreur oĂč il est un des tout-puissants membres du ComitĂ© de SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale. Nous lui devons un grand nombre de tableaux trĂšs cĂ©lĂšbres notamment le Serment du jeu de Paume oĂč figure François de Laborde. [87] DelĂ©cluze Etienne David p 14 et suivantes Charles Moreau, artiste, laurĂ©at du grand prix d’architecture est chargĂ© de conseiller et de surveiller les Ă©tudes d’Etienne DelĂ©cluze et de Natalie dans l’un des ateliers de David. Moreau avait la trentaine, bien fait de sa personne... il ne courait pas follement aprĂšs la gloire. » Entre eux avec Natalie, la conversation... Ă©tait devenue libre, ce qui contribua Ă  vivifier l’esprit d’Etienne et Ă  lui faire poursuivre ses Ă©tudes avec plus de verve et de suite ». [88] Les fermiers continuent comme avant la RĂ©volution Ă  ravitailler les Parisiens qui possĂšdent encore des chĂąteaux. Mais le peuple subit la disette gĂ©nĂ©rale. La RĂ©volution n’a pas apportĂ© l’égalitĂ©. 89 Natalie a entrepris des dĂ©marches souvent humiliantes pour faire radier son frĂšre Alexandre de la liste des Ă©migrĂ©s. Elle invite chez elle, mais en vain, Madame de Chastenay amie de Barras qui la dĂ©crit ainsi Elle Natalie chanta en s’accompagnant ; les belles nattes de ses cheveux blonds se dĂ©tachĂšrent ; elle dansa enfin je ne sais quelle cosaque dont on me fit jouer l’air au piano. C’était Aspasie dans tous ses charmes. Madame de Chastenay n’a pas jugĂ© utile de plaider pour une aussi belle femme. Elle s’inscrit alors au cours de dessin du tout puissant David espĂ©rant qu’il interviendra. Ses compagnons se demandent ce que cette dame vient faire dans cet atelier jusqu’au jour oĂč avec l’expression d’une joie vive, elle leur apprend que son frĂšre, revient de larmĂ©e de CondĂ©, et d’ici huit jours il sera Ă  Paris ». David serait-il intervenu ? 90 Pasquier Etienne, Denis 1767-1815 Souvenir du Chancelier Pasquier Hachette 1964. Madame Pasquier Ă©tait nĂ©e Anne-Sophie de Serre de Saint-Roman. 91 Legrand Maxime Etampes pittoresque t 2 ; Souvenirs rapportĂ©s par la Revue des Deux Mondes de 1888 consacrĂ© par M. Bardoux Ă  Mme de Custine Au commencement de l’Empire, MĂ©rĂ©ville revit les beaux jours passĂ©s. Chateaubriand relisait sous les ombrages de MĂ©rĂ©ville devant un cercle de femmes choisies... des chapitres des Martyrs. Chateaubriand RenĂ© de Correspondance gĂ©nĂ©rale MĂ©moires d’Outre-Tombe t 1 1789-1807 BN Herriot Edouard Madame RĂ©camier et ses amis Gallimard 1934 p 292. [92] ArmaillĂ© Comtesse Souvenirs de CĂ©lestine de Vintimille rĂ©digĂ©s par sa fille la comtesse d’ArmaillĂ©. Revue des questions historiques 1934. La grande mode Ă©tait alors de dessiner d’aprĂšs nature et personne ne voyageait sans son album, ses crayons et ses boites de couleur... Nous vĂźmes Ă  MĂ©rĂ©ville Mlle MĂ©lanie de PĂ©rigord qui allait Ă©pouser M. juste de Noailles. Nous vĂźmes Chateaubriand. Son arrivĂ©e, moment le plus intĂ©ressant Sa rĂ©putation littĂ©raire, sa noble conduite aprĂšs l’assassinat du duc d’Enghien le plaçait au premier rang. Nous pouvions le regarder et l’écouter tout Ă  notre aise, il ne faisait aucune attention Ă  nous... ». [93] FrĂ©nilly Le Marais, p 190 Le Marais Ă©tait encore plein des souvenirs de Florian, de la Harpe, de Marmontel, de Ducis, de l’abbĂ© de Lille... » [94] Enfin radiĂ©s de la liste des Ă©migrĂ©s Ă  la faveur de l’amnistie du 16 prairial an VIII 5 juin 1800. Bonaparte comptait ainsi rallier la noblesse. [95] FrĂ©nilly raconte p 185 Aux premiers jours du printemps 1799, Terray et moi fĂźmes partie de suivre ensemble les cours de botanique de Desfontaines... A sept heures du matin...dĂšs le premier jour, Terray crut dĂ©serter. La premiĂšre personne qu’il aperçut en entrant dans la salle fut Madame de Noailles, encore belle Ă  amollir les pierres et qui Ă©tait venue se loger Ă  deux pas de lĂ  pour suivre le cours. Cette Alcine l’avait aimĂ©, comblĂ© puis trahi, comme tant d’autres, et il avait pris la chose au sĂ©rieux. Il devint de toutes les couleurs ; elle lui envoya un sourire aimable et resta blanche et couleur de rose ». [96] Noailles Vicomtesse LĂ©ontine de Noailles, fille unique de Natalie Vie de la princesse de Poix, nĂ©e Beauvau. Je devenais veuve en novembre 1812 aprĂšs trois annĂ©es de mariage ». [97] Perey Lucien Histoire d’une grande Dame au XVIIIĂšme siĂšcle, la comtesse HĂ©lĂšne Potocka Calmann-LĂ©vy 1905 p 296 description de Paris, sort des absents, mƓurs nouvelles. [98] Minutier Central ET/XLVIII 4 florĂ©al an XI 23 avril 1803 Liquidation des droits, reprises et crĂ©ances de Dame Rosalie Claire, JosĂšphe Nettine, veuve de Jean-Joseph de Laborde Etude Robin. Les biens fonciers Ă©taient vendus, sauf MĂ©rĂ©ville et les avoirs financiers anĂ©antis. Il ne restait pas grand-chose de l’immense fortune de Laborde avant la RĂ©volution. [99] Chateaubriand François-RenĂ© vicomte de, 1766-1848 Ă©poux de CĂ©leste Buisson de la Vigne, Ă©crivain, homme politique Je voudrais ĂȘtre Chateaubriand ou rien » dĂ©clare Victor Hugo. Bertaut Jules Vie privĂ©e de Chateaubriand. p 103 et suivantes BibliothĂšque de l’Arsenal NF93151. Maurois AndrĂ© RenĂ© ou la vie de Chateaubriand Grasset 1985 p 128 et suivantes. Buffenoir H Les amies de Chateaubriand Le cƓur de Chateaubriand Ă©tait pareil Ă  ces autels antiques sur lesquels se succĂ©daient les offrandes et les victimes. » Chapitre La duchesse de Mouchy. Boigne Comtesse de nĂ©e d’Osmond, MĂ©moires T 1 Du rĂšgne de Louis XVI Ă  1820 p 202 Ă  207. ClĂ©ment Jean-Paul Chateaubriand Flammarion 1998. Chateaubriand MĂ©moires d’Outre-Tombe 4 volumes Edition du centenaire Flammarion 1947. [100] Pasquier Etienne-Denis 1767-1862 p 56,57... OuliĂ© Marthe Le Prince de Ligne, un grand seigneur cosmopolite Au XVIIIĂšme siĂšcle Hachette, 1927 p 112. [101] MolĂ© Mathieu, Comte 1781-1855 Souvenirs de jeunesse De retour Ă  Paris, La Harpe converti allait reprendre son cours de littĂ©rature au lycĂ©e. Je suivis ses leçons. Un auditoire nombreux rĂ©pondait par ses transports Ă  l’enthousiasme du professeur. C’est lĂ  que je rencontrai pour la premiĂšre fois M. d’Houdetot ... Il Ă©tait toujours auprĂšs de Mme de N. qui arrivait d’Angleterre et dont il paraissait fort occupĂ© ». [102] OuliĂ© Marthe Le Prince de Ligne. P 11. Il raconte comment sur la route de l’exil, les dragons du Prince de Ligne recueillirent Chateaubriand, jeune sous-officier, Ă  demi mort d’épuisement, le chargĂšrent sur leurs fourgons et le remirent en bon chemin, Ă  Namur. [103] Buffenoir Hippolyte, Les amies de Chateaubriand 1898 Le cƓur de Chateaubriand Ă©tait pareil Ă  ces autels antiques sur lesquels se succĂ©daient les offrandes et les victimes » [104] Madame de Chateaubriand, MĂ©moires et Lettres de Madame de Chateaubriand. Jadis et naguĂšre, JonquiĂšre 1929 p 19 et suivantes. [105] Turquan Joseph 1854-1928 Le monde et le demi monde sous le Consulat et l’Empire d’aprĂšs les tĂ©moignages des contemporains Paris, Montgredien et Cie 1897. p 74, 153, 306. [106] MĂ©moires d’Outre-Tombe, XXIX t 1. Il retrouvera son Ă©pouse Ă  Paris le 5 juin 1807 MĂ©moires et Lettres de Madame de Chateaubriand. p 19 et suivantes. [107] Un superbe chĂąle persan naturellement ! [108] Laborde Alexandre de Voyage pittoresque et historique d’Espagne Didot l’aĂźnĂ© 1806. IllustrĂ© de 250 dessins, par Vauzelle, Moulinier, Denon. BibliothĂšque de l’Institut national de l’art, Les planches sont conservĂ©es dans la collection Jacques Doucet. [109] Neuville Baron Hyde de 1756-1857. MĂ©moires et souvenirs. Chapitre VIII Madame de Noailles Ă©tait Mademoiselle de Laborde ; elle avait la distinction et tous les talents qui sont dans cette famille et ce qui vaut mieux encore beaucoup de bontĂ©. Je n’ai pas connu une Ăąme plus noble et plus gĂ©nĂ©reuse. » [110] Chateaubriand ItinĂ©raire de Paris Ă  JĂ©rusalem. La Pleiade p. 212. AndrĂ© Maurois, opus citĂ©, p. 135. [111] Chateaubriand, MĂ©moires d’Outre-Tombe, Journal de Julien Potelin, son valet, annexĂ© aux MĂ©moires. Le 31, nous avons continuĂ© jusqu’à OrlĂ©ans...Ensuite, nous avons fait notre coucher Ă  Angerville et nous sommes arrivĂ©s Ă  Paris le 5 juin 1807 Ă  3 heures de l’aprĂšs-midi.» [112] - Article paru le 4 juillet 1807 en rĂ©action contre NapolĂ©on aprĂšs l’exĂ©cution du duc d’Enghien, ce qui valut Ă  Chateaubriand d’ĂȘtre exilĂ©. - MĂ©moires de Mme de Chateaubriand, op citĂ© la VallĂ©e- aux-Loups, une espĂšce de grange sans cour avec un verger plantĂ© de mauvais pommiers, avec un taillis et quelques mauvais arbres... susceptible de devenir un fort beau jardin. » p 25. [113] M. de Chateaubriand est vicomte. [114] Chateaubriand, MĂ©moires d’Outre-Tombe., Livre 7 p 247. [115] Chateaubriand, ibidem p. 252. Personnage des Martyrs. Tacite Live IV et V des Historiques la prĂ©sente comme une Germaine, prĂȘtresse qui prend part Ă  la rĂ©volte contre Vespasien, l’an 70 et meurt captive Ă  Rome. Chateaubriand en fait le type de la gauloise celtique. Des critiques s’élevĂšrent contre ce nom, on l’accusait d’avoir mĂ©langĂ© profane et sacrĂ©. [116] CĂ©leste de Chateaubriand, MĂ©moires et lettres p. 19 et 29 Jadis et naguĂšre, Henri JonquiĂšre Ă©diteur, 1929. Chateaubriand venait herboriser » Ces pins, tirĂ©s des pĂ©piniĂšres de MĂ©rĂ©ville et que nous devons Ă  M. de Laborde sont actuellement 1830 des arbres que les Alpes ne renieraient pas, les cĂšdres surtout sont d’une beautĂ© remarquable. ». [117] La France aura ce poĂšte Waterloo! Waterloo! Waterloo ! Morne plaine ! / Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine / Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons / La pĂąle mort mĂȘlait les sombres bataillons. /... Tu dĂ©sertais, Victoire...Victor Hugo. [118] Chateaubriand, MĂ©moires d’Outre-Tombe Lettres de Chateaubriand Ă  Natalie, de Chateaubriand Ă  Madame de Duras. Herriot Edouard, Madame RĂ©camier et ses amis. NRF Gallimard 1934 ChXIV, et 292. 119 Claire de Duras est prĂ©sentĂ©e Ă  Chateaubriand en 1809 ; il s’ensuit l’amitiĂ© amoureuse » d’une sƓur » donc Ă  l’abri de toute critique sociale. 120 FĂ©licie de Duras Ă©pouse en 1817 Auguste de La Rochejacquelin 1784-1868, un des frĂšres du cĂ©lĂšbre chef vendĂ©en. Ultra royaliste et lĂ©gitimiste pur et dur, Auguste participe en 1832 Ă  la tentative de la Duchesse de Berry contre Louis-Philippe. [121] Ce n’est pas l’avis de ses amis, unanimes Ă  vanter sa grande bontĂ©, sa discrĂ©tion, et... sa beautĂ© incomparable. [122] Mathieu MolĂ©, Souvenirs de jeunesse p 290. A propos de Natalie, il avoue Je n’étais pas amoureux de cette femme, l’une des plus sĂ©duisantes qui aient existĂ© mais je tremblais toujours de le devenir. » [123] On sait aussi qu’elle fit l’ascension du Pic du Midi d’Ossau avec un guide connu, Ramond de CarbonniĂšres, gĂ©ologue, explorateur nĂ© Ă  Strasbourg, ancien constitutionnel proche de Malesherbes qui se cacha dans les PyrĂ©nĂ©es pendant la Terreur, devint professeur de sciences naturelles Ă  Tarbes, dĂ©putĂ© des Hautes-PyrĂ©nĂ©es, prĂ©fet de la DrĂŽme 1806-1813, conseiller d’Etat. [124] Archives de la Seine D Q18 - Desprez et Riant notaires ; vente du 10 novembre 1821 Natalie, Luce, LĂ©ontine, JosĂ©phine de Laborde, Ă©pouse sĂ©parĂ©e quant aux biens de M. Arthur, Tristan, Jean, Charles Languedoc de Noailles duc de Mouchy, Pair de France, habitant 90 rue du faubourg Saint-HonorĂ© et Place Beauvau, a achetĂ© une maison et jardin de 8 838 m2 » au 61, rue du Rocher alias rue des Errancis ». [125] Archives de la famille Mouchy. [126] Minutier central Etude XLVIII, Natalie Ă©crit son testament le 9 juillet 1814. DĂ©posĂ© chez Me Cahouet je laisse Ă  M. de Chateaubriand une petite Ă©dition d’Attala et RenĂ© et les deux dessins coloriĂ©s de Casas qui sont dans ma bibliothĂšque ». Elle ne meurt qu’en 1835 sans avoir retouchĂ© ce testament. [127] Claire de Duras, la chĂšre sƓur », [128] Elle est devenue duchesse de Mouchy » au dĂ©cĂšs de son beau-pĂšre, le duc de Mouchy ; Chateaubriand moqueur l’appelait Mouche. [129] Lucile, la sƓur bien aimĂ©e de Chateaubriand morte prĂ©maturĂ©ment et tragiquement. Les paroles de la romance pleine de mĂ©lancolie et de tendresse sont Ă©crites par Chateaubriand sur un air des Montagnes d’Auvergne. Elle est insĂ©rĂ©e dans le Dernier AbencĂ©rage » . Retrouveztous les avis de dĂ©cĂšs de la ville de La20tour-du-pin - Adresse et heure des obsĂšques - Livraison de fleurs de deuil - CondolĂ©ances en ligne 04 82 53 51 51 AVIS DE DÉCÈS
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Avisde dĂ©cĂšs de Solange GUILHEM. Accueil Les derniers avis de dĂ©cĂšs Auvergne-RhĂŽne-Alpes Toggle navigation. 19 vues Partager SG. Madame Solange GUILHEM. À la Tour-du-Pin (38110) Solange Guilhem. Calendrier des Ă©vĂšnements. Aucune cĂ©rĂ©monie n'est prĂ©vue pour l'instant Envoyer des fleurs de deuil Ouvrir une cagnotte obsĂšques Trouver facilement une assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  La tour-du-pin 38110 1001 services diffĂ©rents dans des catĂ©gories variĂ©es Une communautĂ© de utilisateurs actifs Un suivi des prestations et helpdesk 7 jours sur 7 Des prestataires Ă  partir de 12€/h - Assurance incluse 1. Trouvez un service J'envoie un Pwiic TrouverService, qui dĂ©crit ma demande en minimum une phrase. Notre robot intelligent interprĂšte votre phrase, la localise et l'envoie automatiquement aux bonnes personnes. 2. Recevez des offres de personnes proches Je reçois des propositions de personnes proches de chez moi de voisins bĂ©nĂ©voles qui me proposent une aide gratuite ou contre une rĂ©munĂ©ration. 3. Acceptez une proposition J'accepte la proposition qui me convient et une fois la mission terminĂ©e, je dĂ©bloque le paiement si la prestation Ă©tait rĂ©munĂ©rĂ©e 1. proposez un service J'envoie un Pwiic ProposerService, qui dĂ©crit quels services je propose en une phrase. Notre robot intelligent interprĂšte votre phrase, et vous propose des compĂ©tences Ă  rajouter Ă  votre profil. 2. RĂ©pondez aux offres Je reçois des demandes de personnes proches de chez moi qui correspondent Ă  mes compĂ©tences je peux proposer mon aide bĂ©nĂ©volement ou contre une rĂ©munĂ©ration. 3. RĂ©alisez la mission Je rĂ©alise la mission et je suis payĂ© en ligne, en cas de prestation rĂ©munĂ©rĂ©e. Certaines communautĂ©s permettent en plus de gagner des bons d'achats Ă  dĂ©penser chez nos partenaires des magasins de bricolage, des pharmacies, des animaleries, des supermarchĂ©s,... sur 5 basĂ© sur 1451 notes des utilisateurs. Site web bien organisĂ©. Facile a comprendre et a manipuler. Excellent site de partage, je vous le conseille vivement. Pratique, concept intĂ©ressant. super c'est bien expliquer Site sympathique qui mĂ©rite beaucoup d'attention. Je suis nouveau sur le site je trouve ça original et c'est une trĂšs bonne idĂ©e. J'espere que le site va exploser en nombre de membres Rien Ă  redire super site . SĂ©rieux , convivial et peu onĂ©reux 👍 Pwiic, la plateforme pour tous vos services du quotidien Trouvez un petsitter, un jardinier, un bricoleur, un coach sportif, un cours de guitare, .... 1001 services disponibles prĂšs de chez vous. Toutes nos prestations sont assurĂ©es parAxa DĂ©couvrez d'autres villes pour le service Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie en France Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Hesdin-l'abbĂ© 62360 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Artemare 01510 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Marfaux 51170 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  MontĂ©preux 51320 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Martrin 12550 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Varogne 70240 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Durance 47420 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Ă©pinay-sous-sĂ©nart 91860 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  LĂ©ry 27690 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Saint-sixte 42130 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Beaumont 63110 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Montigny-sur-meuse 08170 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  MĂ©dan 78670 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Monbardon 32420 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Cuqueron 64360 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  SaumĂ©jan 47420 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Saint-paul 60650 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Kuttolsheim 67520 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Monampteuil 02000 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Garnat-sur-engiĂšvre 03230 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Nelling 57670 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Jarcieu 38270 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Neuville-les-dames 01400 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Lillebonne 76170 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Soudeilles 19300 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Ravenel 60130 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Clamart 92140 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Gron 18800 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  Carignan-de-bordeaux 33360 Assistant dĂ©cĂšs et fin de vie Ă  BiernĂ© 59380
Lesderniers avis de décÚs de la commune de La Tour-du-Pin Vous trouverez ci-dessous la liste des avis de décÚs publiés dans la commune de La Tour-du-Pin, ainsi que les avis de messe, les remerciements, les avis souvenir et les hommages.Vous aurez plus de détail en cliquant sur le nom du défunt.
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